Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE SELARL ACACCIA, ayant son siège 19, rue des Mézereaux, à Melun (77000), agissant par ses gérants, M. Rémi X... et Mme Hélène Y... ; la SOCIETE SELARL ACACCIA demande que le Conseil d'Etat :
l°) annule pour excès de pouvoir le décret n° 2001-512 du 14 juin 2001 modifiant le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 et le décret n° 96-887 du 10 octobre 1996, en tant qu'il ne prévoirait pas une rémunération suffisante de l'avocat chargé d'une mission d'aide juridictionnelle en matière administrative ;
2°) ordonne au Premier ministre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, de modifier ce décret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu la loi n° 72-11 du 3 janvier 1972 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le décret n° 96-887 du 10 octobre 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ducarouge, Conseiller d'Etat ;
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour demander l'annulation du décret du 14 juin 2001, modifiant notamment le décret du 19 décembre 1991, portant application de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, et le décret du 10 octobre 1996, en tant qu'il ne prévoirait pas une rétribution suffisante de l'avocat chargé d'une mission d'aide juridictionnelle en matière administrative, la SOCIETE SELARL ACACCIA soutient que ce décret serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans la fixation du nombre d'unités de valeur affectées aux différentes procédures et de violation de la loi en tant que celle-ci prévoit une rétribution de l'avocat appelé à prêter son concours dans le cadre de l'aide juridictionnelle ;
Considérant que la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique a, notamment, pour objet de revaloriser la contribution de l'Etat à la rémunération des avocats et des officiers publics et ministériels en cas d'aide juridictionnelle ; qu'aux termes de son article 10 : "L'aide juridictionnelle est accordée en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense devant toute juridiction à/ Elle peut être accordée pour tout ou partie de l'instance ainsi qu'en vue de parvenir à une transaction avant l'introduction de l'instance./ Elle peut être également accordée à l'occasion de l'exécution d'une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire." ; qu'aux termes de son article 27 : "L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle perçoit une rétribution. L'Etat affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau./ Le montant de cette dotation résulte, d'une part, du nombre de missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau et, d'autre part, du produit d'un coefficient par type de procédure et d'une unité de valeur de référence ... La loi de finances détermine annuellement l'unité de valeur" ;
Considérant, en premier lieu, que le tableau annexé au décret attaqué mentionne expressément, au titre des procédures juridictionnelles ouvrant droit à rétribution, devant le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel , "le référé suspension", le "référé liberté", et le "référé conservatoire" ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que les référés prévus par les articles L. 521-1 et suivants du code de justice administrative n'ouvriraient pas droit à rémunération manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que le sursis à exécution qui peut, en application de l'article R. 811-15 du même code, être demandé lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative ouvre droit à rétribution au titre de l'appel de l'appel dudit jugement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne prévoirait pas de rémunération à ce titre manque également en fait ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991 que le domaine de l'aide juridictionnelle est limité aux matières qu'il énumère ; que notamment l'introduction d'une demande préalable devant l'administration, d'un recours spécial, lorsque celui-ci est obligatoire, la demande de retrait d'une décision administrative, la saisine non contentieuse du juge de l'exécution, qui constituent d'ailleurs autant de phases préalables à un recours contentieux, pour lequel le décret prévoit une rétribution, n'entrent pas dans le champ d'application de la loi ; que la circonstance, à la supposer établie, que dans d'autres matières des interventions hors transaction et avant toute instance contentieuse pourraient ouvrir droit à rétribution pour l'avocat commis au titre de l'aide juridictionnelle, ne révèle ni atteinte au principe d'égalité, ni erreur manifeste d'appréciation ; que par suite le moyen tiré de ce que le décret serait illégal en tant qu'il ne prévoit pas la rétribution de certains actes ou démarches non juridictionnels, en matière administrative, ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de son article 27 que la loi du 10 juillet 1991 n'implique pas que la contribution versée aux avocats prêtant leur concours aux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle couvre l'intégralité des frais et honoraires correspondants ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander l' annulation des dispositions du décret du 14 juin 2001 et du tableau annexé, qui fixent les modalités de calcul de la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats, en faisant valoir que ces dispositions seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où elles n'assureraient pas aux avocats commis dans le cadre de l'aide juridictionnelle une rémunération suffisante et méconnaîtraient les dispositions de la loi du 10 juillet 1991 ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'alors que la société requérante affirme elle-même ne pas critiquer le principe des forfaits, la circonstance que la rétribution serait identique, pour toutes les affaires au fond devant le juge administratif, n'est pas en soi de nature à entacher d'illégalité le décret, dont l'annexe, d'ailleurs, prévoit des majorations possibles en cas d'expertise, de visite des lieux ou d'enquête et distingue la rétribution selon les juridictions saisies ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aucune disposition du décret, et notamment de son article 56 modifiant l'article 13 du décret du 10 octobre 1996, ne fait obstacle à ce qu'une rétribution soit versée pour chaque mission d'aide juridictionnelle ; que par suite le moyen tiré de ce que l'article 13 tel que modifié par l'article 56 du décret attaqué serait illégal, faute de permettre le cumul d'unités de valeur correspondant à plusieurs affaires jointes, ne peut qu'être écarté ;
Considérant, enfin, que la requérante ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un procès équitable et du premier protocole additionnel à cette convention garantissant le respect des biens, pour soutenir que le décret attaqué ne prévoirait pas une rémunération suffisante de l'avocat chargé d'une mission d'aide juridictionnelle ;
Considérant que la présente décision n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE SELARL ACACCIA est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SELARL ACACCIA, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.