Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Lassaad X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation du jugement du 4 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2002 du préfet de police décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) l'annulation de cet arrêté ;
3°) la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme von Coester, Auditeur,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (...) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification de ce refus ou de ce retrait ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 18 avril 2001, de la décision du même jour par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision du préfet de police du 18 avril 2001 refusant un titre de séjour à M. X :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures du préfet de police, que le refus de titre de séjour opposé le 18 avril 2001 au requérant n'était pas devenu définitif lorsqu'il a introduit sa demande contre l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux ; qu'ainsi, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que l'exception d'illégalité soulevée par M. X ne serait pas recevable ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du refus litigieux, M. X n'était pas à la charge de son père adoptif ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance des stipulations du b) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, aux termes desquelles : Un titre de séjour d'une durée de dix ans est délivré de plein droit à l'enfant tunisien d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant ... est à la charge de ses parents ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif rappelé ci-dessus ; qu'ainsi, M. X ne peut pas utilement se prévaloir de ce que le préfet de police lui aurait opposé, à tort, qu'il n'était pas titulaire d'un visa de long séjour ;
Considérant que, par suite, M. X n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision du 18 avril 2001 à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 19 mars 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les autres moyens :
Considérant que, si M. X fait valoir qu'il a vécu en France entre 1992 et 1999 et y est entré de nouveau en novembre 2000, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant que si M. X fait valoir qu'il a été adopté en 1996 par un ressortissant français décédé en 2001, qu'il a conservé des liens avec la famille de son père adoptif et qu'il vit en France avec un ressortissant français, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui est célibataire, sans enfant à charge, a conservé des attaches familiales dans son pays, où résident sa mère et ses frères et soeurs, et ne conteste pas que sa vie commune avec un ressortissant français a commencé postérieurement à l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué ne saurait être regardé comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle du requérant ni comme portant une atteinte excessive à son droit à une vie privée et familiale normale ; qu'ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 19 mars 2002 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Lassaad X, au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.