Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU DOUBS ; le PREFET DU DOUBS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 novembre 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 6 novembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Nadia X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mahé, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification de la décision du 19 juillet 2001 par laquelle le PREFET DU DOUBS lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... a épousé le 18 septembre 1996 M. Y..., ressortissant algérien résidant en France ; qu'après la naissance de leur fille, elle a rejoint son époux en France en juillet 1999, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial ; que, se plaignant du comportement de son époux et de sa belle-famille, elle a quitté le domicile conjugal le 21 mars 2000, date à partir de laquelle elle a été hébergée dans un foyer ; que, par ordonnance en date du 29 juin 2000, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Besançon a ordonné une enquête sociale sur la situation des époux, accordé à M. Y... le droit de visiter sa fille deux fois par mois dans les locaux de l'association hébergeant Mme X... et interdit aux parents de sortir l'enfant du territoire français sans l'accord de leur conjoint ; que M. Y... ayant, nonobstant cette prescription, enlevé sa fille pendant l'une de ses visites pour la conduire en Algérie, le juge aux affaires familiales lui a retiré son droit de visite en renouvelant l'interdiction faite aux deux parents de sortir leur fille du territoire français autrement que d'un commun accord ; qu'en exécution d'une décision de la justice algérienne, l'enfant a ensuite été accueillie en Algérie chez les parents de sa mère, qui a entrepris une procédure judiciaire pour que les décisions du juge aux affaires familiales français puissent recevoir application dans son pays d'origine ; que, par la décision susmentionnée du 19 juillet 2001, le PREFET DU DOUBS a refusé de renouveler le titre de séjour qu'il avait accordé le 5 juillet 2000 à Mme X... pour un an à titre humanitaire, en assortissant ce refus d'une invitation à quitter le territoire français, confirmée le 17 septembre 2001 ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X... a fait état de sa crainte qu'un retour en Algérie l'expose d'une part à être obligée de résider dans sa belle-famille et d'autre part à être séparée de sa fille au cas où son époux ramènerait celle-ci en France ; que, toutefois, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, cet arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ; que, par suite, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur ce qu'il était entaché d'une telle erreur pour en prononcer l'annulation ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... devant le tribunal administratif de Besançon ;
Considérant que compte tenu de l'ensemble des faits de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, les circonstances invoquées par Mme X... ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme portant au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X... excipe de l'illégalité de la décision du 19 juillet 2001 lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour ; qu'il n'est pas contesté qu'elle s'est pourvue dans le délai du recours contentieux contre cette dernière décision qui n'était ainsi pas devenue définitive à la date à laquelle elle a saisi le tribunal administratif ; que, dès lors, l'exception d'illégalité est recevable ;
Mais considérant que, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de renouveler le titre de séjour de Mme X..., le PREFET DU DOUBS ait omis de procéder à un examen particulier de la situation de l'intéressée et méconnu l'étendue de sa compétence ; que, d'autre part, il résulte de ce qui précède que son refus n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et n'était pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, l'exception d'illégalité invoquée n'est pas fondée ;
Considérant que l'arrêté attaqué n'a pas privé Mme X... de la possibilité de contester la légalité de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour ; qu'il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré de ce que cet arrêté serait contraire à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit un recours effectif devant une instance nationale à toute personne dont les droits reconnus par la convention ont été violés ;
Considérant que, par une décision du même jour que l'arrêté attaqué, le PREFET DU DOUBS a décidé que Mme X... sera reconduite à destination de l'Algérie ; que la requérante n'établit pas que son retour dans son pays d'origine l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU DOUBS est fondé à demander l'annulation du jugement du 21 novembre 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 6 novembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;
Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de Mme X..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ne sont, dès lors, pas recevables ;
Article 1er : Le jugement du 21 novembre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU DOUBS, à Mme Nadia X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.