Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mars et 16 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE PEILLE (06440) ; la COMMUNE DE PEILLE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 21 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté ses conclusions d'appel présentées à l'encontre du jugement en date du 18 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Nice, d'une part, avait annulé la décision du préfet des Alpes-Maritimes en date du 6 mars 1996 approuvant le projet de réalisation d'une ligne électrique sur son territoire et, d'autre part, lui avait enjoint de procéder à la dépose de cette ligne ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice ;
3°) de rejeter la requête de l'association de défense des sites de Peille et de MM. Jean C et Lucien D ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Debat, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la COMMUNE DE PEILLE et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de l'Association de défense des sites de Peille,
- les conclusions de M. Donnat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les conclusions de la COMMUNE DE PEILLE dirigées contre le jugement en date du 18 décembre 2000 du tribunal administratif de Nice, en tant que celui-ci, d'une part, avait annulé la décision du préfet des Alpes-Maritimes en date du 6 mars 1996 approuvant le projet de réalisation d'une ligne électrique, sur son territoire et, d'autre part, lui avait enjoint sous astreinte de démolir cette ligne ;
Sur les conclusions à fins d'annulation de l'arrêt en tant qu'il a statué sur la légalité de l'arrêté du 6 mars 1996 du préfet des Alpes-Maritimes :
Sur la recevabilité de la requête de l'Association de défense des sites de Peille :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la décision attaquée n'a fait l'objet d'aucune publication et que, si l'Association de défense des sites de Peille a intenté le 27 décembre 1996 une action devant le juge civil aux fins d'obtenir la démolition de la ligne qui venait d'être réalisée, elle n'a demandé à ce juge ni l'annulation, ni la suspension de l'arrêté attaqué et ne peut, par suite, être réputée avoir eu connaissance au plus tard à cette date de la décision attaquée ; qu'il suit de là qu'en jugeant que le délai de recours contentieux contre l'arrêté du 6 mars 1996 n'avait pas couru à l'encontre de l'Association de défense des sites de Peille et en rejetant, par suite, la fin de non recevoir opposée par la COMMUNE DE PEILLE, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'il ressort, de même, des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'Association de défense des sites de Peille avait produit les pièces attestant de la capacité de son président pour agir en justice en son nom ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes :
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 145-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au présent litige : Les conditions d'utilisation et de protection de l'espace montagnard sont fixées par le présent chapitre (...). ; qu'aux termes du second alinéa du même article : Les directives territoriales d'aménagement précisant les modalités d'application des dispositions du présent chapitre ou, en leur absence, lesdites dispositions sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers (...) ; qu'en estimant que les travaux prévus par l'arrêté du 6 mars 1996 étaient de la nature de ceux visés par le second alinéa de l'article L. 145-2 et en en déduisant qu'en l'absence de directive territoriale d'aménagement, les dispositions du chapitre V Dispositions particulières aux zones de montagne du titre quatrième du livre premier du code de l'urbanisme étaient applicables, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 145-3 du même code : Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent des dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ; qu'en relevant que la circonstance que le quartier du Faïssé d'Agel, retenu pour l'implantation de la ligne électrique, ne faisait partie ni d'un parc national ni d'une réserve naturelle ne faisait pas obstacle à ce qu'il pût être regardé comme un espace, paysage et milieu caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en estimant, après avoir relevé que le quartier du Faïssé d'Agel ... s'insère dans le grand paysage du Mont-Agel, inscrit à l'inventaire des sites pittoresques du département... et qu'il est situé dans une zone d'intérêt écologique, faunistique et floristique, qu'il devait être regardé, au sens des dispositions précitées de l'article L. 145-3-II du code de l'urbanisme, comme un espace, paysage et milieu caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard, la cour administrative d'appel a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine qui, en l'absence de dénaturation, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; qu'il en va de même de l'appréciation selon laquelle l'implantation de la ligne portait atteinte à la beauté du site ; que son arrêt n'est entaché d'aucune insuffisance de