Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jacky X, demeurant ... ; il demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision du 19 février 2004 par laquelle le ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche a rejeté sa demande d'admission à la retraite à compter du 1er juin 2004, avec jouissance d'une pension concédée conformément aux dispositions de l'article L. 24-I-3° du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
2°) d'enjoindre au ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche de procéder à une nouvelle instruction de sa demande ;
Il soutient que les répercussions de la décision contestée sur ses projets et conditions de vie sont constitutives d'une situation d'urgence ; qu'en outre, des problèmes de santé l'ont conduit à demander un congé de fin d'activité entraînant une importante diminution de ses revenus ; que l'application que la décision a faite des dispositions de l'article L. 24-I-3° du code des pensions civiles et militaires de retraite méconnaît le principe d'égalité entre les travailleurs masculins et féminins tel qu'il est affirmé par le droit communautaire ;
Vu la décision dont la suspension est demandée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2004, présenté par le ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche ; il tend au rejet de la requête ; il soutient qu'en l'absence de circonstances particulières établissant la nécessité pour le requérant d'être délivré de toute obligation professionnelle à la date du 1er juin 2004, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; qu'au surplus, M. X étant en congé de fin d'activité, sa mise à la retraite anticipée n'aurait pas d'incidence au regard d'obligations professionnelles qu'il n'a plus à assurer même s'il demeure statutairement en activité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu la loi n° 96-2093 du 16 décembre 1996 ;
Vu la loi n°2003-775 du 21 août 2003 ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. X et d'autre part, le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ;
Vu le procès verbal de l'audience publique du mardi 23 mars 2004 à 11 heures 30 à laquelle ont été entendus :
- M. FERRIERRE,
- le représentant du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ;
Considérant que M. FERRIERRE a demandé, sur le fondement de l'article L. 24-I-3-a) du code des pensions civiles et militaires de retraite, le bénéfice d'une pension à jouissance immédiate à compter du 1er juin 2004 en faisant valoir qu'il avait élevé trois enfants ; que le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche a rejeté sa demande au motif que le bénéfice des dispositions de l'article L. 24-I-3-a) est réservé aux femmes fonctionnaires et ne saurait s'étendre aux fonctionnaires masculins ; que M. FERRIERRE demande au juge des référés de suspendre cette décision sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : quand une décision administrative (...) fait l'objet d'une requête en annulation (...) le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision (...) lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision - ;
Considérant que le a) du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit, au profit des femmes fonctionnaires qui sont mères de trois enfants vivants ou décédés par faits de guerre ou les ont élevés pendant au moins neuf ans, le bénéfice d'une pension à jouissance immédiate ; que le principe d'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins tel qu'il est affirmé par le Traité instituant la communauté européenne implique, selon l'interprétation que la Cour de justice des communautés européennes et le Conseil d'Etat ont donnée tant de ce principe que de ces dispositions de l'article L. 24, que celles-ci -dont la portée n'a pas été modifiée par la loi du 22 août 2003 portant réforme des retraites- s'applique de la même façon aux travailleurs masculins et féminins ; que l'administration ne soutient pas que M. FERRIERRE ne satisferait pas aux autres conditions d'obtention d'une pension de retraite à compter du 1er juin 2004 ; que dès lors le moyen tiré de ce que la décision dont la suspension est demandée ferait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 24 parait, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision ;
Considérant par ailleurs que si la proximité de la date pour laquelle M. FERRIERRE a demandé son admission à la retraite ne serait pas, à elle seule, de nature à révéler une situation d'urgence, il résulte de l'instruction que M. FERRIERRE, plutôt que de solliciter le congé de maladie ou de longue maladie qu'aurait pu justifier son état de santé, a demandé à être placé dans la position de congé de fin d'activité prévu par les articles 12 et suivants de la loi du 16 décembre 1996 ; qu'il est constant que le revenu de remplacement qu'en application de l'article 15 de cette loi il perçoit dans cette position est d'un montant inférieur à celui de la pension de retraite à laquelle il a droit ; que ces circonstances particulières créent en l'espèce une situation d'urgence justifiant que soit prononcée la suspension de la décision litigieuse ; que cette suspension implique l'obligation pour le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche de réexaminer la demande de M. FERRIERRE ; que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de fixer à un mois à compter de la notification de la présente ordonnance le délai pour procéder à ce réexamen ; qu'en cas d'inexécution de cette injonction au terme de ce délai, l'Etat est condamné à une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de la décision du 19 février 2004 du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche de procéder au réexamen de la demande de M. FERRIERRE dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : En cas d'inexécution de l'injonction au terme du délai d'un mois fixé par l'article 2 de la présente ordonnance, l'Etat est condamné à une astreinte de 500 euros par jours de retard.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. FERRIERRE et au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche .