Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier et 21 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SABIPAT GUYANE, agissant par son liquidateur amiable, M. Anfré Martinod, domicilié en cette qualité au lieu-dit Cabou B.P. 57 à Petit-Bourg (97170) ; la SOCIETE SABIPAT GUYANE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la capitalisation des intérêts, l'arrêt du 28 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a condamné la commune de Cayenne à lui verser des intérêts au taux légal, pour la période du 18 septembre 1991 au 12 août 1997, sur la somme de 292 316,72 F (44 563,40 euros) que le tribunal administratif de Cayenne a condamné cette commune à lui verser au titre de travaux supplémentaires réalisés par elle dans le cadre de l'exécution d'un marché de travaux ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil ou, à défaut, de condamner la commune de Cayenne à lui verser des intérêts au taux légal, à compter du 30 juin 1997 et, en tout état de cause, à compter du 11 juin 1999, sur la créance d'intérêts moratoires qu'elle détient à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cayenne la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sibyle Veil, Auditeur,
- les observations de Me Hemery, avocat de la SOCIETE SABIPAT GUYANE et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la commune de Cayenne,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que par un jugement du 16 novembre 1999, le tribunal administratif de Cayenne a condamné la commune de Cayenne à verser à la SOCIETE SAPIBAT GUYANE la somme de 44 563,40 euros au titre de travaux exécutés en dehors des prévisions d'un marché relatif à la construction d'un centre de secours principal, dont elle était titulaire, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 1997 ; que par un arrêt du 28 octobre 2003, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que ces intérêts devaient courir à compter du 18 septembre 1991 et jusqu'au 12 août 1997, date à laquelle la somme correspondant à la créance principale a été virée par le receveur de Cayenne sur un compte anciennement détenu par la SOCIETE SAPIBAT GUYANE, mais a rejeté la demande de la société tendant à la capitalisation de ces intérêts ; que la SOCIETE SAPIBAT GUYANE se pourvoit en cassation contre l'arrêt en tant que la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté cette demande tendant à la capitalisation de sa créance d'intérêts ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que ces dispositions sont applicables dans le cas où le débiteur, s'étant acquitté de sa dette en principal, a interrompu le cours des intérêts mais ne les a pas payés, sous réserve que ces intérêts portent sur une période qui a duré au moins une année entière ; que, dès lors, en rejetant la demande présentée devant elle par la SOCIETE SAPIBAT GUYANE tendant, sur le fondement de ces dispositions, à la capitalisation des intérêts, au motif que cette demande a été présenté le 11 juin 1999, après que le règlement de la dette principale eut interrompu le cours des intérêts, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, par suite, la SOCIETE SAPIBAT GUYANE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions relatives à la capitalisation des intérêts ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, lorsqu'un débiteur, s'étant acquitté de sa dette en principal, a interrompu le cours des intérêts mais ne les a pas payés, la capitalisation des intérêts qui sont dus au créancier jusqu'au jour du paiement du principal et de ceux qui continuent à courir sur ces intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, avant comme après le paiement du principal ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; qu'une nouvelle capitalisation intervient à chaque échéance annuelle de la date d'effet de cette demande ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux, dont l'arrêt est devenu définitif sur ce point, a jugé que la SOCIETE SAPIBAT GUYANE avait droit sur la somme de 44 563,40 euros à des intérêts au taux légal courant du 18 septembre 1991 au 12 août 1997 ; qu'ainsi ces intérêts portaient sur une période qui a duré plus d'une année entière ; que la SOCIETE SAPIBAT GUYANE a demandé la capitalisation de la somme représentative de ces intérêts dans sa requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 11 juin 1999 ; qu'il résulte de ce qui a été dit qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE SAPIBAT GUYANE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Cayenne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Cayenne la somme de 2 500 euros que demande la SOCIETE SAPIBAT GUYANE au titre des mêmes frais ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 28 octobre 2003 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la SOCIETE SAPIBAT GUYANE tendant à la capitalisation des intérêts.
Article 2 : Les intérêts dus par la commune de Cayenne sur la somme de 44 563,40 euros du 18 septembre 1991 au 12 août 1997 seront capitalisés à la date du 11 juin 1999 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La commune de Cayenne versera à la SOCIETE SABIPAT GUYANE la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Cayenne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SABIPAT GUYANE et à la commune de Cayenne.