Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 13 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE HAIRIS SAS, aux droits de laquelle est venue la SARL GALLIS, dont le siège est ... ; la SARL GALLIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 11 août 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant en application de l'article L.551-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de la SOCIETE HAIRIS SAS tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres rejetant sa candidature à l'attribution du lot n° 1 du marché portant sur des travaux à réaliser sur la basilique Notre Dame et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Boulogne-sur-mer de différer la signature de ce marché et de reprendre intégralement la procédure de passation du lot en cause ;
2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé précontractuel engagée par elle, de faire droit à sa demande de première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Sibyle Petitjean, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE HAIRIS SAS venant aux droits de la SARL GALLIS et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la commune de Boulogne-sur-mer,
- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif (...) peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics, (…) / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (...). / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lille que la commune de Boulogne-sur-mer a lancé un appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché, divisé en sept lots, portant sur des travaux à réaliser sur la basilique Notre Dame ; que la SOCIETE HAIRIS SAS a présenté une offre pour l'attribution du lot n° 1 de ce marché ; qu'ayant été informée le 12 juillet 2005 du rejet de son offre, elle a sollicité par écrit auprès du maître d'ouvrage la communication des motifs de cette décision ; que cette société a saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à ce que soit ordonnée, en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres rejetant sa candidature à l'attribution du lot n°1 du marché et à ce qu'il soit enjoint à la commune de Boulogne-sur-mer de différer la signature de ce marché et d'en reprendre intégralement la procédure de passation ; que, par une ordonnance en date du 11 août 2005, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ; que la SOCIETE HAIRIS, aux droits de laquelle est venue la SARL GALLIS, se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics : La personne responsable du marché communique, dans un délai de quinze jours à compter de la réception d'une demande écrite, à tout candidat écarté les motifs de rejet de sa candidature ou de son offre … ;
Considérant que ces dispositions font obligation à la personne responsable du marché de communiquer au candidat à un appel d'offres dont la candidature ou l'offre a été rejetée les motifs de ce rejet ; que cette communication a notamment pour objet de permettre à l'intéressé de contester le rejet qui lui est opposé ; qu'il en résulte qu'une méconnaissance de l'obligation de communication qui incombe à la personne responsable du marché constitue une atteinte aux obligations de mise en concurrence dont il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de tirer les conséquences ; que, dès lors, en estimant, pour écarter le moyen tiré par la SARL GALLIS de ce qu'elle n'avait pas reçu communication des motifs du rejet de son offre malgré la demande qu'elle avait faite en ce sens, que ces éléments, postérieurs à l'attribution du marché n'avaient pas trait aux obligations de la commune de Boulogne-sur-mer en matière de publicité et de mise en concurrence, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a commis une erreur de droit ; que, par suite, la SARL GALLIS est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SARL GALLIS devant le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lille ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa du II de l'article 53 du code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret du 7 janvier 2004, les critères de choix des offres sont définis dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation. Ces critères sont pondérés ou à défaut hiérarchisés ; qu'il résulte de ces dispositions que les critères doivent être pondérés, sauf si la personne publique qui s'apprête à passer un marché peut justifier que cette pondération n'est pas possible ; que c'est seulement en ce cas que cette personne peut se borner à procéder à leur hiérarchisation ; que la commune de Boulogne-sur-mer ne justifie pas d'une telle impossibilité ; que, par suite, elle ne pouvait, légalement se borner, dans l'avis d'appel public à la concurrence et dans les documents de la consultation remis aux candidats, à hiérarchiser les critères d'attribution des différents lots du marché en les présentant par ordre de priorité décroissante ; qu'elle ne pouvait non plus faire usage de critères pondérés lors de l'examen des offres sans l'avoir annoncé dans l'avis d'appel public ou dans le règlement de la consultation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL GALLIS est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du lot litigieux du marché de travaux portant sur la basilique Notre Dame ;
Considérant qu'il appartient à la commune de Boulogne-sur-mer de décider si elle entend procéder à la passation du lot n° 1 du marché portant sur des travaux à réaliser sur la basilique Notre Dame ; que, si elle décide de passer un marché correspondant à ce lot, il lui est loisible de décider de reprendre intégralement la procédure de passation ou de ne reprendre cette procédure qu'au stade de la publication de l'avis d'appel public à la concurrence ; que, par suite, les conclusions de la SARL GALLIS tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Boulogne-sur-mer de reprendre intégralement la procédure de passation du lot n°1 du marché en cause ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL GALLIS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Boulogne-sur-mer demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de la commune de Boulogne-sur-mer, au titre des mêmes frais, une somme de 3 500 euros au profit de la SARL GALLIS ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille en date du 11 août 2005 est annulée.
Article 2 : La procédure de passation du lot n° 1 du marché portant sur des travaux à réaliser sur la basilique Notre Dame est annulée.
Article 3 : La commune de Boulogne-sur-mer versera à la SARL GALLIS une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SARL GALLIS et les conclusions de la commune de Boulogne-sur-mer sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL GALLIS et à la commune de Boulogne ;sur-mer.