Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 14 septembre 2000 et 12 janvier 2001, présentés pour la SA AMESTRA dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice ; la SA AMESTRA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt du 11 juillet 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 novembre 1997 rejetant sa demande tendant à la restitution des sommes payées au titre de la taxe parafiscale perçue au profit du Centre de coordination des centres de recherche en mécanique (COREM) pour les années 1989 à 1993, d'autre part, réduit la cotisation de taxe parafiscale établie au titre du second semestre 1993 et déchargé la société à concurrence de cette réduction, a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) de lui accorder la restitution intégrale des cotisations litigieuses et le bénéfice des conclusions qu'elle a présentées devant la cour au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales ;
Vu le décret n° 89-437 du 30 juin 1989 instituant une taxe parafiscale au profit du COREM ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur ;
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la SOCIETE AMESTRA et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat du Centre de coordination des centres de recherche en mécanique (COREM),
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA AMESTRA se pourvoit en cassation contre l'article 4 de l'arrêt du 11 juillet 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 novembre 1997 rejetant sa demande tendant à la restitution des sommes payées au titre de la taxe parafiscale perçue au profit du Centre de coordination des centres de recherche en mécanique (COREM) pour les années 1989 à 1993, d'autre part, réduit la cotisation de taxe parafiscale établie au titre du second semestre 1993 et déchargé la société à concurrence de cette réduction, a rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 30 juin 1989 : "Il est institué jusqu'au 31 décembre 1993 au profit du Comité de coordination des centres de recherche en mécanique (COREM) une taxe parafiscale destinée à financer des actions tendant au progrès, au transfert et généralement à la diffusion des techniques visant à l'accroissement de la productivité et à l'amélioration de la qualité des produits" ; qu'ainsi que le rappelle l'article 6 de ce décret, la contestation de cette taxe était soumise aux dispositions de l'article 8 du décret susvisé du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales, aux termes desquelles : "( ...) La contestation du bien-fondé de la dette doit être présentée avant tout recours juridictionnel au représentant qualifié de l'organisme dans les deux mois de la notification de l'état exécutoire ou du paiement s'il est antérieur à cette notification (à)" ;
Considérant que, pour contester la fin de non-recevoir opposée, sur ce fondement, à celles des conclusions de sa réclamation présentée le 7 mars 1994 qui étaient dirigées contre les cotisations de taxe parafiscale versées au titre de la période du 1er janvier 1989 au 30 juin 1993, la SA AMESTRA avait fait valoir que les dispositions du décret du 30 octobre 1980 ne pouvaient régir la contestation d'un prélèvement qui, ayant été illégalement institué de manière rétroactive et n'ayant trouvé de fondement que dans une loi de validation, ne présentait pas, selon la requérante, le caractère d'une taxe parafiscale ; qu'en se bornant à énoncer que "les conclusions relatives aux taxes afférentes à cette période, y compris en tant qu'elles s'appuient sur un moyen tiré du défaut de base légale de la cotisation versée au titre du 1er semestre 1989, ne sont pas recevables", la cour administrative d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ; que l'arrêt attaqué est par suite entaché d'irrégularité, en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre les taxes dues au titre des années 1989 à 1992 et du premier semestre de l'année 1993 ;
Considérant, d'autre part, que la SA AMESTRA a invoqué devant la cour un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret précité du 30 octobre 1980 faisant obligation aux organismes au profit desquels sont instituées des taxes parafiscales, avant toute prorogation ou modification de la taxe, de fournir un compte-rendu aux autorités de tutelle ; qu'il est constant que ce moyen visait effectivement le renouvellement de la taxe en cause par le décret précité du 30 juin 1989, alors même que, par suite d'une erreur de plume, les écritures de la société mentionnaient les références d'un autre décret ; que, pour écarter ce moyen, l'arrêt attaqué relève que le compte-rendu dont l'inexistence était invoquée a été effectivement communiqué le 11 juillet 1988 aux autorités de tutelle par le COREM ; qu'il ressort toutefois du dossier que les indications correspondantes n'ont été fournies à la cour par le ministre que dans un mémoire enregistré le 28 avril 2000, produit dans le cadre de l'instruction d'un litige distinct et qui n'a pas été versé au dossier ; qu'en se fondant ainsi sur des éléments dont la requérante n'a pas été mise à même de discuter la pertinence, la cour a méconnu le caractère contradictoire de la procédure ; qu'ainsi son arrêt est également entaché d'irrégularité, en tant qu'il écarte les conclusions dirigées contre la taxe afférente au second semestre de l'année 1993 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA AMESTRA est fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond et, compte tenu de l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 novembre 1997 par l'article 1er, non contesté, de l'arrêt attaqué, de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la demande de première instance de la SA AMESTRA, autres que celles auxquelles a fait droit l'article 3, également non contesté, de l'arrêt de la cour ;
Sur les conclusions dirigées contre les taxes afférentes aux années 1989 à 1992 et au premier semestre de l'année 1993 :