motivation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 145-8 du code de l'urbanisme : Les installations et ouvrages nécessaires aux établissements scientifiques,... à la protection contre les risques naturels et aux services publics autres que les remontées mécaniques ne sont pas soumis aux dispositions de la présente section si leur localisation dans ces espaces correspond à une nécessité technique impérative ; qu'en estimant que les considérations financières avancées par les appelants ne pouvaient suffire, à elles seules, à établir que la localisation de la ligne aérienne sur le site retenu répondait à une nécessité technique impérative au sens de cet article, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que l'appréciation des circonstances de l'espèce à laquelle elle s'est livrée pour estimer, par un arrêt suffisamment motivé, que la localisation de la ligne ne répondait pas à une nécessité technique impérative au sens de ces dispositions n'est pas, en l'absence de dénaturation, susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Sur les conclusions à fins d'annulation de l'arrêt en tant qu'il a enjoint, sous astreinte, à la commune de démolir la ligne :
Considérant que, lorsque le juge administratif est saisi d'une demande d'exécution d'une décision juridictionnelle dont il résulte qu'un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ; qu'en rejetant les conclusions de la COMMUNE DE PEILLE et du syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes tendant à l'annulation du jugement du tribunal en tant que celui-ci leur avait enjoint, sous astreinte, de démolir la ligne litigieuse, sans examiner si une régularisation de la décision préfectorale était possible et, dans la négative, sans apprécier, au regard des intérêts publics et privés en cause, si la démolition ordonnée n'entraînait pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, par suite, la COMMUNE DE PEILLE et le syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes sont fondés à demander l'annulation de son arrêt, en tant qu'il a rejeté leurs conclusions dirigées contre l'injonction sous astreinte ordonnée par le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice la justifie ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant, d'une part, que, par la présente décision, le Conseil d'Etat rejette les conclusions de la requête de la COMMUNE DE PEILLE dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que, par cet arrêt, la cour a annulé l'arrêté du 6 avril 1996 du préfet des Alpes-Maritimes ; qu'au regard du motif de cette annulation, aucune régularisation de cette décision n'est possible ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la ligne électrique aérienne construite en application de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 avril 1996, d'une longueur de 135 mètres et qui a nécessité la pose de deux poteaux et d'une cabine de transformation, assure l'alimentation en électricité des habitants du lotissement de 12 lots qu'elle avait pour objectif de desservir ; qu'eu égard aux caractéristiques de cette ligne et, en particulier, à sa faible longueur, à l'existence de possibilités techniques alternatives permettant de maintenir la desserte du lotissement en électricité et à l'intérêt public qui s'attache à faire cesser l'atteinte portée à un paysage que la loi a entendu protéger, la dépose de la ligne aérienne telle qu'elle a été autorisée par l'arrêté préfectoral n'entraîne pas d'atteinte excessive pour l'intérêt général ; que, par suite, la COMMUNE DE PEILLE et le syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif qui leur a enjoint de procéder à la dépose, suivie, le cas échéant, de l'enfouissement de la ligne électrique ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier qu'en fixant pour l'exécution de sa décision un délai d'un an et en assortissant l'injonction prononcée d'une astreinte de 150 euros par jour de retard, le tribunal administratif de Nice ait fait une inexacte application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Association de défense des sites de Peille, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la COMMUNE DE PEILLE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de l'Association de défense des sites de Peille et de mettre à la charge de la COMMUNE DE PEILLE la somme de 3 000 euros que l'association demande en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 novembre 2002 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des requêtes de la COMMUNE DE PEILLE et du syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes devant le Conseil d'Etat, ensemble les requêtes présentées par eux devant la cour administrative d'appel de Marseille, sont rejetés.
Article 3 : La COMMUNE DE PEILLE et le syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes verseront solidairement à l'Association de défense des sites de Peille la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE PEILLE, au syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes, à l'Association de défense des sites de Peille et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.