Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Abou A, demeurant ... ;
M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner la suspension de la décision du 22 décembre 2006 du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes rejetant son recours contre la décision procédant à son retrait du tableau de l'ordre ;
2°) d'admettre provisoirement M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des chirurgiens- dentistes la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dire que celle-ci devra être versée à la SCP David GASCHIGNARD, sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, si M. A est définitivement admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et à M. A dans le cas contraire ;
il soutient que la décision contestée ne répond pas aux moyens invoqués par lui ; que la décision d'inscription au tableau de l'ordre national des chirurgiens-dentistes est au nombre des décisions individuelles créatrices de droits qui ne peuvent être retirées au delà du délai de quatre mois après leur intervention ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit qu'un conseil de l'ordre puisse procéder à une radiation administrative en raison d'erreurs qui aurait pu être commises au moment de l'inscription ; que M. A dispose d'un diplôme l'habilitant à exercer en France ; que son inscription au tableau de l'ordre national des chirurgiens-dentistes est justifiée par un diplôme français d'Etat de docteur en chirurgie dentaire obtenu dans le cadre d'un accord de coopération passé entre l'institut d'odonto-stomatologie de l'université d'Abidjan et l'université de Montpellier I, qu'ainsi M. A dispose d'un diplôme français de deuxième cycle ; que dans l'hypothèse où M. A ne disposerait pas d'un diplôme français d'Etat mais un diplôme de doctorat délivré par la seule université d'Abidjan, l'article 13 alinéa 1er de l'accord de coopération en matière d'enseignement supérieur conclu le 24 avril 1961 entre la République française et la République de Côte d'Ivoire rend ce diplôme de plein droit valable en France ; que M. A est de nationalité française et qu'il n'est nul besoin d'un accord d'établissement ; que l'urgence est caractérisée ; qu'en effet M. A a souscrit deux emprunts et un bail pour ses locaux professionnels ; qu'ainsi ses charges ne peuvent être supportées qu'à la condition qu'il puisse exercer sa profession ;
Vu la décision dont la suspension est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation présentée à l'encontre de cette décision :
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2007, présenté pour le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision du conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes est régulière en la forme ; que l'inscription au tableau de l'ordre ne crée pas de droit au maintien sur le tableau, ce maintien impliquant que le praticien réponde en permanence aux exigences législatives et réglementaires qui lui permettent d'exercer l'art dentaire ; que la décision d'inscription pouvait légalement être abrogée ; que sont insusceptibles de créer des droits les décisions obtenues par fraude ; qu'un diplôme délivré par l'université de Côte d'Ivoire ne saurait être considéré comme un diplôme d'Etat français ; que M. A en avait connaissance ; que l'urgence, qui a été provoquée par le requérant, n'est pas caractérisée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A, d'autre part, le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;
Vu le procès verbal de l'audience publique du vendredi 15 juin 2007 à 16h30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Gaschignard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- M. A ;
- Me Lyon-Caen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;
Considérant, dans les circonstances de l'espèce, qu'il y a lieu d'admettre provisoirement M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle par application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés, saisi de conclusions en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état, en l'état de l'instruction, d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ;
Considérant que l'article L. 4111-1 du code de la santé publique subordonne l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste à trois séries de conditions, relatives respectivement à la détention d'un diplôme ou d'un certificat, à la nationalité et à l'inscription au tableau de l'ordre ; qu'en vertu de l'article L. 4141-3 de ce code, le diplôme mentionné à l'article L. 4111-1 est soit le diplôme français d'Etat de docteur en chirurgie dentaire, soit le diplôme français d'Etat de chirurgien-dentiste, soit un diplôme délivré par un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'espace économique européen ; qu'enfin l'article L. 4111-2 du même code prévoit qu'après avis d'une commission et vérification des connaissances, le ministre chargé de la santé peut autoriser à exercer des personnes françaises ou étrangères titulaires d'autres diplômes ; qu'enfin l'article L. 4112-1 du code de la santé publique prévoit que les chirurgiens-dentistes qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de