Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Félix A et Mme Edith Nadège A, demeurantE... ; M. et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre la décision implicite en date du 8 avril 2008 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Libreville (Gabon), refusant la délivrance de visas de long séjour pour leurs enfants Kevinn Dharcy, Emilie Lisa et Sarah Nollycia A ;
2°) d'ordonner au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, de réexaminer la demande de visas dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que leur requête est recevable puisque, d'une part, le délai de deux mois qui leur était imparti pour saisir la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'avait pas été porté à leur connaissance, et que, d'autre part, une demande de communication des motifs a été adressée à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France le 23 avril 2008, prolongeant ainsi le délai de recours ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; que l'absence de motivation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France méconnaît d'une part les dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public et d'autre part les dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision contestée souffre d'une irrégularité de procédure méconnaissant l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'aucun récépissé du dépôt de la demande de visas n'a été délivré à M. et Mme A ; que le motif qui semble avoir conduit au refus des visas sollicités, fondé sur le doute des autorités françaises quant à la filiation entre M. A et les enfants, n'a pas été étayé par les autorités consulaires ; que la demande de visa a été formulée par M. et Mme A et que par conséquent cette demande aurait du prospérer dans la mesure où la filiation entre Mme A et ses enfants n'est pas remise en cause ; qu'ainsi la décision contestée est entachée d'erreur de droit ; que cette décision méconnaît d'une part l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant selon lequel l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale, et d'autre part l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le respect de la vie privée et familiale ; que la condition d'urgence est satisfaite ; qu'en effet M. et Mme A sont séparés de leurs jeunes enfants depuis plusieurs années ; que ces derniers sont pris en charge depuis la mort de leur tuteur par un oncle malade qui ne peut s'occuper d'eux de manière satisfaisante, raison pour laquelle leur état de santé physique et psychologique s'est dégradé ;
Vu la copie du recours présenté le 8 février 2008 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. et Mme A ;
Vu, enregistré le 1er septembre 2008, le mémoire présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a commis aucune erreur de droit ou erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où la demande initiale de M. et Mme A portait sur des visas de court séjour à des fins de visite familiale et que c'est seulement devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qu'ils lui ont substitué une demande de visas de long séjour en qualité d'enfants mineurs de ressortissant français ; que par conséquent la commission n'a pu motiver son refus implicite d'une demande qui en réalité n'avait pas été formée ; que l'absence de récépissé des demandes de visas de long séjour s'explique par le fait que le consul général de France à Libreville (Gabon) n'a pas reçu ces demandes ; que la décision contestée est fondée sur deux motifs d'ordre public, le premier étant le risque de détournement de l'objet des visas sollicités à des fins migratoires, le second résultant du caractère frauduleux des actes produits en vue d'attester de la filiation de M. et Mme A avec leurs enfants présumés ; qu'au regard de l'atteinte portée à la vie privée et familiale des requérants, ces derniers ne justifient ni de la persistance de relations régulières avec leurs enfants, ni de leur participation à leur entretien et à leur éducation ; que la séparation de Mme A avec ses enfants présumés résulte de la décision qu'elle a prise de venir s'installer en France ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite dans la mesure notamment où les visas demandés étaient des visas de court séjour au titre d'une visite familiale ; que par conséquent les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique d'une part M. et Mme A, et d'autre part le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 4 septembre à 12 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Rocheteau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;
- les représentants du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués » ; qu'en l'absence de communication des motifs dans le délai d'un mois la décision implicite se trouve entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M. Jean-Félix A, ressortissant français, et son épouse Mme Edith Nadège A, ressortissante congolaise, après avoir demandé le 15 mai 2007 des visas de court séjour pour trois enfants dont ils se déclarent les parents, ont adressé le 26 juin 2007 une demande de visas de long séjour pour les mêmes enfants en qualité d'enfants de ressortissant français ; que M. et Mme A ont formé, devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, un recours, enregistré le 8 février 2008, explicitement dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Libreville refusant la délivrance de ces visas de long séjour ; qu'ils ont alors présenté, par un courrier enregistré par cette commission le 24 avril 2007, une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet par celle-ci de leur recours ; qu'il est constant que la commission n'a pas communiqué dans le délai d'un mois prévu par la disposition précitée les motifs de la décision implicite de rejet ; que, dans ces conditions, le moyen tiré par les requérants de ce que cette décision méconnaîtrait l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 précité est propre, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sur sa légalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander la suspension de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Libreville refusant la délivrance de visas de long séjour pour leurs trois enfants ; qu'il doit être enjoint à la commission de procéder à un nouvel examen de leur recours, et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'il n'y a pas lieu cependant d'assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la somme de 1000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. et Mme A dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Libreville refusant la délivrance de visas de long séjour pour leurs enfants Kevinn Dharcy, Emilie Lisa et Sarah Nollycia A est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de réexaminer le recours formé par M. et Mme A contre la décision implicite du consul général de France à Libreville mentionnée à l'article précédent.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Jean-Félix A, à Mme Edith Nadège A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.