Considérant que les prescriptions précitées de l'article 8 du décret du 30 octobre 1980 s'appliquent à la contestation de toute taxe parafiscale, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon les moyens invoqués par le redevable, et quand bien même ce dernier exciperait de l'illégalité du décret ayant institué la taxe ; que l'argumentation analysée ci-dessus de la SA AMESTRA ne peut, dès lors, faire échec à la forclusion dont étaient entachées les conclusions de sa réclamation présentée le 7 mars 1994, en tant qu'elles visaient les cotisations de taxe parafiscale versées au titre de la période du 1er janvier 1989 au 30 juin 1993 ; qu'il suit de là que les conclusions correspondantes ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions dirigées contre la taxe afférente au second semestre de l'année 1993 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le COREM :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 6 et 8 du décret du 30 octobre 1980 et de l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, que, en l'absence de notification d'une décision expresse de rejet de la réclamation dont la SA AMESTRA avait saisi le COREM, aucun délai n'était imparti à l'intéressée pour saisir le tribunal administratif ; que le COREM n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par l'intéressée, en tant qu'elle concerne la taxe afférente au second semestre de l'année 1993, serait tardive et par suite irrecevable ;
En ce qui concerne le bien-fondé :
Quant aux moyens tirés du droit communautaire :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 (devenu 23) du traité instituant la Communauté européenne : "I - La Communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 12 (devenu 25) du même traité : "Les Etats membres s'abstiennent d'introduire entre eux de nouveaux droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent ( ...)" ; qu'enfin, aux termes de l'article 95 (devenu 90) du même traité : "Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires. En outre, aucun Etat membre ne frappe les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions ( ...)" ; que les redevables d'une taxe parafiscale ne peuvent utilement se prévaloir, à l'appui d'une demande en décharge de cette taxe, de ce que celle-ci aurait le caractère d'une imposition intérieure instituée en méconnaissance de ces dispositions, que si les cotisations contestées ont été établies, en tout ou en partie, à raison d'opérations portant sur des produits d'autres Etats membres de la Communauté européenne ;
Considérant qu'il résulte de l'article 4 du décret précité du 30 juin 1989 que la taxe perçue au profit du COREM est assise sur le chiffre d'affaires hors taxe total réalisé en France et à l'exportation, qu'elle n'est prélevée que sur les produits fabriqués ou assemblés en France et qu'elle est appliquée selon le même taux aux produits destinés au marché intérieur français et aux produits destinés à être exportés dans les autres Etats membres de la Communauté européenne ; que, par suite, et alors même que la taxe ne repose sur aucune distinction quant à la provenance des matières ou éléments utilisés pour la fabrication ou l'assemblage des produits assujettis, la SA AMESTRA n'est pas fondée à soutenir, ni que cette taxe serait en réalité une taxe d'effet équivalent à un droit de douane, ni qu'elle aurait été perçue en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne ;
Quant aux autres moyens :
Considérant, en premier lieu, que pour contester les cotisations mises à sa charge en application du décret précité du 30 juin 1989 pour la période correspondant au second semestre de l'année 1993, la SA AMESTRA ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la rétroactivité illégale dont ce décret aurait été entaché en ce qui concerne la période correspondant au premier semestre de l'année 1989 ;
Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de l'article 4 du décret précité du 30 octobre 1980 faisaient obligation au COREM, qui bénéficiait jusqu'au 30 décembre 1988 de la taxe prévue par le décret n° 84-866 du 27 septembre 1984, de fournir avant toute prorogation ou modification de cette taxe un compte-rendu aux autorités de tutelle ; que, dès lors que le décret du 30 juin 1989 n'avait pas pour objet de modifier cette règle, il ne pouvait légalement intervenir que dans le respect de la procédure ainsi définie ;
Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que le document communiqué au ministre chargé du budget le 11 juillet 1988 par le COREM doit être regardé comme constituant le compte-rendu dont la production était requise, alors même qu'il aurait été établi pour l'information du Parlement en vue de la préparation de la loi de finances, et qu'il n'aurait pas été conforme au modèle normalisé défini par l'arrêté ministériel dont l'intervention est prévue par l'article 4 du décret du 30 octobre 1980, dès lors que cette dernière exigence ne présente pas un caractère substantiel ; qu'il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret sur le fondement duquel lui ont été réclamées les cotisations qu'elle conteste aurait été pris en méconnaissance des prescriptions dudit article 4 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de la SA AMESTRA ne peut être accueillie ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le Centre de coordination des centres de recherche en mécanique, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la SA AMESTRA la somme que celle-ci demande devant la cour au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SA AMESTRA à verser au Centre de coordination des centres de recherche en mécanique la somme que celui-ci demande devant le Conseil d'Etat au titre de ces mêmes dispositions ;
Article 1er : L'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 11 juillet 2000 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la SA AMESTRA tendant à la décharge des cotisations de taxe perçues au profit du COREM et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par le Centre de coordination des centres de recherche en mécanique au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A. AMESTRA, au Centre de coordination des centres de recherche en mécanique et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.