Vu le recours enregistré le 7 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 6 octobre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir réformé le jugement du 16 décembre 1997 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l'Etat ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blondel, avocat de l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom a été assujettie, au titre de l'année 1995, à la taxe foncière sur les propriétés bâties, pour un montant total de 9 471 F, à raison de locaux qu'elle possède au ... (Puy-de-Dôme) ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 octobre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé le jugement du 16 décembre 1997 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ayant rejeté la demande de l'association, a déchargé cette dernière de l'imposition susmentionnée et a condamné l'Etat à lui verser la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : "Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties ... : 4° les édifices affectés à l'exercice d'un culte appartenant à l'Etat, aux départements ou aux communes, ou attribués, en vertu des dispositions de l'article 4 de la loi de 1905 aux associations ou unions prévues par le titre IV de la même loi ainsi que ceux attribués, en vertu des dispositions de l'article 112 de la loi du 29 avril 1926 aux associations visées par cet article et ceux acquis ou édifiés par lesdites associations ou unions" ; qu'il résulte de ces dispositions que seules les collectivités publiques et les associations cultuelles au sens de la loi du 9 décembre 1905 ou leurs unions peuvent prétendre, pour les édifices qui leur ont été attribués ou qu'elles ont acquis ou édifiés, au bénéfice de cette exemption, sans que celui-ci soit subordonné à une reconnaissance préalable au titre des dispositions relatives au contrôle des dons et legs ; qu'il résulte des dispositions des articles 1er, 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l'Etat, en premier lieu, que les associations revendiquant le statut d'association cultuelle doivent avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte, en deuxième lieu, qu'elles ne peuvent mener que des activités en relation avec cet objet telles que l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi que l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte et, en troisième lieu, que le fait que certaines des activités de l'association pourraient porter atteinte à l'ordre public s'oppose à ce que ladite association bénéfice du statut d'association cultuelle ;
Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé, par des motifs que ne conteste pas le pourvoi, que l'objet statutaire de l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom et l'activité qu'elle exerçait en 1995 dans les locaux qu'elle possède rue de l'Ambène présentaient un caractère exclusivement cultuel ; que, par les motifs contestés par le ministre, elle a jugé qu'aucune atteinte à l'ordre public liée à l'activité de l'association ne faisait obstacle à ce que lui fût reconnu le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 1382 précité du code général des impôts ;
Considérant d'une part, que si le ministre soutient que la cour aurait commis une erreur de droit en lui imputant la charge de la preuve de l'existence d'une menace à l'ordre public attachée à l'exercice de l'activité de l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom, ce moyen manque en fait ;
Considérant, d'autre part, qu'après avoir souverainement relevé, par une appréciation qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation, qu'il ne résultait del'instruction, ni que ladite association ait fait l'objet de poursuites ou d'une dissolution de la part des autorités administratives ou judiciaires, ni qu'elle ait incité ses membres à commettre des délits, en particulier celui de non assistance à personne en danger, la cour a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de qualification juridique, juger dans les circonstances de l'espèce qui lui était soumise, que l'activité de l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom ne menaçait pas l'ordre public et, par suite, que ladite association était en droit de bénéficier, au titre de l'année 1995, de l'exonération prévue à l'article 1382 du code général des impôts ;
Sur les conclusions relatives à la condamnation de l'Etat par l'arrêt attaqué, à verser à l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens :
Considérant qu'en usant de la faculté que lui laissent les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel de faire droit à des conclusions tendant au bénéfice de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Lyon s'est livrée à une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible, en l'absence de dénaturation, d'être critiquée devant le juge de cassation ;
Sur les conclusions de l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom une somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.