Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 février 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 août 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Uddin X en tant qu'il fixe le Bangladesh comme pays à destination duquel celui-ci doit être reconduit ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. X devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Verclytte, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de M. X dirigées contre l'arrêté du 2 août 2002 en tant qu'il ordonnait sa reconduite à la frontière, mais a annulé la décision distincte désignant, dans les termes où elle est rédigée, le Bangladesh comme pays de destination de la reconduite ; que le PREFET DE POLICE demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a accueilli les conclusions de M. X relatives au pays de destination de la reconduite ; que, par voie du recours incident, M. X en demande l'annulation en tant qu'il a rejeté ses conclusions contre la mesure de reconduite ;
Sur l'appel incident de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée : .... l'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si : ... 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ; qu'en vertu de l'article 12 de la même loi, l'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article 10 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, entré en France en 2000, a vu sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 5 janvier 2001, confirmée par une décision de la commission des recours des réfugiés du 18 mai 2001 ; que l'intéressé a demandé le réexamen de sa demande, sur laquelle l'office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une nouvelle décision de rejet le 26 octobre 2001 ; que cette dernière décision, notifiée au plus tard le 12 août 2002 du fait d'un déménagement de M. X, a été déférée par lui devant la commission des recours des réfugiés par un recours enregistré le 23 octobre 2002 ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande de réexamen, l'intéressé produisait la traduction d'un jugement de condamnation à sept ans de réclusion et à une amende, pris à son encontre le 26 juin 2001 par le tribunal exceptionnel de Sylhet pour agissements contre l'Etat ; qu'ainsi, en dépit de l'arrivée au pouvoir au Bangladesh du parti dans lequel M. X avait milité, la nouvelle demande d'asile présentée par celui-ci ne relevait pas des exceptions visées au 4° de l'article 10 précité de la loi du 25 juillet 1952 et que l'intéressé tenait des dispositions rappelées ci-dessus un droit à se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la commission de recours des réfugiés ait statué sur son recours contre la décision de l'OFPRA en date du 26 octobre 2001 ; que dans ces conditions, le PREFET DE POLICE ne pouvait légalement décider, par l'arrêté litigieux du 2 août 2002, qu'il serait reconduit à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2002 par lequel le PREFET DE POLICE a décidé sa reconduite à la frontière ;
Sur l'appel principal du PREFET DE POLICE :
Considérant que, par suite de l'annulation de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, la requête du PREFET DE POLICE tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 février 2003, annulant ce même arrêté seulement en tant qu'il fixe le Bangladesh comme pays de destination de la reconduite de M. X, est devenue sans objet ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'EtatX une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 février 2003 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du PREFET DE POLICE du 2 août 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière.
Article 2 : L'arrêté du PREFET DE POLICE du 2 août 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X est annulé.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du PREFET DE POLICE relatives à la décision fixant le pays de destination de la reconduite de M. X.
Article 4 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Uddin X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.