Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Philippe X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 7 janvier 2002 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande du 14 décembre 2001 tendant à l'abrogation de l'article 66 du décret n ° 92-755 du 7 juillet 1992 modifié par l'article 9 du décret n° 96-1130 du 18 décembre 1996 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pris pour l'application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 31 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les sommes indûment versées, pour un total de 3 309,75 euros, au titre de la perte d'une chance de faire valoir ses droits auprès d'un tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment ses articles 34 et 37 ;
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil, notamment son article 1235 ;
Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;
Vu le code de l'organisation judiciaire ;
Vu le nouveau code de procédure civile, et notamment ses articles 640 et 641 ;
Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 pris pour son exécution, modifié par le décret n° 96-1130 du 18 décembre 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ducarouge, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice :
Considérant qu'aux termes de l'article 45 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : Toute contestation relative à la saisie peut être élevée dans le délai d'un mois. En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie. Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent ; que, pris pour l'application de ces dispositions, l'article 66 du décret du 31 juillet 1992, dans sa rédaction résultant de l'article 9 du décret en Conseil d'Etat du 18 décembre 1996, est ainsi rédigé : A peine d'irrecevabilité, la contestation est formée dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elle est dénoncée le même jour, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie./ L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple./ En cas de contestation tardive, le débiteur conserve un recours comme il est dit au troisième alinéa de l'article 45 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Considérant que, par lettre du 14 décembre 2001, M. X a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, de prononcer l'abrogation de la deuxième phrase de l'alinéa 1 de l'article 66 du décret du 31 juillet 1992 modifié par le décret du 18 décembre 1996 ;
Considérant, en premier lieu, que M. X n'est pas fondé à soutenir que les dispositions qu'il conteste, qui se bornent à faire application de l'article 45 précité de la loi du 9 juillet 1991, définiraient une obligation à caractère civil et empièteraient sur la compétence dévolue au législateur par l'article 34 de la Constitution ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de leurs termes mêmes que ces dispositions ne restreignent nullement le délai d'un mois défini à l'article 45 de la loi, et ne sont en rien contraires à ces dispositions législatives, dont elles se bornent à préciser les conditions d'application ;
Considérant, en troisième lieu, que les auteurs du décret n'ont ni édicté une formalité impossible ni commis une erreur manifeste d'appréciation en prévoyant que la contestation doit être dénoncée le jour même où elle est formée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
Considérant, en quatrième lieu, que le requérant ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre des dispositions d'un décret en Conseil d'Etat, de la méconnaissance des dispositions des articles 640 et 641 du nouveau code de procédure civile dès lors qu'elles ne résultent pas d'un texte de valeur juridique supérieure ;
Considérant, en cinquième lieu, que M. X n'est pas fondé à soutenir que le débiteur se trouverait privé du droit à répétition de l'indu, contrairement aux dispositions de l'article 1235 du code civil, alors au surplus que le troisième alinéa du même article rappelle que le débiteur conserve un recours même en cas de contestation tardive ;
Considérant, en sixième lieu, que M. X n'est fondé à soutenir ni que l'article 66 du décret violerait le principe d'égalité et priverait le débiteur du droit à un procès équitable garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il méconnaîtrait le principe de liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à laquelle renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, et serait contraire à son article 5, dont l'objet est sans lien avec la décision attaquée ;
Considérant que si l'accusé de réception de la demande adressée par M. X au garde des sceaux, ministre de la justice, ne mentionnait pas les voies et délais de recours, cette circonstance est en tout état de cause sans influence sur la légalité de la décision implicite de rejet opposée par le garde des sceaux, laquelle par ailleurs n'avait pas être motivée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande d'abrogation du premier alinéa de l'article 66 du décret du 31 juillet 1992, dans sa rédaction résultant de l'article 9 du décret du 18 décembre 1996 ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnité :
Considérant que la demande d'indemnité formée par M. X n'a pas été précédée d'une demande préalable ; que la fin de non-recevoir tirée de son irrecevabilité, opposée à titre principal par le garde des sceaux, ministre de la justice, doit par suite être accueillie ;
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe X, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.