leur ordre et que nul ne peut être inscrit à ce tableau s'il ne satisfait pas aux conditions fixées par l'article L. 4111-1 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Abou A, qui est né en 1967 en Côte d'Ivoire, a suivi trois années d'études à l'institut d'odonto-stomatologie d'Abidjan avant de poursuivre, dans le cadre défini par une convention conclue le 15 octobre 1987 entre cet institut et l'université de Montpellier I, sa formation dans cette dernière l'université ; qu'à l'issue de deux années d'études à Montpellier, le doyen de la faculté d'odontologie de cette ville a établi, le 16 juin 1992, une attestation selon laquelle, M. A « a satisfait à ses examens de 4ème et 5ème années d'études en chirurgie dentaire et a soutenu publiquement sa thèse le 16 juin 1992 » ; que le procès-verbal de soutenance de cette thèse indique que le jury de l'université de Montpellier I a estimé que le grade de docteur en chirurgie dentaire pouvait être accordé à l'intéressé avec la mention très honorable ; que ce procès-verbal précise qu'il n'a pas lui-même valeur de diplôme et que le diplôme de docteur en chirurgie dentaire sera délivré par l'institut d'odonto-stomatologie de l'université d'Abidjan ; qu'ainsi qu'elle y était de la sorte invitée, cette université à délivré le 8 mars 1993 à M. A un diplôme de docteur en chirurgie dentaire ; que M. A a poursuivi par la suite sa formation à l'université de Montpellier I, où il a obtenu deux certificats d'études supérieures, l'un de biologie de bouche, le 28 février 1995, l'autre d'orthopédie dento-faciale le 4 mars 1996 ; qu'enfin M. A a obtenu de la même université un certificat d'études cliniques spéciales, mention orthodontie, le 9 décembre 2005 ;
Considérant que M. A, qui a acquis la nationalité française en 2003, a été inscrit le 5 octobre 2004 au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes de l'Isère en vue de l'exercice de sa profession comme salarié ; qu'il a ensuite sollicité, en vue de son installation à titre libéral dans l'Hérault un transfert de son dossier dans ce dernier département ; que le conseil départemental de l'Isère, estimant alors qu'il ne satisfaisait pas à la condition de diplôme exigée par l'article L. 4111-1 du code de la santé publique, a décidé de le retirer du tableau ; que cette décision de retrait a été confirmée par le conseil régional puis par la décision du 22 décembre 2006 du Conseil national de l'ordre des chirurgiens dentiste, dont M. A demande la suspension ;
Considérant que la décision par laquelle le conseil départemental décide d'inscrire un praticien au tableau a le caractère d'une décision individuelle créatrice de droits ; que, s'il incombe au conseil départemental de tenir à jour le tableau et de radier de celui-ci les chirurgiens-dentistes qui cessent de remplir les conditions requises pour y figurer, le moyen selon lequel, en l'absence de fraude, le conseil départemental ne peut, sans méconnaître les droits acquis qui résultent de l'inscription, décider, plus de quatre mois après celle-ci, une radiation au motif que les diplômes au vu desquels un praticien a été inscrit n'auraient pas été de nature à permettre légalement son inscription est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension est demandée ;
Considérant qu'eu égard aux conséquences professionnelles et financières qu'elle entraîne pour M. A, la décision dont la suspension est demandée porte à ses intérêts une atteinte suffisamment grave et immédiate pour constituer une situation d'urgence ; qu'eu égard aux qualifications et aux compétences professionnelles du requérant, les intérêts de la santé publique ne font apparaître aucune urgence qui s'attacherait, à l'inverse, à l'exécution de cette décision ; qu'ainsi la condition d'urgence est remplie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du Conseil national de l'ordre des chirurgiens dentistes en date du 22 décembre 2006 ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes le paiement au conseil du requérant de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation dudit conseil, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qu'il a exercée ;
O R D O N N E :
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Article 1er : M. A est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : L'exécution de la décision du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes en date du 22 décembre 2006 est suspendue jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait statué sur le recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre de cette décision. Cette suspension implique la réinscription de M. A au tableau de l'ordre.
Article 3 : Le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes versera au conseil de M. A la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation dudit conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qu'il a exercée.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Abou A et au conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes section disciplinaire.
Une copie en sera adressée pour information au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.