Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 3 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, agissant par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité 56, rue de Lille à Paris (75007) ; la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 28 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a ramené, respectivement, à 5 532,36 euros (36 289,91 F) et 21 594,47 euros (141 650,44 F) les sommes de 54 434,87 F et 182 238,48 F que le tribunal administratif de Dijon a, par un jugement du 22 juillet 1997, condamné le département de la Nièvre à verser à la Société française de courtage en assurances du personnel (SOFCAP) et à elle-même au titre des sommes exposées par elles à la suite de l'accident dont a été victime Mme Marcelle B, épouse A ;
2°) réglant l'affaire au fond, de condamner le département de la Nièvre à lui verser une somme résultant, d'une part, de l'évaluation à 58 675,26 euros (384 884,49 F) du préjudice soumis au recours des tiers payeurs, d'autre part, d'une répartition de cette somme entre elle-même et la SOFCAP au prorata de leurs créances évaluées respectivement à 190 022,81 euros (1 030 679,94 F) et 37 539,50 euros (246 243 F) ;
3°) de mettre à la charge du département de la Nièvre une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code des communes ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 modifiée ;
Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 modifiée ;
Vu le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Boucher, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS et de la SCP Boullez, avocat de la commune de Cosne-Cours-sur-Loire,
- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B, épouse A, alors employée par la commune de Cosne-Cours-sur-Loire (Nièvre) en qualité d'agent technique territorial, a été victime, le 20 novembre 1992, alors qu'elle se rendait à son travail à vélomoteur, d'une chute causée par une excavation non signalée dans la chaussée de la rue du Dahomey, appartenant au domaine public routier du département de la Nièvre ; qu'à la suite de cet accident, elle a subi une incapacité temporaire totale de travail jusqu'au 31 octobre 1994, puis, par arrêté du maire de Cosne-Cours-sur-Loire du 2 août 1996, a été admise à la retraite par anticipation à compter du 1er juin 1996 et s'est vu concéder une pension de retraite pour invalidité ainsi qu'une rente viagère d'invalidité, servies par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS en sa qualité de gérante de la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ; que, par un arrêt du 28 mai 2002, la cour administrative d'appel de Lyon a notamment, après avoir déclaré le département de la Nièvre entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime Mme A, imputé à un défaut d'entretien normal de la chaussée, ramené à 21 594,47 euros (141 650,44 F) la somme que, par un jugement du 22 juillet 1997, le tribunal administratif de Dijon avait condamné le département à verser à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ; que cette dernière se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur l'évaluation du préjudice subi par Mme A du fait de l'accident du 20 novembre 1992 ainsi que sur l'étendue des droits de la victime et des tiers payeurs subrogés dans ses droits :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques : I. - Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droits à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. / II. - Cette action concerne notamment : / Le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; / Les frais médicaux et pharmaceutiques ; / (...) Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ; / Les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées, jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires (...) ; qu'aux termes de l'article 5 de la même ordonnance : Lorsque la responsabilité du dommage est partagée entre le tiers et la victime, l'Etat peut recourir contre le tiers pour la totalité des prestations auxquelles il est tenu, à la condition que leur montant n'excède pas la réparation mise à la charge du tiers. / Toutefois, ce recours ne peut s'exercer sur la part des dommages-intérêts correspondant à des préjudices qui, en raison de leur nature, ne se trouvent pas au moins partiellement couverts par les prestations visées à l'article 1er ; qu'aux termes de l'article 7 : Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux recours exercés par : / 1° Les collectivités locales ; / (...) 3° La caisse des dépôts et consignations agissant tant pour son propre compte, que (...) comme gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ; qu'en vertu de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent dans les limites de la part d'indemnité qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité de caractère personnel correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ou, s'il y a lieu, de la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit ;
