Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 21 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Yves X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 10 décembre 1998 par laquelle le sous-directeur du service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a, pour le chef de ce service, suspendu le paiement des arrérages de sa pension civile de retraite du 1er janvier au 31 décembre 1998, intervalle qui a ensuite été ramené à la période du 1er janvier au 31 octobre 1998 en application de la décision modificative prise le 5 février 1999 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 161-22 ;
Vu l'ordonnance n° 82-290 du 30 mars 1982 modifiée ;
Vu la loi n° 83-430 du 31 mai 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, notamment son article 72 ;
Vu la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991, la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991, la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 et la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, notamment son article 87 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mahé, Maître des Requêtes ;
- les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit donné acte à M. X... du désistement d'office de sa requête :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 53-3 du décret du 30 juillet 1963, modifié par le décret du 16 janvier 1981 : "Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d'Etat donne acte de ce désistement" ; que, par une requête sommaire, enregistrée le 19 février 1999, M. X... a exprimé l'intention de produire un mémoire complémentaire ; que ce mémoire a été déposé au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 juin 1999 ; qu'à cette date, et compte tenu du fait que le 20 juin était un dimanche, le délai de 4 mois imparti par les dispositions précitées de l'article 53-3 du décret du 30 juillet 1963 modifié, qui est un délai franc, n'était pas expiré ; qu'ainsi, M. X... ne peut être réputé s'être désisté de sa requête ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision rectificative notifiée à M. X... après le dépôt de sa requête, il a été procédé à la remise en paiement de sa pension civile de retraite à compter du 1er novembre 1998 ; que, par suite, il y a lieu d'interpréter la requête de M. X... comme ne tendant plus qu'à obtenir l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle a suspendu le paiement des arrérages de sa pension du 1er janvier au 31 octobre 1998 ;
Au fond, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, codifiant l'article premier de l'ordonnance n° 82-290 du 30 mars 1982 relative à la limitation des possibilités de cumuls entre pensions de retraite et revenus d'activité, et applicable à la date de la décision attaquée en vertu des dispositions de l'article 10 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 : "Le service d'une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d'un régime spécial de retraite au sens de l'article L. 711-1 et dont l'entrée en jouissance intervient à compter d'un âge fixé par décret en Conseil d'Etat, ou ultérieurement, est subordonné à la rupture définitive de tout lien professionnel avec l'employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée, à la cessation définitive de cette activité" ; qu'aux termes de l'article R. 161-11 du même code : "L'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 161-22 est fixé à soixante ans" ;
Considérant que M. X..., professeur des facultés et médecin des hôpitaux en retraite, défère au Conseil d'Etat la décision attaquée en tant qu'elle a suspendu dans sa totalité le paiement des arrérages de sa pension de retraite du 1er janvier 1998 au 31 octobre 1998, au motif que jusqu'à cette dernière date, il a poursuivi l'activité de membre du comité médical du Commissariat à l'énergie atomique ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale : "Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à l'exercice des activités suivantes : . 3° . consultations données occasionnellement." ; qu'il n'est pas contesté que les fonctions exercées par M. X... au sein du comité médical du Commissariat à l'énergie atomique se bornaient à une activité de conseil occasionnelle auprès du personnel médical de cet établissement lui procurant, d'ailleurs, un revenu inférieur au dixième de son traitement de médecin des hôpitaux ; que, dès lors, elles doivent être regardées comme des consultations données occasionnellement au sens des dispositions précitées ; que, par suite, M. X... est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle a suspendu le paiement des arrérages de sa pension de retraite du 1er janvier au 31 octobre 1998 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 3 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 10 décembre 1998 du chef de service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est annulée en tant qu'elle a suspendu le paiement des arrérages de la pension de retraite de M. X... du 1er janvier 1998 au 31 octobre 1998.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Yves X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.