Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour LA POSTE, dont le siège est 4, Quai du Point-du-Jour, à Paris Cedex 15 (75757) ; LA POSTE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler un arrêt du 20 février 2003 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant que la cour a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 octobre 1998 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne annulant la décision du 29 septembre 1997 par laquelle le directeur délégué pour la délégation-Est de LA POSTE a maintenu la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de vingt-quatre mois qu'il avait prononcée le 10 juillet 1996 à l'encontre de M. Jean-Pierre X ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler ledit jugement ;
3°) de condamner M. X à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de LA POSTE,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 du décret du 12 décembre 1990 portant statut de LA POSTE : le président du conseil d'administration de La Poste... a notamment qualité pour : ... - gérer le personnel... ; qu'aux termes de l'article 15 du même décret : Le président du conseil d'administration peut déléguer tout ou partie de ses attributions propres. En matière de recrutement, nomination et gestion du personnel, le président du conseil d'administration peut déléguer sa signature, ou le cas échéant tout ou partie de ses pouvoirs, au directeur général, et sa signature aux chefs des services centraux et à leurs collaborateurs immédiats. Le président peut en outre déléguer aux chefs des services déconcentrés tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement, de nomination et de gestion des personnels qui relèvent de leur autorité, sous réserve, pour les personnels fonctionnaires, de la mise en place de commissions administratives paritaires locales et du respect du principe d'égalité... ; qu'aux termes du 3° de la décision n° 1949 du 20 décembre 1996 du président du conseil d'administration de LA POSTE, prise pour l'application des dispositions réglementaires précitées, et portant déconcentration en matière de recrutement et gestion des personnels des délégations et des départements métropolitains de LA POSTE : Pour l'ensemble des personnels fonctionnaires et stagiaires, les pouvoirs sont déconcentrés en matière disciplinaire de la façon suivante : ... en ce qui concerne les sanctions des groupes 2 et 3 pour les fonctionnaires ainsi que celles applicables aux stagiaires, prises après avis des conseils territoriaux de discipline, les pouvoirs sont délégués : - aux Directeurs Délégués et au Directeur de LA POSTE de Corse pour l'ensemble des personnels respectivement affectés dans les services territoriaux de la Délégation ou de la Direction de LA POSTE de Corse ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X, chef d'établissement de LA POSTE, a été exclu temporairement de fonctions pour une durée de 24 mois par une décision du directeur délégué de la délégation-Est de LA POSTE du 10 juillet 1996, prise en vertu d'une délégation de pouvoir du président du conseil d'administration, et après avis du conseil territorial de discipline compétent ; qu'après avoir été saisie par l'intéressé, la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat a émis une recommandation sur cette sanction du 3ème groupe ; qu'en estimant que cette saisine avait pour effet de dessaisir l'autorité délégataire de son pouvoir disciplinaire, alors que les dispositions précitées se bornent à préciser les catégories de sanction pouvant, en tout état de cause, être déléguées aux autorités désignées à cet effet, et à déterminer dans ce cas une procédure de consultation préalable au prononcé de la sanction, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que LA POSTE est, par suite, fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit ci-dessus, que le directeur délégué susmentionné était compétent pour confirmer, après consultation de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, la sanction d'exclusion de fonctions de 24 mois prise, le 29 septembre 1997, à l'encontre de M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur l'incompétence du directeur délégué pour annuler la décision de ce dernier en date du 29 septembre 1997 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
Considérant que M. X s'est introduit dans le bureau de poste où son épouse exerçait ses fonctions, pour y dérober deux livrets d'épargne ; que, quels que soient les motifs d'ordre privé invoqués par M. X, de tels faits constituent, eu égard notamment aux fonctions de ce dernier, une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même que la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat avait recommandé une sanction moins sévère, que la gravité de la sanction litigieuse ait été entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que LA POSTE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision en date du 29 septembre 1997 du directeur délégué de la délégation-Est de LA POSTE maintenant à l'encontre de M. X la mesure d'exclusion temporaire de fonctions de 24 mois ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de LA POSTE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de M. X la somme que LA POSTE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 20 février 2003 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 20 octobre 1998 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de LA POSTE est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à LA POSTE, à M. Jean-Pierre X et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.