Considérant que, pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge, avant de statuer sur les droits dont l'Etat ou les autres personnes publiques mentionnées à l'article 7 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 se prévalent au titre de l'action subrogatoire organisée par cette ordonnance, d'évaluer, selon les règles du droit commun, et compte tenu du partage de responsabilité éventuellement constaté, le montant de l'indemnité à mettre à la charge du tiers, en distinguant la part, revenant exclusivement à la victime, destinée à réparer, s'il y a lieu, les préjudices de caractère personnel non couverts par les prestations des tiers payeurs, de la part correspondant à la réparation de l'atteinte à son intégrité physique, seule soumise au recours de ces derniers ; que la circonstance que la victime s'abstient d'invoquer certains chefs de préjudice relatifs à l'atteinte à son intégrité physique ne saurait faire obstacle à ce que ceux-ci soient invoqués par les tiers payeurs, à l'appui de leur recours subrogatoire, afin de mettre le juge en mesure de déterminer, dans tous ses éléments, la part d'indemnité sur laquelle ce recours peut s'exercer ; qu'en outre, dans le cas où plusieurs tiers payeurs ont été appelés en déclaration de jugement commun, chacun d'entre eux est recevable à se prévaloir, à l'appui de son recours, de l'ensemble des chefs de préjudice relatifs à l'atteinte à son intégrité physique que la victime aurait pu invoquer, alors même qu'ils ne seraient pas réparés, en tout ou en partie, par les prestations qu'il a personnellement versées ; qu'ainsi, alors même qu'elle rejetait comme irrecevables les conclusions présentées devant elle par Mme A et par la SOFCAP en qualité de mandataire de la commune de Cosne-Cours-sur-Loire, la cour devait statuer sur tous les chefs de préjudice invoqués par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS et par la SOFCAP, en son nom propre, à l'appui de leurs demandes de remboursement des prestations qu'elles avaient servies à la victime ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'une comme l'autre avaient demandé que soit prise en compte, dans l'évaluation du préjudice global, la perte de revenus subie par Mme A au cours de sa période d'incapacité temporaire totale de travail et réparée par le maintien de son traitement par son employeur, la commune de Cosne-Cours-sur-Loire ; qu'en ne recherchant pas s'il y avait lieu de majorer des sommes en cause le montant du préjudice dont la réparation incombait au département de la Nièvre, la cour administrative d'appel de Lyon a, dès lors, commis une erreur de droit ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur l'évaluation du préjudice subi par Mme A du fait de l'accident du 20 novembre 1992 ainsi que sur l'étendue des droits de l'intéressée et de l'ensemble des tiers payeurs subrogés dans ses droits, compte tenu de ce que ceux-ci s'imputent, dans les conditions rappelées plus haut, sur une même assiette constituée par cette évaluation ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur la demande présentée par la SOFCAP, en qualité de mandataire de la commune de Cosne-Cours-sur-Loire, au titre des charges patronales afférentes aux traitements maintenus à Mme A au cours de sa période d'incapacité temporaire totale de travail :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour demander, en qualité de mandataire de la commune de Cosne-Cours-sur-Loire, le remboursement des charges patronales afférentes aux traitements maintenus par cette dernière à Mme A au cours de sa période d'incapacité temporaire totale de travail, la SOFCAP se prévalait des dispositions de l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, aux termes duquel : Les employeurs sont admis à poursuivre directement contre le responsable des dommages ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à la victime pendant la période d'indisponibilité de celle-ci. Ces dispositions sont applicables à l'Etat par dérogation aux dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 précitée ; que ce dernier article dispose que l'action subrogatoire prévue à l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 est exclusive de toute autre action de l'Etat contre le tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie ; qu'à supposer que la commune, au nom de laquelle la SOFCAP déclarait agir, ait pu utilement se prévaloir de la dérogation à l'article 2 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 prévue, en faveur de l'Etat, par les dispositions précitées de la loi du 5 juillet 1985, les sommes en vue du remboursement desquelles celles-ci prévoient une action directe au profit de l'employeur ne sauraient, en tout état de cause, s'imputer sur le montant de l'indemnité, mise à la charge du tiers responsable, réparant le préjudice subi par la victime ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, en tant qu'il a statué sur la demande de la SOFCAP au titre