Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 5 décembre 2005 et 16 mars 2006, présentés pour la COMMUNE DE BERGHEIM, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE BERGHEIM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2005 annulant la décision du maire de Bergheim du 11 décembre 2003 rejetant la demande de Mme Christine A tendant au versement de la prime de fin d'année au prorata de son temps de présence, lui enjoignant de verser la somme correspondante et mettant à sa charge une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la COMMUNE DE BERGHEIM et de Me de Nervo, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 87 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : « Les fonctionnaires régis par la présente loi ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général. / Sous réserve des dispositions de l'article 111 de la présente loi, ils ne peuvent percevoir directement ou indirectement aucune autre rémunération à raison des mêmes fonctions. / Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont applicables qu'à compter de l'entrée en vigueur du régime indemnitaire des nouveaux cadres d'emplois ou emplois » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 88 de la même loi, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 novembre 1990 : « L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe, par ailleurs, les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat ... » ; que selon le troisième alinéa de l'article 111 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction résultant de la loi du 2 juillet 1998 : «Par exception à la limite résultant du premier alinéa de l'article 88, les avantages collectivement acquis ayant le caractère de complément de rémunération que les collectivités locales et leurs établissements publics ont mis en place avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont maintenus au profit de l'ensemble de leurs agents, lorsque ces avantages sont pris en compte dans le budget de la collectivité ou de l'établissement » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, après l'entrée en vigueur du régime indemnitaire des nouveaux cadres d'emplois ou emplois fixé en vertu du 1er alinéa de l'article 88 par les collectivités locales et leurs établissements publics, ces collectivités locales et établissements publics peuvent mettre fin aux avantages collectivement acquis ayant le caractère de complément de rémunération qu'ils avaient mis en place avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984 ;
Considérant qu'il est constant que, à la date du 11 décembre 2003 à laquelle le maire de Bergheim a refusé de verser à Mme Christine A, agent administratif de la commune, la somme que l'intéressée demandait au titre de la prime de fin d'année qui avait été mise en place avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984, le conseil municipal avait fixé le régime indemnitaire des nouveaux cadres d'emplois ou emplois de la commune en application du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 ; que, dès lors, il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif, alors même que ce dernier décret prévoyait un nouveau régime indemnitaire, a déduit de l'existence du régime antérieur un droit automatique aux avantages qu'il prévoyait et annulé par son jugement du 4 octobre 2005 la décision du maire de Bergheim du 11 décembre 2003 ; que la COMMUNE DE BERGHEIM est par suite fondée à demander l'annulation des articles 1er, 2 et 3 de ce jugement par lequel le tribunal administratif a annulé la décision de son maire du 11 décembre 2003, lui a enjoint de verser à Mme A un complément de prime de fin d'année et a mis à sa charge une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;
Considérant que ni les délibérations des 24 mars 1997 et 9 février 1998 par lesquelles le conseil municipal de Bergheim a décidé de maintenir la prime de fin d'année qui avait été mise en place avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984, ni la délibération du 31 mars 2003 par laquelle il a pris en compte le montant de cette prime dans le budget de l'année 2003, n'ont modifié le régime d'octroi de cette prime qui n'était subordonné à aucun critère ; que le maire ne tenait d'aucun texte le pouvoir de décider, comme il l'a fait, que le montant de la prime de fin d'année versée à chaque agent serait dorénavant fixé en prenant en compte sa manière de servir ; qu'il en résulte que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision du 11 décembre 2003 par laquelle le maire de Bergheim s'est fondé sur sa manière de servir pour lui refuser le versement de la prime de fin d'année au prorata de son temps de présence ;
Considérant que la présente décision implique nécessairement, si la commune n'y a déjà procédé, le versement par celle-ci à Mme A de la prime de fin d'année de 2003 sans tenir compte de sa manière de servir ; qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, d'ordonner ce versement par application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la COMMUNE DE BERGHEIM le versement à Mme A d'une somme de 3 500 euros au titre des frais exposés par elle devant le tribunal administratif de Strasbourg et le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la COMMUNE DE BERGHEIM demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2005 sont annulés.
Article 2 : La décision du maire de Bergheim du 11 décembre 2003 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la COMMUNE DE BERGHEIM, si elle n'y a déjà procédé, de verser à Mme A la prime de fin d'année de 2003 sans tenir compte de sa manière de servir.
Article 4 : La COMMUNE DE BERGHEIM versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 500 euros à Mme A.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Christine A et à la COMMUNE DE BERGHEIM.
Copie pour information en sera adressée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.