Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 avril et 3 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BAGNERES-DE-BIGORRE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BAGNERES-DE-BIGORRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 1er avril 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau a, d'une part, suspendu l'exécution du refus de permis de construire opposé par le maire de la commune requérante le 7 décembre 2004 à la demande de M. Gilbert Y et, d'autre part, lui a prescrit sous astreinte de statuer sur la demande de M. Y dans un délai de vingt jours à compter de la notification de cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par M. Y ;
3°) de mettre à la charge de M. Y la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Luc Derepas, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE BAGNERES-DE-BIGORRE et de Me Le Prado, avocat M. Y,
- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ; que l'article L. 642-1 du code du patrimoine dispose que sur proposition ou après accord du conseil municipal des communes intéressées, des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager peuvent être instituées autour des monuments historiques et dans les quartiers, sites et espaces à protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d'ordre esthétique, historique ou culturel ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme que seuls la carte communale ou le plan local d'urbanisme d'une commune peuvent faire obstacle, par des dispositions expresses, à la reconstruction à l'identique des bâtiments après sinistre ; qu'en revanche, alors même qu'une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager constitue une servitude d'utilité publique devant être annexée au plan local d'urbanisme en application de l'article L. 642-2 du code du patrimoine, un tel document, dont les prescriptions ne peuvent, en tout état de cause, faire obstacle à une reconstruction à l'identique, ne peut légalement contenir des dispositions interdisant de telles reconstructions ; que, par suite, en jugeant que l'adoption imminente d'une telle zone ferait obstacle à la reconstruction à l'identique du chalet de M. Y, et que cette circonstance caractérisait une situation d'urgence justifiant la suspension de la décision attaquée, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond au titre de la procédure de référé ;
Considérant, d'une part, que M. Y soutient que la décision attaquée est entachée d'un vice de forme au regard des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; que cette décision n'est pas suffisamment motivée ; qu'en s'estimant lié par les avis de l'architecte des bâtiments de France et de l'Office national des forêts, le maire a méconnu sa compétence ; que la décision est entachée d'un détournement de pouvoir ;
Considérant qu'aucun de ces moyens ne paraît, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
Considérant, d'autre part, que le maire de Bagnères-de-Bigorre a indiqué dans sa décision que le refus de permis de construire était fondé sur les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, la construction projetée portant selon son appréciation une atteinte excessive au caractère du site environnant ; que les moyens tirés de ce que, d'une part, le maire de Bagnères-de-Bigorre ne pouvait légalement opposer les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme à une demande de reconstruction à l'identique présentée sur le fondement de l'article L. 111-3 du même code, d'autre part, le maire aurait porté une appréciation erronée en estimant que la construction projetée était de nature à porter atteinte au caractère du site environnant sont propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que, toutefois, cette décision est également fondée sur un autre motif, tenant à ce que, l'emplacement du projet restant exposé au risque d'avalanche, la reconstruction du chalet ferait courir un risque grave à ses occupants ; que ce second motif est opposable à M. Y nonobstant les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, qui ne sauraient conférer le droit de reconstruire un bâtiment dont les occupants seraient exposés à un risque certain et prévisible de nature à mettre gravement en danger leur sécurité ; que ce motif paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier légalement l'arrêté litigieux ; qu'il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif ; que le doute sérieux entachant la légalité du premier motif mentionné ci-dessus ne saurait, par suite, justifier la suspension de l'exécution de la décision litigieuse ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande de suspension présentée par M. Y ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE BAGNERES-DE-BIGORRE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. Y la somme demandée par la COMMUNE DE BAGNERES-DE-BIGORRE en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 1er avril 2005 du juge des référés du tribunal administratif de Pau est annulée.
Article 2 : La demande de suspension présentée par M. Y devant le juge des référés du tribunal administratif de Pau et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la COMMUNE DE BAGNERES-DE-BIGORRE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BAGNERES-DE-BIGORRE, à M. Gilbert Y et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.