Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai et 13 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 13 mars 2001 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'après avoir jugé n'y avoir pas lieu de statuer sur les conclusions en décharge dont elle était saisie, à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, la cour a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du 5 février 1997 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période courant du 1er janvier 1990 au 29 janvier 1990 ;
2°) statuant au fond, de lui accorder la décharge des compléments de taxe restant en litige ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive du Conseil des communautés européennes n°77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée, ensemble la dix-huitième directive du 18 juillet 1989 de ce conseil portant suppression de certaines dérogations prévues par cette 6ème directive ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de l'urbanisme, notamment ses articles R. 460-1 à R. 460-4 ;
Vu la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 portant loi de finances pour 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X..., qui exploitait à titre individuel une activité de loueur de fonds de commerce soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, a inscrit différents biens immobiliers aux bilans de son exploitation clos entre le 31 décembre 1987 et le 29 janvier 1990, sans toutefois souscrire aucune des déclarations prévues aux articles 243 et 244 de l'annexe II au code général des impôts ; que ces biens sont entrés dans son patrimoine privé à la date de cessation de son activité, le 29 janvier 1990 ; qu'en outre, le 15 janvier 1990, M. X... a apporté à la société locataire de son fonds de commerce l'ensemble des actifs mobiliers précédemment affectés à son entreprise individuelle ; qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 1988 au 29 janvier 1990, M. X... a été assujetti notamment à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de l'exercice clos en 1990 ; qu'il a contesté ces impositions complémentaires, en droits et pénalités, puis saisi le tribunal administratif de Pau qui, par l'article 3 de son jugement du 5 février 1997, a rejeté ses conclusions en décharge desdites impositions ; que M. X... se pourvoit contre l'arrêt du 13 mars 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, jugé n'y avoir pas lieu de statuer à concurrence du dégrèvement de taxe sur la valeur ajoutée intervenu en cours d'instance, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions dirigées contre l'article 3 du jugement susmentionné ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 261-3 du code général des impôts, dont la rédaction applicable aux faits de la cause est issue de l'article 31-I de la loi de finances pour 1990, pris pour la transposition des sixième et dix-huitième directives susvisées du Conseil des communautés européennes : "Sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée : (à) 1°-a. (à) Les ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leurs exploitations./ Toutefois, l'exonération ne s'applique pas aux biens qui ont ouvert droit à déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée lors de leur acquisition, importation ou livraison à soi-même" ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'entrent dans le champ de cette taxe les cessions et apports de biens usagés précédemment utilisés pour les besoins de l'exploitation du cédant et ayant ouvert droit à la déduction complète ou partielle de cette taxe lors de leur acquisition, importation ou livraison à soi-même par ledit cédant, d'autre part, que, si l'article 58 de la sixième directive susmentionnée ouvre le droit, aux Etats membres qui le souhaitent, d'exonérer de taxe, sous certaines conditions, ces mêmes cessions et apports, le législateur français a entendu renoncer à cette faculté ; que, dès lors, après avoir relevé, d'une part, que M. X... avait apporté le 15 janvier 1990 à la SA X... des actifs mobiliers qu'il exploitait auparavant à titre individuel, d'autre part, que ces biens avaient ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit, que l'apport dont s'agit devait donner lieu au paiement de cette taxe ;
Considérant que selon les énonciations mêmes de l'arrêt attaqué, la cour a relevé, d'une part, qu'il résultait de l'instruction ministérielle 3 A-6-90 du 22 février 1990 et de la réponse écrite n° 33 270 faite le 25 février 1991 à M. Frédéric-Dupont, député, que l'assujetti cédant ou apportant des biens mobiliers d'investissement entrant, par application des dispositions précitées de l'article 261-3-1°-a, dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée, ne pouvait être dispensé du paiement de cette imposition qu'à la condition que l'acquéreur de ces biens s'engage, dans l'acte de cession ou d'apport, à soumettre à cette taxe les cessions ultérieures des mêmes biens et à procéder, le cas échéant, aux régularisations prévues aux articles 210 à 215 de l'annexe II au code général des impôts qui auraient été exigibles si l'apporteur ou le cédant avait continué à utiliser ces biens, d'autre part, qu'il