Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Vazoumana A, demeurant 7-9 passage des Roses, à Aubervilliers (93300) ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé à l'encontre de la décision en date du 2 novembre 2007 du consul général de France à Abidjan refusant de délivrer les visas d'entrée en France qu'il avait sollicités au bénéfice de sa concubine et de leurs deux enfants ;
2°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer les demandes de visa de long séjour dans les quinze jours à compter de l'ordonnance, sous astreinte de 90 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient qu'il est réfugié statutaire depuis le 13 mai 2004 et qu'il a sollicité auprès du ministre des affaires étrangères la venue en France de sa concubine et de leurs deux enfants en août 2004 ; qu'il justifie d'un intérêt à agir ; que la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il est fait obstacle à son droit à une vie familiale normale ; que les éléments présentés à la commission des recours établissent la filiation et l'identité des membres de sa famille ; que leur droit à une vie privée et familiale est méconnu de même que l'intérêt supérieur des enfants ;
Vu la copie du recours enregistré le 21 décembre 2007 devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu, enregistré le 10 avril 2008 le mémoire en défense du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les liens de filiation avec les deux enfants ne sont pas établis et que la preuve du concubinage n'est pas rapportée ; que la condition d'urgence n'est donc pas satisfaite ; qu'eu égard à la nature des documents produits, les autorités consulaires n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant les visas sollicités ; que compte tenu des anomalies et incohérences des actes d'état civil produits, l'atteinte au droit de M. A à une vie familiale n'est pas constitué, pas plus que la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 avril 2008, présenté par M. A qui reprend les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ; il soutient en outre établir que les liens de concubinage sont bien établis, de même que la filiation des enfants ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2007, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention de Genève relative au statut de réfugié ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu la directive n° 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A, et d'autre part le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 17 avril 2008 à 12 heures, au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Guillaume Delvolvé, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Après avoir prolongé l'instruction jusqu'au 18 avril, à 12 heures ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 avril 2008, présentée pour M. A ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 avril 2008, présentée par ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que M. A, ressortissant ivoirien, ayant obtenu la qualité de réfugié en France en 2004, a demandé la même année l'autorisation de faire venir auprès de lui sa compagne, Mme Asseta B et leurs deux enfants Ibrahim, né en 1998, et Bah C, née en 2003 ; qu'il demande la suspension de l'exécution de la décision par laquelle la commission des recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'il avait présenté dirigé contre le refus, en date du 2 novembre 2007, du consul général de France à Abidjan de délivrer un visa de long séjour à Mme B et aux deux enfants ;
Considérant que si des omissions de signature et des erreurs de date ont été justement relevés par l'administration consulaire dans les différents documents d'état civil produits à l'appui des demandes de visa, il résulte des documents produits au cours de l'instruction, notamment de jugements supplétifs de juridictions nationales rectifiant l'état civil des demandeurs, et des éléments produits à l'audience, relatifs en particulier à l'envoi de sommes d'argent par M. A en Côte-d'Ivoire, à la location par lui dès 2006 d'un logement destiné à l'héberger avec les siens et aux informations déduites des carnets de santé des enfants, que d'une part les liens de concubinage de Mme B avec le requérant depuis 1993 et, d'autre part, les liens de filiation entre M. A et les deux enfants ne sauraient sérieusement être mis en doute ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, le moyen tiré de ce que le refus contesté porte une atteinte excessive au droit du requérant à une vie familiale normale paraît, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision ; que, pour le même motif, la condition d'urgence doit être regardé comme satisfaite ; que, par suite, les conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative à la suspension de la décision implicite de la commission des recours contre les refus de visa d'entrée en France sont remplies ; que, dès lors, les conclusions de M. A doivent être accueillies, y compris ses conclusions tendant à ce que soit enjoint à l'administration de réexaminer les demandes de visa présentées, sans qu'il y ait lieu toutefois d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission des recours contre les refus de visa d'entrée en France est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer dans les trente jours les demandes de visa présentées par Mme B et ses deux enfants.
Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.