Vu la requête, enregistrée le 12 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Chantal X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 13 décembre 2002 par laquelle le conseil national de l'Ordre des médecins a rejeté sa demande tendant à être exemptée de l'obligation de participer au service de garde ;
2°) de statuer, le cas échéant, sur le préjudice qu'elle a subi ;
3°) de condamner le conseil national de l'Ordre des médecins à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Molina, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 77 du décret du 6 septembre 1995, Dans le cadre de la permanence des soins, c'est un devoir pour tout médecin de participer aux services de garde de jour et de nuit. / Le conseil départemental de l'Ordre peut néanmoins accorder des exemptions, compte tenu de l'âge du médecin, de son état de santé, et, éventuellement, de ses conditions d'exercice. ;
Considérant que la décision attaquée du conseil national de l'Ordre des médecins s'est substituée à celle du conseil départemental de l'Ordre des médecins de la Vienne ; que, par suite, les moyens dirigés contre cette dernière décision sont inopérants à l'encontre de la décision attaquée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a été mise à même de présenter des observations écrites et orales au cours de l'instruction de sa demande par le conseil national de l'Ordre des médecins ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté manque en fait ;
Considérant que, pour rejeter, par la décision attaquée, la demande de la requérante tendant à être exemptée de l'obligation de garde, tout en lui accordant un délai de six mois pour mettre à jour ses connaissances, le conseil national de l'Ordre des médecins a relevé que si Mme X exerçait exclusivement l'acupuncture, cette orientation, qui ne pouvait être considérée comme une spécialité, n'était pas de nature à justifier une exemption de gardes et que la circonstance qu'elle ait été, depuis 1983, exemptée de gardes n'avait pas créé de droit définitif à son égard ; qu'elle s'est ainsi livrée à un examen de la situation particulière de la requérante et a suffisamment motivé sa décision ;
Considérant que si l'Ordre des médecins, qui a reçu du législateur la mission de définir les modalités d'organisation du service de garde et de prendre à cette occasion les mesures nécessaires à la permanence des soins, a, en application des dispositions précitées de l'article 77 du code de déontologie médicale, le pouvoir d'accorder des exemptions à l'obligation de participer à ce service, ces exemptions présentent par nature un caractère temporaire et il peut y être mis fin, à l'occasion de l'établissement d'un nouveau tableau de garde ou lorsque les conditions qui avaient fondé leur octroi cessent d'être réunies ;
Considérant que la circonstance que Mme X a orienté son activité professionnelle exclusivement vers l'acupuncture est sans influence sur sa qualité de médecin généraliste ; qu'elle est, par suite, tenue de remplir les obligations déontologiques qui s'imposent à tout médecin inscrit au tableau ; qu'ainsi, en estimant que Mme X ne justifiait pas de circonstances de nature à la faire exempter du service de garde, le conseil national de l'Ordre des médecins n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 77 du code de déontologie médicale ;
Considérant qu'en conférant à l'Ordre des médecins, en application de l'article L. 4121-2 du code de la santé publique, le soin de veiller à l'observation, par tous les médecins, de leurs obligations professionnelles, le législateur a apporté à la liberté d'exercice de la profession médicale une limite tenant au respect de ces obligations ; que, dans ces conditions, la décision attaquée, qui a pour objet et pour seul effet d'imposer à Mme X le respect de l'obligation de participer au service de garde, conformément aux dispositions de l'article 77 précité du code de déontologie médicale, n'a pas méconnu cette liberté ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 13 décembre 2002 par laquelle le conseil national de l'Ordre des médecins a rejeté sa demande tendant à être exemptée de l'obligation de participer au service de garde ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que Mme X demande le versement d'une indemnité de 163 000 euros en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la décision attaquée ; que ces conclusions, qui n'ont été précédées d'aucune demande préalable devant le conseil national de l'Ordre sont, en tout état de cause, irrecevables ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le conseil national de l'Ordre des médecins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner Mme X à verser au conseil national de l'Ordre des médecins une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Mme X versera au conseil national de l'Ordre des médecins la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Chantal X, au conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.