des charges patronales exposées par la Commune de Cosne-Cours-sur-Loire, ne fait pas grief à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, dont les prétentions, présentées sur le fondement de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, n'entraient pas en concurrence avec cette demande ; que la caisse est ainsi sans intérêt et, par suite, irrecevable à demander l'annulation de l'arrêt attaqué sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur l'évaluation du préjudice subi par Mme A du fait de l'accident du 20 novembre 1992 et sur l'étendue des droits de celle-ci et de l'ensemble des tiers payeurs subrogés dans ses droits, ainsi que, par voie de conséquence, en tant qu'il a statué sur l'appel en garantie de la commune de Cosne-Cours-sur-Loire par le département de la Nièvre et sur les conclusions accessoires ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond dans les limites de l'annulation prononcée ;
Sur les conclusions présentées par Mme A :
Considérant que Mme A demande, par la voie de l'appel provoqué, une réévaluation de la somme de 27 733,20 F que le tribunal administratif de Dijon a, dans la limite de ses conclusions de première instance, condamné le département de la Nièvre à lui verser ; que, toutefois, l'intéressée ne soutient, ni que les chefs de préjudice ainsi réparés se seraient aggravés, ni qu'elle aurait été dans l'impossibilité de connaître, avant le jugement de première instance, l'étendue réelle des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime ; qu'ainsi, ses conclusions, présentées pour la première fois en cause d'appel, ne sont, en tout état de cause, pas recevables ;
Sur les conclusions présentées par la SOFCAP, en qualité de mandataire de la commune de Cosne-Cours-sur-Loire, au titre des traitements maintenus à Mme A au cours de sa période d'incapacité temporaire totale de travail :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 316-1 du code des communes, alors en vigueur, dont la teneur est aujourd'hui reprise à l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : Sous réserve des dispositions du 16 de l'article L. 122-20, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune ; qu'aux termes de l'article L. 316-3, repris à l'article L. 2132-2 du code général des collectivités territoriales : Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice ; que la compétence d'exécution ainsi conférée au maire comporte, alors même que la délibération du conseil municipal décidant d'intenter une action en justice ne le prévoit pas expressément, le pouvoir de charger un avocat ou un autre mandataire légalement habilité à cette fin d'accomplir, au nom de la commune, les actes de la procédure ; qu'en revanche, le maire ne peut, sans y avoir été préalablement autorisé par une délibération expresse du conseil municipal, donner mandat à un tiers d'exercer au nom de la commune l'action que le conseil a décidé d'intenter, en s'en remettant notamment à ce tiers du choix d'un avocat ou d'un autre mandataire légalement habilité à accomplir les actes de la procédure ainsi que des instructions à donner à celui-ci ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une délibération du 9 mai 1995, le conseil municipal de la commune de Cosne-Cours-sur-Loire a autorisé le maire à poursuivre l'instance engagée par Mme A devant le tribunal administratif de Dijon à l'encontre du département de la Nièvre ; que, par acte du 10 mai suivant, le maire a donné mandat à la SOFCAP et à son représentant légal d'exercer pour notre compte le recours prévu par l'ordonnance du 7 janvier 1959 (...), à la suite de l'accident de la circulation dont a été victime Mme A, agent titulaire, le 20 novembre 1992 ; que, compte tenu de ce que la SOFCAP, qui a d'ailleurs recouru au ministère d'un avocat pour présenter ses mémoires devant le tribunal administratif de Dijon, n'était pas au nombre des mandataires mentionnés à l'article R. 110 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, un tel mandat ne peut être regardé comme ayant eu pour seul objet l'accomplissement des actes de la procédure ; qu'il ne pouvait, dès lors, être consenti par le maire qu'en vertu d'une délibération expresse du conseil municipal, dont la délibération du 9 mai 1995 décidant d'intenter l'action en cause au nom de la commune ne pouvait tenir lieu ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle délibération expresse ait été prise ; qu'il suit de là que le mandat consenti par le maire de Cosne-Cours-sur-Loire à la SOFCAP était entaché de nullité et que cette dernière société était, par conséquent, sans qualité pour agir, devant le tribunal administratif de Dijon, au nom de la commune ; qu'ainsi, le département de la Nièvre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ce tribunal a fait partiellement droit aux conclusions de la SOFCAP tendant au remboursement des traitements maintenus à Mme A par la commune de Cosne-Cours-sur-Loire pendant sa période d'incapacité temporaire totale de travail ;
