Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION ACTIONS ET LIAISONS DANS LES ECOLES FRANCAISES D'ANTANANARIVO, dont le siège est Ecole primaire française A, Ampefiloha, à Antananarivo, Madagascar (101), représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION ACTIONS ET LIAISONS DANS LES ECOLES FRANÇAISES D'ANTANANARIVO demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet du ministre des affaires étrangères en date du 26 février 2002 de sa demande d'abrogation des dispositions réglementaires autorisant la perception de droits de scolarité au titre des enfants de nationalité française résidant à l'étranger et inscrits dans les établissements d'enseignement français du premier et du second degrés, gérés par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ;
2°) d'annuler les arrêtés du ministre des affaires étrangères, pris en application de l'article 8 du décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle et d'enseignement dépendant du ministère des affaires étrangères et de la coopération, ayant approuvé les budgets de l'établissement constitué par le lycée français et les trois écoles primaires d'Antananarivo pour les années 1988 à 2002 ;
3°) d'annuler les dispositions prévoyant, dans le budget 2002 de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (A.E.F.E.) et ceux des années 1988 à 2001, la perception de droits de scolarité pour les enfants ressortissants de l'Union européenne ;
4°) d'annuler les dispositions fixant, dans la note du 1er septembre 2001 et celles des années 1988 à 2000 de l'agent comptable de l'établissement précité, le montant des frais de scolarité et frais de première inscription des enfants ressortissants de l'Union européenne, français et non français ;
5°) d'annuler les titres de perception des droits de scolarité émis par l'agent comptable de l'établissement pour les années 1988 à 2002 pour les enfants ressortissants de l'Union européenne, français et non français ;
6°) d'enjoindre le ministre des affaires étrangères de restituer les droits de scolarité indûment perçus par l'établissement au titre des années 1991 à 2002 ;
7°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Vu le code de l'éducation, et notamment ses articles L. 452-2 (4°) et L.452-8 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mourier, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Sur les conclusions dirigées contre le refus d'abroger les règlements relatifs aux droits de scolarité ainsi que contre les budgets de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et les arrêtés les approuvant :
Sur la méconnaissance du principe constitutionnel de gratuité de l'enseignement :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 452-2 du code de l'éducation, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger a pour objet (...) 4°) d'aider les familles des élèves français ou étrangers à supporter les frais liés à l'enseignement élémentaire, secondaire ou supérieur de ceux-ci, tout en veillant à la stabilisation des frais de scolarité ; qu'en vertu de l'article L. 452-8 du même code, elle publie annuellement un rapport faisant le point, notamment, sur les frais de scolarité ;
Considérant que, pour demander l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des affaires étrangères sur sa demande d'abrogation des dispositions réglementaires autorisant la perception de droits de scolarité au titre des enfants de nationalité française résidant à l'étranger et inscrits dans les établissements d'enseignement gérés par l'AEFE, des arrêtés du ministre approuvant le budget de l'Agence et des budgets de celle-ci pour les années 1990 à 2002, l'association requérante soutient que ces actes auraient méconnu le principe constitutionnel de gratuité de l'enseignement ; qu'il résulte toutefois des articles L. 452-2 et L. 452-8 précités du code de l'éducation que le principe de la perception de droits de scolarité pour les établissements français à l'étranger gérés par l'AEFE, mis en oeuvre par les actes attaqués, a été posé par la loi ; qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité à la Constitution de ces dispositions législatives ;
Sur la violation du principe d'égalité :
Considérant en premier lieu qu'il résulte des dispositions précitées du code de l'éducation que les familles des enfants de nationalité française résidant à l'étranger, qui sont placées dans une situation différente de celle des familles des enfants français résidant en France, peuvent être assujetties à des frais de scolarité ; que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que les établissements d'enseignement français à l'étranger placés dans des situations différentes prévoient des frais de scolarité différents ;
Considérant en deuxième lieu qu'aux termes des stipulations de l'article 12 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne : Dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ; qu'en l'absence de politique communautaire dans le domaine de l'éducation hors du territoire de l'Union européenne, le principe de non discrimination ne peut s'appliquer à l'accès aux établissements scolaires de chacun des Etats membres hors de ce territoire ; que dès lors les décisions attaquées, en prévoyant que les familles des élèves de nationalité française et les familles des autres élèves ressortissants de l'Union européenne ne seraient pas assujetties aux mêmes frais de scolarité, n'ont pas méconnu les stipulations précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite du ministre des affaires étrangères refusant d'abroger les règlements relatifs aux droits de scolarité, ainsi que des budgets de l'AEFE et des arrêtés les ayant approuvés ;
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions de l'agent comptable de l'école primaire française A Ampefiloha d'Antananarivo, des titres de perception émis par cet agent comptable sur leur fondement et sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que l'annulation de ces actes n'était demandée que par voie de conséquence de celle des actes réglementaires attaqués ; qu'en raison du rejet des conclusions dirigées contre ces actes réglementaires par la présente décision, les conclusions dirigées contre les actes de l'agent comptable de l'école française A Ampefiloha d'Antananarivo doivent être rejetées ; qu'il en va de même, par suite, des conclusions à fin d'injonction ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'ASSOCIATION ACTIONS ET LIAISONS DANS LES ECOLES FRANCAISES D'ANTANANARIVO les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION ACTIONS ET LIAISONS DANS LES ECOLES FRANCAISES D'ANTANANARIVO est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION ACTIONS ET LIAISONS DANS LES ECOLES FRANÇAISES D'ANTANANARIVO, au ministre des affaires étrangères, à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.