Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Badja A, demeurant ... ; Mlle A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 juin 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2002 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour désignant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de prendre une décision d'admission en France dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et de prendre une nouvelle décision après instruction de sa demande ;
4°) de prononcer l'une de ces deux injonctions sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les observations de Me Bertrand, avocat de Mlle A,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le jugement attaqué, qui répond à l'ensemble des moyens présentés en première instance par Mlle A, est suffisamment motivé ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que si Mlle A fait valoir qu'elle est la fille adoptive d'une ressortissante française qui l'a recueillie à sa naissance, que ses frères et soeurs adoptifs ont la nationalité française et qu'elle n'a plus d'attaches familiales effectives en Algérie, il ressort des pièces du dossier que Mlle A, entrée en France au mois de mai 2000 à l'âge de trente et un ans, est célibataire et sans charge de famille et que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de l'âge de la requérante, de la brève durée et des conditions de son séjour en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 27 février 2002 n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A a travaillé au sein d'une association d'aide aux familles de victimes du terrorisme ce qui lui a valu d'être menacée de mort à plusieurs reprises ; que dans ces circonstances, il est établi que Mlle A encourrait, en cas de retour dans son pays, de graves menaces pour sa vie ; qu'ainsi et nonobstant le fait que la demande de l'intéressée tendant à obtenir le bénéfice de l'admission à l'asile territorial a été rejetée par décision du ministre de l'intérieur en date du 6 juillet 2001, la décision du 27 février 2002 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné sa reconduite vers son pays est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 27 février 2002 en tant qu'il fixait l'Algérie comme pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de Mlle A dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 20 juin 2002 est annulé, en tant qu'il rejette la demande de Mlle A dirigée contre la décision du préfet des Hauts-de-Seine en date du 27 février 2002 en tant qu'elle désigne l'Algérie comme pays de destination de la reconduite.
Article 2 : La décision du préfet des Hauts-de-Seine en date du 27 février 2002 est annulée en tant qu'elle désigne l'Algérie comme pays à destination duquel Mlle A pourrait être reconduite.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de Mlle A dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mlle A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Badja A, au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.