Sur les droits de la SOFCAP et de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS :
Considérant que la SOFCAP et la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ne contestent pas l'évaluation, par le tribunal administratif de Dijon, du préjudice subi par Mme A, pour un montant total de 398 727,49 F, soit 3 843 F au titre du préjudice matériel, 10 000 F au titre des souffrances physiques, 138 640 F au titre des troubles dans les conditions d'existence, 87 840,75 F au titre des frais médicaux et pharmaceutiques et 158 403,74 F au titre de la perte de revenus subie par l'intéressée du fait de son incapacité temporaire totale de travail ; qu'elles ne font valoir aucun autre chef de préjudice dont la réparation incomberait au département de la Nièvre ; qu'elles reprochent, en revanche, aux premiers juges d'avoir distingué, au sein de l'indemnité pour troubles dans les conditions d'existence, une part réparant des troubles d'ordre non physiologique ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, il appartient au juge saisi de recours subrogatoires des tiers payeurs sur le fondement des dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959, après avoir évalué, selon les règles du droit commun, le montant de l'indemnité à mettre à la charge du tiers responsable, de distinguer entre la part, revenant exclusivement à la victime, destinée à réparer, s'il y a lieu, les préjudices de caractère personnel non couverts par les prestations des tiers payeurs, de la part correspondant à la réparation de l'atteinte à son intégrité physique, seule soumise au recours de ces derniers ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges aient inexactement apprécié les faits de l'espèce en évaluant à 50 % de l'indemnité pour troubles dans les conditions d'existence la part de celle-ci réparant des troubles d'ordre non physiologique, en particulier le préjudice d'agrément subi par l'intéressée du fait de l'incapacité permanente partielle dont elle demeure affectée ; qu'ainsi, et compte tenu de ce que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le département de la Nièvre doit, en vertu de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 28 mai 2002, devenu définitif sur ce point, être tenu pour entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime Mme A, la SOFCAP et la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS sont seulement fondées à demander que l'assiette du recours des tiers payeurs soit portée à la somme de 315 564,49 F, résultant de l'addition des frais médicaux et pharmaceutiques exposés par la SOFCAP au profit de l'intéressée, du montant des traitements maintenus à celle-ci par la commune de Cosne-Cours-sur-Loire au cours de sa période d'incapacité temporaire totale de travail et de la moitié de l'indemnité réparant les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence ;
Considérant que la SOFCAP doit être admise à faire valoir, au titre du recours subrogatoire ouvert par l'ordonnance du 7 janvier 1959 au profit de la commune de Cosne-Cours-sur-Loire, une créance de 87 840,75 F correspondant aux frais médicaux et pharmaceutiques qu'elle a exposés au profit de Mme A en sa qualité d'assureur de la commune, aux droits de laquelle elle doit elle-même, dans ces conditions, être regardée comme subrogée, en vertu des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que, à la suite de l'accident dont elle a été victime, Mme A a été admise à la retraite par anticipation pour invalidité et s'est vu concéder, en application des dispositions du décret du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, une pension de retraite ainsi qu'une rente viagère d'invalidité, la commission de réforme constituée en application de l'article 25 de ce décret ayant reconnu l'imputabilité au service de l'invalidité dont elle demeure affectée ; que, compte tenu des constatations non contestées de la commission de réforme quant à la nature des infirmités ayant justifié l'admission à la retraite de Mme A, qui correspondent exactement à celles constatées, à l'issue de sa période d'incapacité temporaire totale de travail, par l'expert diligenté par la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, assureur du département de la Nièvre, et alors même que ce dernier a évalué l'incapacité permanente partielle dont l'intéressée demeurait affectée à un taux inférieur à celui retenu par la commission, la pension de retraite pour invalidité ainsi que la rente viagère d'invalidité servies à Mme A par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS doivent être regardées comme imputables à l'accident dont a été victime l'intéressée ; qu'ainsi, sans qu'y puisse faire obstacle la circonstance que celle-ci a été admise à la retraite sur sa demande et non d'office, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS doit être admise à faire valoir, sur le fondement de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, les sommes de 215 