Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 20 août 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Songjian A ;
2°) de rejeter la demande formée par M. A devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Célia Verot, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité chinoise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 30 mai 2003, de la décision du PREFET DE POLICE du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier que M. A, entré en France pour y rejoindre ses parents et poursuivre ses études, effectue une scolarité sérieuse, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que le PREFET DE POLICE, en prononçant la reconduite à la frontière de l'intéressé, aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A ; que le préfet est, dès lors, fondé à soutenir que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est à tort fondé sur un tel motif pour annuler son arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi le moyen tiré de son défaut de motivation doit être écarté ;
Considérant que si M. A fait valoir qu'entré en France en 1998, il réussit ses études, qu'il vit chez ses parents, et qu'il est parfaitement intégré, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. A qui est entré en France à une date indéterminée, était âgé de 18 ans à la date de l'arrêté attaqué ; qu'il est célibataire et sans charge de famille ; que ses parents, à qui le statut de réfugié a été refusé, vivent en France en situation irrégulière ; que, dans ces circonstances, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 4 décembre 2003 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 août 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;
Sur les conclusions de M. A à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision qui rejette la requête de M. A n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE POLICE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 4 décembre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. A et ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Songjian A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.