Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 février et 3 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Francis X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 13 novembre 2003 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, statuant après décision de renvoi du Conseil d'Etat en date du 29 mars 2002, a ramené la durée de l'interdiction d'exercer la pharmacie prononcée le 24 juin 1996 par la chambre de discipline du Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Franche-Comté à son encontre de dix huit mois à dix mois ;
2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer à son encontre une sanction purement symbolique ;
3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens la somme de 3 050 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. X et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens,
- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 4234-10 du code de la santé publique issu du II de l'article 67 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : Lorsque les différents conseils statuent en matière disciplinaire sur saisine du ministre chargé de la santé ou du représentant de l'Etat dans le département ou la région, les représentants de l'Etat mentionnés aux articles L. 4231-4 et L. 4232-6 à L. 4232-15 ne siègent pas dans ces instances ; que, selon l'article R. 5016 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, L'action disciplinaire ne peut être introduite que par une plainte formée par l'une des personnes suivantes : (...) le directeur régional des affaires sanitaires et sociales (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque la plainte a été introduite devant l'Ordre des pharmaciens par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales, qui a la qualité de représentant de l'Etat dans la région au sens de l'article L. 4234-10 du code de la santé publique, l'ensemble des représentants de l'Etat doit s'abstenir de siéger, même avec voix consultative, pour examiner l'affaire initiée par cette plainte ; que, par suite, la participation, avec voix consultative, de M. Lecarpentier, pharmacien chimiste général inspecteur représentant le ministre chargé de l'outre-mer, à l'audience du 13 novembre 2003 au cours de laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a examiné la requête de M. X dirigée contre une décision du conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Franche-Comté rendue à la suite d'une plainte du directeur régional des affaires sanitaires et sociales de cette région, a méconnu les dispositions de l'article L. 4234-10 du code de la santé publique et a vicié la procédure ; que, par suite, M. X est fondé à demander l'annulation de la décision du 13 novembre 2003 par laquelle, statuant après décision de renvoi du Conseil d'Etat en date du 29 mars 2002, le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a ramené de dix-huit mois à dix mois la durée de l'interdiction d'exercer la pharmacie prononcée à son encontre le 24 juin 1996 par la chambre de discipline du Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Franche-Comté ;
Considérant que cette affaire faisant l'objet d'une seconde décision de cassation, il appartient au Conseil d'Etat, en application du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, d'y statuer définitivement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 5193 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, relatif au commerce des substances vénéneuses, Les pharmaciens délivrent les médicaments ou produits mentionnés à la présente section sur prescription ou sur commande à usage professionnel : / 1° D'un médecin (...) ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 5198 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Les personnes habilitées à exécuter les ordonnances ou les commandes comportant des médicaments, produits ou préparations relevant de la présente section doivent aussitôt les transcrire à la suite, sans blanc, rature ni surcharge, sur un registre, prévu en ce qui concerne le pharmacien à l'article R. 5092, ou les enregistrer immédiatement par tout système approuvé par le ministre chargé de la santé ; qu'enfin, l'article R. 5208 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : Les pharmaciens (...) ne sont autorisés à effectuer la première délivrance de ces médicaments ou produits que sur présentation d'une ordonnance datant de moins de trois mois. / La délivrance d'un médicament ou produit relevant de la liste I ne peut être renouvelée que sur indication écrite du prescripteur précisant le nombre de renouvellements ou la durée du traitement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, titulaire d'une officine de pharmacie à Pont-de-Roide (Doubs), a entre le 1er janvier 1995 et le 31 octobre 1995 délivré sans ordonnance et sans tenue des registres mentionnés ci-dessus la quantité de 2942 boîtes d'Halcion, spécialité inscrite sur la liste I des substances vénéneuses ; qu'il a ainsi méconnu les dispositions précitées des articles R. 5193, R. 5198 et R. 5208 du code de la santé publique ; que si le requérant soutient que les délivrances ont été effectuées au profit d'une personne qui s'était présentée à lui en qualité de responsable d'une maison de retraite en Suisse et contre la promesse de les régulariser ultérieurement, et bien qu'il ait pris le soin d'effectuer la copie de la pièce d'identité de cette personne, il aurait dû au moins manifester davantage de vigilance eu égard aux quantités de médicaments en cause et à leurs conditions de délivrance ; qu'ainsi la méconnaissance des règles imposées par le code de la santé publique pour la délivrance de ces médicaments est de nature à justifier une sanction ;
Considérant qu'eu égard à la quantité des médicaments délivrés ainsi qu'à la nature et la gravité des manquements reprochés à M. X, les faits qui ont motivé la sanction prononcée par la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens sont contraires à l'honneur et sont ainsi exclus du champ d'application des lois du 3 août 1995 et du 6 août 2002 portant amnistie ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu toutefois de ramener l'interdiction d'exercer la pharmacie prononcée par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Franche-Comté de dix-huit mois à quinze mois, dont six mois avec sursis ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, en tout état de cause, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 13 novembre 2003 du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est annulée.
Article 2 : La sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie prononcée à l'encontre de M. X par la chambre de discipline du Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Franche-Comté est ramenée à une durée de quinze mois, dont six mois avec sursis.
Article 3 : La sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie prendra effet à compter du 1er août 2005 et s'achèvera le 30 avril 2006.
Article 4 : La décision de la chambre de discipline du Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Franche-Comté en date du 24 juin 1996 est réformée en tant qu'elle est contraire aux dispositions des articles 2 et 3 de la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. X présentées devant le Conseil d'Etat et le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Francis X, au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.