787,99 F au titre des arrérages de la pension de retraite pour invalidité servie à Mme A entre le 1er juin 1996 et le 18 août 2000, date à laquelle l'intéressée aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, et de 1 030 679,94 F au titre des arrérages échus et à échoir au 1er octobre 2001 de la rente viagère d'invalidité qui lui a été concédée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le total des débours que la SOFCAP et la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS doivent être admis à faire valoir s'élève à la somme de 1 334 308,68 F, à laquelle il convient d'ajouter celle de 158 403,74 F correspondant au montant des traitements maintenus à Mme A par la commune de Cosne-Cours-sur-Loire pendant sa période d'incapacité temporaire totale de travail ; que les débours des tiers payeurs s'élèvent ainsi à la somme totale de 1 492 712,42 F, laquelle excède celle de 315 564,49 F sur laquelle, ainsi qu'il a été dit, leurs recours peuvent s'exercer ; que, dans ces conditions, il y a lieu de fixer les droits respectifs de la SOFCAP et de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS au prorata de leurs créances respectives, compte tenu également des sommes dont la commune de Cosne-Cours-sur-Loire aurait été fondée à demander le remboursement ; qu'il suit de là que le département de la Nièvre est fondé à demander que la somme de 54 434,87 F que le tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à la SOFCAP soit ramenée à 2 830,95 euros (18 569,83 F) ; qu'en revanche, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS est fondée à demander que la somme de 182 238,48 F que le même tribunal a condamné le département de la Nièvre à lui verser soit portée à 40 171,47 euros (263 507,57 F) ; que la SOFCAP, qui est recevable à présenter pour la première fois en cause d'appel une demande en ce sens, a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 2 830,95 euros à compter, non de la date d'enregistrement de sa requête d'appel, comme le soutient le département de la Nièvre, mais de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Dijon, soit le 27 juin 1995 ;
Sur les conclusions de la commune de Cosne-Cours-sur-Loire :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-3 du code des communes, alors en vigueur : Le maire a la police de la circulation sur les routes nationales, les chemins départementaux et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation ; qu'aux termes de l'article L. 131-2 du même code, la police municipale comprend notamment : / 1. Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maire ne pouvait ignorer l'existence de l'excavation qui a provoqué la chute de Mme A dans la rue du Dahomey, dont il résulte des écritures mêmes de la commune qu'elle est une voie assez fréquentée ; qu'il n'est pas contesté par la commune qu'elle n'a, ni mis en place une signalisation de cette excavation, ni averti de son existence le service départemental compétent afin qu'il prenne les dispositions nécessaires pour la combler ; qu'ainsi le maire a commis, dans l'exercice de son pouvoir de police, une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Cosne-Cours-sur-Loire ; que, dans ces conditions, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à garantir le département de la Nièvre à hauteur de 50 % des condamnations prononcées contre lui ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient accueillies les demandes présentées par le département de la Nièvre, la commune de Cosne-Cours-sur-Loire, la SOFCAP et Mme A au titre des frais non compris dans les dépens exposés par eux tant en appel qu'en cassation ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du département de la Nièvre une somme de 3 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS en appel et en cassation ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 28 mai 2002 est annulé en tant qu'il a statué sur l'évaluation du préjudice subi par Mme A du fait de l'accident du 20 novembre 1992, sur l'étendue des droits de celle-ci et de l'ensemble des tiers payeurs subrogés dans ses droits ainsi que sur les conclusions accessoires.
Article 2 : La somme de 54 434,87 F que le tribunal administratif de Dijon a condamné le département de la Nièvre à verser à la SOFCAP est ramenée à 2 830,95 euros (18 569,83 F). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 juin 1995.
Article 3 : La somme de 182 238,48 F que le tribunal administratif de Dijon a condamné le département de la Nièvre à verser à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS est portée à 40 171,47 euros (263 507,57 F).
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 22 juillet 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le département de la Nièvre versera à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, au département de la Nièvre, à Mme Marcelle B, épouse A, à la commune de Cosne-Cours-sur-Loire et à la Société française de courtage en assurances du personnel (SOFCAP).