était constant que l'acte d'apport du 15 janvier 1990 susmentionné ne comportait pas un tel engagement ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas entendu, contrairement à ce que soutient le requérant, fonder l'imposition mise à la charge du contribuable sur l'interprétation de la loi fiscale contenue dans l'instruction et la réponse ministérielle susmentionnées ; que la cour s'est bornée à juger qu'à supposer même que cette interprétation déroge à la loi dans un sens favorable au contribuable, celui-ci ne remplissait pas, en tout état de cause, les conditions nécessaires pour s'en prévaloir ; que, dès lors, son arrêt n'est pas entaché, sur ce point, d'erreur de droit ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause : "Sont (à) soumises à la taxe sur la valeur ajoutée : (à) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles (à)./ 1. Sont notamment visés : Les ventes et apports en société de terrains à bâtir (à)./ Les ventes d'immeubles et les cessions, sous forme de vente ou d'apport en société, de parts d'intérêt ou d'actions dont la possession assure en droit ou en fait l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une fraction d'immeuble (à)./ Les livraisons à soi-même d'immeubles (à)./ 2. Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux opérations portant sur des immeubles ou parties d'immeubles qui sont achevés depuis plus de cinq ans ou qui, dans les cinq ans de cet achèvement, ont déjà fait l'objet d'une cession à titre onéreux à une personne n'intervenant pas en qualité de marchand de biens" ; qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 269 du même code et des articles 243 et 244 de l'annexe II à ce code, la livraison à soi-même visée au 1 du 7° de l'article 257 précité intervient lors de l'achèvement des immeubles ou des fractions d'immeubles et, au plus tard, à la date de la délivrance du récépissé de la déclaration prévue aux articles 1er, 2, 3 et 4 du décret du 28 mai 1970, repris aux articles R. 460-1 à R. 460-4 du code de l'urbanisme ; qu'enfin, l'article 258 de cette annexe dispose que "pour l'application du 7° de l'article 257 du code général des impôts, un immeuble (à) est considéré comme achevé lorsque les conditions d'habitabilité ou d'utilisation sont réunies (à)" ; que le I de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, dispose : "Lorsque des immeubles ont été cédés ou apportés avant le commencement de la neuvième année qui suit celle de leur acquisition ou de leur achèvement et que la cession ou l'apport ne sont pas soumis à la taxe sur le prix total ou la valeur totale de l'immeuble, l'assujetti est redevable d'une fraction de la taxe antérieurement déduite. Cette fraction est égale au montant de la déduction diminuée d'un dixième par année civile ou fraction d'année civile écoulée depuis la date à laquelle l'immeuble a été acquis ou achevé. Sont assimilés à une cession ou un apport la cessation de l'activité ou la cessation des opérations ouvrant droit à déduction ( ...)" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque, ainsi qu'il ressortait des pièces du dossier, la livraison à soi-même n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et que l'achèvement de l'immeuble n'a pas fait l'objet de la déclaration prévue par les dispositions susanalysées du code de l'urbanisme, l'administration est fondée, en l'absence de tout autre élément probant, à retenir comme date d'achèvement de l'immeuble, et par suite comme point de départ du délai mentionné à l'article 210 précité de l'annexe II au code général des impôts, la date de son inscription au bilan de l'entreprise à laquelle il est affecté ; qu'il suit de là qu'en jugeant que l'administration fiscale pouvait à bon droit considérer, en l'absence de tout autre élément probant, que l'achèvement de chacun des immeubles litigieux était intervenu au cours de l'exercice au terme duquel leur valeur avait été inscrite au bilan de l'exploitation individuelle de M. X..., la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les biens immobiliers litigieux ont été inscrits aux bilans de l'exploitation individuelle de M. X... clos entre le 31 décembre 1987 et le 29 janvier 1990 ; que ces biens sont entrés dans le patrimoine privé de l'intéressé le 29 janvier 1990, du fait de la cessation de son activité ; qu'alors même qu'il est intervenu avant l'expiration du délai de 5 ans mentionné au 2 du 7° de l'article 257 du code général des impôts, ce transfert de propriété a constitué, au sens de l'article 210 précité, une cession non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total ou la valeur totale des immeubles ; que, dès lors, en jugeant que l'administration était fondée à assujettir M. X..., au titre de l'exercice clos en 1990, et sur le fondement de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts, à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la livraison à soi-même de ces immeubles, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ni d'erreur de fait ;
Considérant qu'il suit de là que la requête de M. X... ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Alain X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.