Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 avril et 12 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE CHÂTEAU-THIERRY, dont le siège est à Château-Thierry (02400) ; le CENTRE HOSPITALIER DE CHÂTEAU-THIERRY demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 11 mars 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, statuant sur son appel et sur celui de la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF), a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 5 décembre 2000 en tant qu'il l'a condamné à verser à la MACIF une somme correspondant aux frais de l'assistance de M. Georges A par une tierce personne ;
2°) réglant l'affaire au fond, de limiter le montant total de sa condamnation à la somme de 199 694,32 euros (1 309 908,96 francs), et subsidiairement à la somme de 416 019,48 euros (2 278 908,96 francs) ;
3°) de mettre à la charge de la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE CHÂTEAU-THIERRY et de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la Mutuelle assurance des commercants et industriels de France (MACIF),
- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement avant dire droit en date du 23 août 1993, devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens a déclaré le CENTRE HOSPITALIER DE CHÂTEAU-THIERRY responsable des conséquences dommageables résultant des complications dont M. A a été victime à la suite de son admission, le 2 avril 1983, dans ce centre hospitalier après un accident de la circulation ; que, par jugement du 5 décembre 2000, le tribunal administratif a condamné l'établissement hospitalier à verser à la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF), assureur du conducteur du véhicule dont M.A était le passager, une somme de 513.531,98 euros (3.368 548,96 F) dont 69.516,75 euros (456.000 F) au titre des troubles dans les conditions d'existence et des souffrances endurées par l'intéressé, demeuré atteint d'une incapacité permanente partielle de 95%, et 313.837,64 euros (2.058.640 F) au titre de l'assistance permanente d'une tierce personne nécessitée par son état de santé ; que, saisie en appel par le centre hospitalier et la MACIF, la cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt en date du 11 mars 2003, confirmé le montant des indemnités mises à la charge de l'hôpital par le tribunal administratif, réformé le calcul des intérêts dus sur ces sommes et fixé au 17 février 2001 la date de capitalisation des intérêts ; que le centre hospitalier demande la cassation de cet arrêt en tant qu'il a statué sur l'indemnité au titre de l'assistance par une tierce personne ; que, par la voie du pourvoi incident, la MACIF demande l'annulation de l'arrêt en tant qu'il porte sur la capitalisation des intérêts qui lui sont dus ;
Sur le pourvoi principal :
Considérant que, devant la cour, le CENTRE HOSPITALIER DE CHÂTEAU-THIERRY avait fait valoir, pour critiquer l'évaluation des frais d'assistance d'une tierce personne mis à sa charge par le tribunal administratif, d'une part, que la MACIF n'avait pas justifié des versements effectués à M.A et, d'autre part, que la somme allouée par les premiers juges à ce titre, dont le calcul n'était pas explicite, était très excessive au regard des indemnités allouées dans des hypothèses comparables par le juge administratif ; qu'en se bornant, pour confirmer l'évaluation du tribunal, à relever que les premiers juges avaient à bon droit indemnisé ce chef de préjudice et accepté de prendre en compte les justificatifs produits par la MACIF, la cour a insuffisamment motivé son arrêt ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler celui-ci en tant qu'il rejette les conclusions du centre hospitalier relatives à l'évaluation des frais d'assistance par tierce personne ;
Sur le pourvoi incident :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la capitalisation des intérêts a été demandée par la MACIF devant le tribunal administratif d'Amiens par un mémoire enregistré le 13 février 1998 ; qu'à cette date, les intérêts étant dus pour au moins une année entière, le tribunal administratif a fait droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; que, par suite, la cour administrative d'appel, en réformant le jugement sur ce point et en fixant au 17 février 2001 la date de capitalisation, a entaché son arrêt d'une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier ; que l'arrêt doit être annulé en tant qu'il fixe au 17 février 2001 la date de la capitalisation des intérêts sur les sommes dues à la MACIF ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond, dans la mesure qu'appellent les cassations prononcées ci-dessus ;
Considérant qu'eu égard au coût de l'assistance à temps plein par une tierce personne à l'époque des faits, il sera fait une juste appréciation des frais nécessités tout au long de l'année par l'état de M. A en les fixant à la somme annuelle de 37.587,76 euros (240.000 F) ; que, compte tenu de la durée de la période écoulée entre la sortie de l'hôpital de M. A et son décès, le 31 avril 1992, ces frais s'élèvent à 285.040,51 euros ; que le CENTRE HOSPITALIER DE CHÂTEAU-THIERRY est par suite fondé à demander que la somme qu'il a été condamné à verser à la MACIF par le jugement attaqué au titre des frais d'assistance par une tierce personne soit ramenée de 313.837,64 euros à 285.040,51 euros ; que la mutuelle a demandé le 13 février 1998 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande à compter de cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la MACIF la somme que le CENTRE HOSPITALIER DE CHÂTEAU-THIERRY demande en application de ces dispositions ; qu'il n'y a pas davantage lieu de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE CHATEAU THIERRY la somme que demande la MACIF en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions du CENTRE HOSPITALIER DE CHATEAU-THIERRY relatives à l'évaluation des frais d'assistance à tierce personne mis à sa charge par le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 5 décembre 2000 et qu'il a fixé au 17 février 2001 la date de capitalisation des intérêts dus à la MACIF.
Article 2 : La somme que le CENTRE HOSPITALIER DE CHÂTEAU-THIERRY a été condamné à verser à la MACIF par le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 5 décembre 2000 est ramenée de 513.531,98 euros (3.368.548,96 F) à 484.734,85 euros. Les intérêts de cette somme seront capitalisés à compter du 13 février 1998, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 5 décembre 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER DE CHATEAU-THIERRY et les conclusions de la MACIF tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER DE CHÂTEAU-THIERRY, à la Mutuelle assurance des commerçants et industriels, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne, à M. Gilles A et au ministre de la santé et des solidarités.