Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 11 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BOULON, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BOULON demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 31 octobre 2003 en tant qu'il a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Caen du 27 juin 2001 qui a rejeté la demande de Mme X... A tendant à l'annulation des décisions du maire de Boulon en date des 18 septembre et 3 octobre 2000 refusant de faire droit à sa demande d'allocation pour perte d'emploi et, d'autre part, a condamné la COMMUNE DE BOULON à verser à Mme A une indemnité dont le montant correspondra à l'allocation d'assurance prévue à l'article L. 351 ;3 du code du travail ;
2°) statuant au fond, de rejeter l'appel formé par Mme A ;
3°) de mettre à la charge de Mme A le versement à la COMMUNE DE BOULON d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 83 ;634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu l'arrêté du 18 février 1997 portant agrément de la convention du 1er janvier 1997 relative à l'assurance chômage et du règlement annexé à cette convention ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Versini - de Bethencourt, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de la COMMUNE DE BOULON et de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 351 ;12 du code du travail, les agents titulaires des collectivités territoriales peuvent bénéficier du revenu de remplacement institué par l'article L. 351 ;1 du même code au profit des « travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi » ; que l'article L. 351 ;16 de ce code précise que « la condition de recherche d'emploi prévue à l'article L. 351 ;1 est satisfaite dès lors que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d'emploi et accomplissent des actes positifs de recherche d'emploi (…) » ; que le régime des allocations auxquelles ont droit ces agents est défini par les stipulations de l'accord prévu à l'article L. 351-8 du même code dès lors qu'un tel accord est intervenu et a été agréé et qu'il n'est pas incompatible avec les règles qui gouvernent les agents publics ; qu'aux termes de l'article 28 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1997, agréée par arrêté du 18 février 1997 du ministre chargé de l'emploi, les salariés privés d'emploi justifiant au cours des 36 mois qui précèdent la fin du contrat de travail de l'une des périodes d'affiliation prévues à l'article 27 « doivent : (…) b) être à la recherche effective et permanente d'un emploi (…) f) n'avoir pas quitté volontairement (…) leur dernière activité professionnelle salariée ou une activité professionnelle salariée autre que la dernière, dès lors que, depuis le départ volontaire, il ne peut être justifié d'une période d'affiliation d'au moins 91 jours ou d'une période de travail d'au moins 507 heures » ;
Considérant que, pour estimer que Mme A qui avait été employée par la COMMUNE DE BOULON en qualité d'agent d'entretien du 1er octobre 1996 au 20 août 1999, était en droit de percevoir l'allocation de perte d'emploi prévue par les dispositions précitées, la cour administrative d'appel de Nantes s'est bornée à relever que l'intéressée avait été involontairement privée d'emploi et justifiait d'une des périodes d'affiliation prévues à l'article 27 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1997 ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si l'intéressée remplissait la condition de recherche d'emploi prévue à l'article L. 351 ;16 du code du travail et au b) de l'article 28 du même règlement, alors que ce point était contesté par la commune, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas légalement justifié sa décision ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la COMMUNE DE BOULON est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte des deux premiers alinéas de l'article R. 351 ;20 du code du travail que : « Lorsque, au cours de la période retenue pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 351 ;3, la durée totale d'emploi accomplie pour le compte d'un ou plusieurs employeurs affiliés au régime d'assurance a été plus longue que l'ensemble des périodes d'emploi accomplies pour le compte d'un ou plusieurs employeurs relevant de l'article L. 351 ;12, la charge de l'indemnisation incombe aux institutions gestionnaires du régime d'assurance./ Dans le cas contraire, cette charge incombe à l'employeur relevant de l'article L. 351 ;12 ou à celui des employeurs relevant de cet article qui a occupé l'intéressé durant la période la plus longue (…) ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles précédemment citées que, lorsqu'un salarié, après avoir quitté volontairement un emploi, a été à nouveau employé durant au moins quatre ;vingt onze jours ou cinq cent sept heures, puis a été involontairement privé de son dernier emploi, il est attributaire de droits à indemnisation au titre de l'assurance chômage, dès lors qu'il remplit les autres conditions prévues à l'article 28 du règlement annexé à la convention ; que celui des anciens employeurs de l'intéressé qui supporte la charge de l'indemnisation est celui qui, dans la période de référence prise en compte pour l'ouverture des droits, l'a occupé pendant la période la plus longue ;
Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments produits en appel, que, si Mme A a quitté volontairement son emploi dans les services de la COMMUNE DE BOULON et a ensuite été embauchée par des entreprises de travail intérimaire pour accomplir des missions dans le cadre de contrats à durée déterminée, le dernier de ces contrats s'est achevé le 10 mars 2000 ; qu'ainsi, elle doit être regardée comme ayant été involontairement privée d'emploi ; que, d'autre part, le fait que Mme A, qui s'est inscrite à l'agence nationale pour l'emploi à compter du 11 mars 2000, ait refusé la proposition de la COMMUNE DE BOULON de l'employer à nouveau dans les mêmes conditions, c'est-à-dire pendant quelques heures par semaine, ne permet pas d'estimer qu'elle n'accomplissait pas d'actes positifs de recherche d'emploi, alors qu'elle avait dans le même temps réalisé plusieurs missions à titre intérimaire ; que, dès lors, Mme A, à laquelle la COMMUNE DE BOULON ne saurait utilement opposer les dispositions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, doit être regardée comme remplissant les conditions de perte involontaire et de recherche d'emploi auxquelles les dispositions précitées du code du travail et du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1997 subordonnent le versement d'un revenu de remplacement ; qu'il n'est pas contesté qu'elle remplit les autres conditions ;
Considérant, en second lieu, que celui des deux derniers employeurs qui, au cours des trente-six mois précédant le 20 mars 2000, a employé Mme A pendant la période la plus longue est la COMMUNE DE BOULON qui l'a employée du 1er octobre 1996 au 20 août 1999, alors qu'elle n'a travaillé que quelques mois pour des agences d'intérim ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du maire de Boulon des 18 septembre, 3 octobre et 11 décembre 2000 refusant de faire droit à sa demande d'allocation pour perte d'emploi ;
Considérant, enfin, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la COMMUNE DE BOULON la somme de 2 500 euros que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que la COMMUNE DE BOULON présente au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 31 octobre 2003 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 27 juin 2001 et les décisions du maire de Boulon en date des 18 septembre, 3 octobre et 11 décembre 2000 sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE BOULON est rejeté.
Article 4 : La COMMUNE DE BOULON versera à Mme A la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BOULON, à Mme X... A et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.