Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet et 20 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Serge X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 9 mai 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur requête du centre hospitalier général d'Orsay, ramené de 205 733 F (31 363,79 euros) à 58 433 F (8 908,05 euros) la somme que le centre hospitalier général d'Orsay avait été condamné à payer à M. X, par le jugement en date du 6 mai 1998 du tribunal administratif de Versailles en réparation de la faute médicale commise par le centre hospitalier et a rejeté ses conclusions incidentes tendant à ce que le centre hospitalier soit condamné à lui verser une indemnité de 560 000 F (85 371,45 euros) pour l'ensemble de ses préjudices et une somme de 20 000 F (3.048, 98 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de l'indemniser au titre des préjudices subis en condamnant le centre hospitalier à lui verser la somme de 560 000 F (85 371,45 euros), avec intérêts de droit au jour de la demande et capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année ;
3°) de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 25 000 F (3 811,23 euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maisl, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. X et de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat du centre hospitalier général d'Orsay,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Paris, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, a jugé que le centre hospitalier général d'Orsay avait commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité en n'admettant pas M. X dans son service de cardiologie le 5 janvier 1994 et en le laissant repartir chez lui alors que l'état du patient était caractéristique de la douleur angineuse ;
Considérant toutefois que la cour a estimé que cette faute médicale avait fait perdre à M. X une chance de voir traité plus promptement et plus efficacement l'infarctus du myocarde qui s'est déclaré et en a déduit que l'intéressé n'avait droit qu'à la réparation d'une fraction du préjudice subi du fait de cette affection ; qu'en jugeant que l'intéressé n'avait pas droit, dans ce cas, à la réparation intégrale de ce préjudice, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit être annulé en tant qu'il statue sur l'étendue du préjudice indemnisable et sur le montant de la réparation ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond dans les limites de l'annulation prononcée par la présente décision ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la faute médicale commise par le centre hospitalier, qui est directement à l'origine de la prise en charge thérapeutique tardive de M. X, a compromis les chances de celui-ci de limiter les séquelles de l'infarctus dont il a été victime le 5 janvier 1994, voire d'éviter la survenance de cet infarctus ; que M. X n'est, en revanche, pas fondé à soutenir, par la voie du recours incident, que la cardiomyopathie qui s'est déclarée quelques mois après la survenance de l'infarctus est directement imputable à la faute commise par le centre hospitalier ; qu'ainsi la responsabilité du centre hospitalier n'est engagée, comme l'a jugé le tribunal administratif, que pour les dommages consécutifs à cet infarctus du myocarde ;
Considérant que l'infarctus du myocarde dont a été victime M. X, à l'âge de 45 ans, est à l'origine d'une incapacité temporaire totale et d'une incapacité permanente partielle qui peut être évaluée à 15 % ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence en découlant en les évaluant à la somme de 30 000 euros ; que la réparation des souffrances physiques sera fixée à la somme de 8 000 euros ; que le préjudice professionnel subi par le patient, qui est prospecteur de géophysique et se voit privé de la possibilité de continuer à effectuer des missions sur le terrain, sera fixé à la somme de 10 000 euros ; que les frais médicaux exposés et directement imputables à l'infarctus s'élèvent à la somme de 6 800 euros ; que les indemnités versées par la sécurité sociale pendant la période d'incapacité temporaire totale s'élèvent à la somme de 6 748 euros ; que le montant total du préjudice dont le centre hospitalier doit supporter la réparation s'élève ainsi à la somme de 61 548 euros ;
Considérant que, eu égard aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Landes qui ont été fixés par le jugement attaqué à la somme non contestée par la caisse de 13 548 euros, les droits à réparation de M. X doivent être portés à la somme de 48 000 euros ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts demandés par M. X :
Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme que le centre hospitalier général d'Orsay est condamné à lui verser à compter du 7 décembre 1995, date à laquelle il a formulé sa demande devant le tribunal administratif de Versailles ; que M. X a demandé la capitalisation des intérêts le 20 juillet 2001 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier général d'Orsay, à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au centre hospitalier général d'Orsay la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner le centre hospitalier général d'Orsay à payer à M. X une somme de 4 000 euros au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 9 mai 2001 est annulé en tant qu'il fixe le montant du préjudice consécutif à la faute commise par le centre hospitalier général d'Orsay et le montant de la réparation due à M. X.
Article 2 : Le centre hospitalier général d'Orsay est condamné à verser à M. X la somme de 48 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 1995. Les intérêts échus à la date du 20 juillet 2001 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le centre hospitalier général d'Orsay est condamné à verser à M. X la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi et le pourvoi incident du centre hospitalier général d'Orsay sont rejetés.
Article 6 : Le surplus du recours incident formé par M. X devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Serge X, au centre hospitalier général d'Orsay et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.