Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 6 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 6 juillet 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 20 mars 1996 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a déchargé la société d'intérêt collectif agricole (SICA) Sud Canne du complément d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1987 et 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stefanini, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Bouzidi, avocat de la société d'intérêt collectif agricole Sud Canne,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'intérêt collectif agricole (SICA) Sud Canne dont le siège social est à Saint-Louis de La Réunion a notamment pour objet, dans le département de La Réunion et dans l'intérêt des agriculteurs de la région "Sous le Vent", de créer et gérer les installations et les équipements de mécanisation consistant en matériels de préparation de sols, d'épandage d'engrais, d'insecticides et d'herbicides, de plantation, de récolte et de transport de la canne à sucre et d'assurer le transport des récoltes par engins de gros tonnage ; que cette société, soumise à l'impôt sur les sociétés, a effectué en 1987 et 1988 des investissements en matériels neufs qu'elle a déduits du montant de ses résultats imposables sur le fondement des dispositions du I de l'article 238 bis HA du code général des impôts ; qu'ayant fait l'objet le 28 mai 1990 d'une notification de redressement portant sur les bénéfices imposables des deux exercices clos au cours des années susmentionnées, elle a été assujettie, au titre des années 1987 et 1988 à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ainsi qu'aux pénalités de retard y afférentes pour un montant total de 829 080 F ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 238 bis HA du code général des impôts dans sa rédaction issue du I de l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 1986 du 11 juillet 1986, applicable aux impositions litigieuses : "I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ( ...) peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat. La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé ( ...)" ; que, d'autre part, l'article 63 du code général des impôts vise, pour la définition du bénéfice de l'exploitation agricole imposable à l'impôt sur le revenu, les revenus que l'exploitation de biens ruraux procure aux fermiers, métayers, colons partiaires ou propriétaires exploitant eux-mêmes et que l'article 1450 du même code vise, pour leur reconnaître le droit à une exonération de taxe professionnelle, "les exploitants agricoles, y compris les propriétaires ou fermiers de marais salants" ;
Considérant que les dispositions précitées du I de l'article 238 bis HA du code général des impôts, dès lors qu'elles se réfèrent sans restriction au secteur d'activité de l'agriculture ne sauraient être interprétées, en l'absence d'indication de la volonté du législateur dans les travaux parlementaires ayant précédé leur adoption, comme limitant le bénéfice de l'avantage fiscal qu'elles prévoient aux investissements réalisés dans les entreprises appartenant au secteur de la production agricole et par suite aux seuls exploitants agricoles entrant dans le champ d'application des articles 63 et 1450 du code général des impôts ; que, dès lors, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir relevé que les travaux d'épierrage des champs, de coupe et de ramassage mécanisés des cannes effectués par la société d'intérêt collectif agricole sont l'accompagnement nécessaire des opérations de production végétale agricole, a estimé que l'activité correspondant à ces travaux relève du secteur de l'agriculture et est éligible à la déduction ouverte par les dispositions précitées de l'article 238 bis HA du code général des impôts au profit des investissements dans les entreprises qui appartiennent au secteur d'activité de l'agriculture ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander, par l'unique moyen soulevé par lui, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société d'intérêt collectif agricole Sud Canne.