Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés le 18 février et le 1er mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 5 février 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l'exécution de ses arrêtés du 20 juin 2003 prononçant, d'une part, l'expulsion du territoire français de M. Madjid X et assignant, d'autre part, celui-ci à résidence dans le département de l'Ardèche ;
2°) statuant comme juge des référés, de rejeter la demande de M. X devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boutet, avocat du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que, lorsque le juge des référés rejette une demande de suspension présentée au titre de l'article précité, au motif qu'en l'état des justifications présentées par le requérant, la condition d'urgence n'est pas remplie, la décision de rejet ne fait pas obstacle à ce que lui soit présentée une nouvelle demande de suspension, dans l'hypothèse où des circonstances de fait nouvelles, survenues avant qu'il soit statué sur la requête en annulation, créeraient une situation d'urgence ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par ordonnance du 11 juillet 2003, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande introduite la veille par M. X, ressortissant iranien réfugié en France depuis 1979, tendant à la suspension de l'arrêté d'expulsion du territoire français pris à son encontre le 20 juin 2003 et de la décision d'assignation à résidence du même jour, au motif que ce dernier se bornait à soutenir que cette expulsion portait une atteinte grave et immédiate à sa situation, sans établir l'existence d'une situation d'urgence ; que, dans une requête aux mêmes fins introduite le 29 décembre 2003, M. X a invoqué la circonstance nouvelle tirée de l'aggravation de son état de santé, attestée par un certificat médical du centre hospitalier de Privas en date du 28 novembre 2003 ; que le juge des référés a relevé l'existence de cette circonstance propre à lui permettre d'apprécier à nouveau la condition d'urgence ; que, ce faisant, il n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : ...En cas d'urgence absolue et lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, l'expulsion peut être prononcée par dérogation aux articles 24 et 25 ; qu'aux termes de l'article 28 de la même ordonnance : L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans un autre pays, peut, par dérogation à l'article 35 bis, être astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés, dans lesquels il doit se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie... ;
Considérant que pour estimer qu'étaient réunies tant la condition d'urgence à suspendre l'exécution de la décision attaquée que celle tenant à l'existence d'un doute sérieux, en l'état de l'instruction, quant à la légalité de cette décision, le juge des référés a relevé, d'une part, que l'état de santé du requérant s'était aggravé au fil des mois et, d'autre part, que le ministre avait fait une interprétation erronée des circonstances de l'espèce pour estimer que la condition de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique se trouvait remplie ; que, ce faisant, il a suffisamment motivé son ordonnance ;
Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du requérant ; que cette condition s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce ;
Considérant que si le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES soutient que le juge des référés a commis une erreur de droit en jugeant qu'une décision prononçant l'expulsion d'un étranger du territoire national, porte, par principe, en elle-même atteinte de manière grave et immédiate à la situation de la personne qu'elle vise, il ressort des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que le juge des référés s'est fondé sur les circonstances propres à l'espèce pour estimer la condition d'urgence remplie ; que, par suite, il n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du 5 février 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l'exécution de ses arrêtés du 20 juin 2003 prononçant l'expulsion de M. X et assignant celui-ci à résidence ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais que M. X a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES et à M. Madjid X.