Vu, 1°), sous le n° 310484, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 novembre et 23 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE, représentée par son maire, domiciliée hôtel de ville, place François Blanchot, BP 416 à Saint Nazaire (44 606 Cedex), et la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LA REGION NAZAIRIENNE ET DE L'ESTUAIRE, dont le siège est 4 avenue du Commandant l'Herminier à Saint-nazaire (44600) ; la COMMUNE DE SAINT NAZAIRE et la COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DE LA RÉGION NAZAIRIENNE ET DE L'ESTUAIRE (CARENE) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 22 octobre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Decaux mobilier urbain, annulé la procédure de passation du marché de mobilier urbain engagée par la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et la CARENE ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Decaux ;
3°) de mettre à la charge de la société Decaux une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°), sous le n° 310544, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 novembre et 26 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ABRI SERVICES SARL, dont le siège est 30 avenue de la Vertonne à Vertou (44120) ; la SOCIETE ABRI SERVICES SARL demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 22 octobre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant au titre de l'article L.551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Decaux , annulé la procédure de passation du marché de mobilier urbain engagée par la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et la CARENE ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Decaux ;
3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la société Decaux Mobilier Urbain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 ;
Vu le règlement (CE) n° 1564/2005 de la Commission en date du 7 septembre 2005 établissant les formulaires standard pour la publication d'avis dans le cadre des procédures de passation des marchés publics conformément aux directives 2004/17/CE et 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, et notamment son annexe II ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alban de Nervaux, Auditeur,
- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et de la SOCIÉTÉ COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DE LA RÉGION NAZAIRIENNE ET DE L'ESTUAIRE (CARENE), de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société JC Decaux Mobilier Urbain et de la SCP Nicolaÿ avocat de la SOCIETE ABRI SERVICES,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les pourvois visés ci-dessus sont dirigés contre une même ordonnance ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...) Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local.(...) Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours (...) ;
Considérant que la COMMUNE DE SAINT NAZAIRE et la COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DE LA RÉGION NAZAIRIENNE ET DE L'ESTUAIRE (CARENE), d'une part, et la SOCIETE ABRI SERVICES d'autre part, se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 22 octobre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant en application des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Decaux Mobilier Urbain, dont l'offre a été rejetée, annulé la procédure de passation du marché de mobilier urbain engagé par la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et la CARENE ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et la CARENE, qui avaient retenu l'esthétique comme un des critères d'attribution du marché, avaient apporté à cet égard les indications suivantes dans le cahier des clauses techniques particulières du marché : Les mobiliers urbains ...devront participer à l'embellissement de l'espace public par leurs qualités esthétiques. Ils devront de plus être en cohérence avec l'identité portuaire et maritime de cette dernière et s'inscrire dans le style nazairien alliant exigence fonctionnelle (solidité, résistance, confort d'usage, durabilité, facilité d'entretien et de remplacement) et esthétique. A cet égard, le mobilier retenu devra être d'esprit contemporain, de forme simple et épurée, de préférence en métal et d'une couleur dominante blanche ; qu'en jugeant que, par de telles indications, la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et la CARENE n'avaient pas défini leurs attentes avec une précision suffisante pour écarter l'éventualité d'une décision d'attribution discrétionnaire, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier ; qu'il en résulte que la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et la CARENE sont fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Decaux ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements ; qu'il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ; qu'en l'espèce, la société Decaux soutient que l'avis d'appel public à la concurrence publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics ne respecte pas les prescriptions du paragraphe VIII de l'article 40 du code des marchés publics faute de mention de la date de son envoi à l'office des publications officielles de l'Union Européenne ; qu'elle fait valoir en outre que, s'agissant d'un marché relatif à la fourniture, l'installation, la maintenance et le nettoyage de mobilier urbain, le pouvoir adjudicateur ne pouvait, au titre de la rubrique catégorie de services figurant au point II.1.2) des avis d'appel public à la concurrence, se borner à porter la mention n°1 qui, selon la nomenclature figurant à l'annexe II de la directive 2004 /18/CE, reprise à l'article 29 du code des marchés publics, correspond aux services d'entretien et de réparation ; que la société Decaux soutient encore que, dès lors que les codes CPV ( vocabulaire commun de marché ), qui en vertu de l'annexe II de la directive, sont compris dans la catégorie n°1, relative aux services d'entretien et de réparation , ne correspondent à aucun des codes CPV mentionnés en l'espèce au point II.1.6) des avis, ceux-ci sont entachés d'une contradiction ; que, toutefois, eu égard à leur portée, et dès lors qu'elles se rapportent à une phase de la procédure antérieure à la sélection de son offre, il ne résulte pas de l'instruction que la société Decaux, dont la candidature a été admise et qui a présenté une offre correspondant à l'objet du marché, soit susceptible d'avoir été lésée ou risque d'être lésée par les irrégularités ainsi invoquées ; qu'elle ne saurait dès lors s'en prévaloir à l'appui de sa requête ; que, de même, la circonstance que la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et la CARENE aient en l'espèce, au titre de la rubrique option des avis d'appel public à la concurrence, porté à la connaissance des entreprises l'exigence de certaines prestations complémentaires que le candidat était tenu de proposer dans son offre et que l'administration se réservait la possibilité de demander, alors qu'une telle information n'avait pas à figurer au sein de la rubrique litigieuse, est en elle-même insusceptible d'avoir lésé la société requérante et ne risque pas de la léser ; que cette dernière ne saurait, par suite, s'en prévaloir à l'appui de sa requête ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la ville et la CARENE ont indiqué dans les avis d'appel public à la concurrence, conformément aux prescriptions du 6e alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs, que la capacité technique des candidats pouvait être prouvée par la présentation d'une liste des principales fournitures ou des principaux services effectués au cours des trois dernières années indiquant le montant, la date et le destinataire public ou privé. Les livraisons et prestations de services sont prouvées par des attestations du destinataire ou, à défaut, par une déclaration de l'opérateur économique ; que la société Decaux soutient qu'en admettant que les livraisons ou prestations de service attestant de la capacité technique de l'entreprise candidate soient prouvées par une déclaration de celle-ci, alors même que le destinataire de ces livraisons ou prestations de service a été un pouvoir adjudicateur, les prescriptions de l'arrêté du 28 août 2006, dont la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et la CARENE ont fait application en l'espèce, méconnaissent les objectifs de l'article 48.2 de la directive européenne du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, lequel dispose : Les capacités techniques des opérateurs économiques peuvent être justifiées d'une ou de plusieurs des façons suivantes, selon la nature, la quantité ou l'importance, et l'utilisation des travaux, des fournitures ou des services: / a) (...) ii) la présentation d'une liste des principales livraisons ou des principaux services effectués au cours des trois dernières années, indiquant le montant, la date et le destinataire public ou privé. Les livraisons et les prestations de services sont prouvées: /- lorsque le destinataire a été un pouvoir adjudicateur, par des certificats émis ou contresignés par l'autorité compétente, /- lorsque le destinataire a été un acheteur privé, par une certification de l'acheteur ou, à défaut, simplement par une déclaration de l'opérateur économique ; que toutefois, si la directive permet au pouvoir adjudicateur, sans l'y obliger, d'exiger des certificats émis ou contresignés par l'autorité compétente lorsque le destinataire du service a été un pouvoir adjudicateur, elle n'a pas entendu exclure, dans cette hypothèse, que la capacité technique des entreprises candidates soit prouvée par une déclaration de celles-ci, ce mode de preuve étant susceptible de faciliter la preuve par les candidats de leurs capacités techniques, favorisant ainsi une plus grande concurrence ; qu'ainsi les prescriptions précitées de l'arrêté du 28 août 2006 ne sont pas incompatibles avec les objectifs des dispositions de l'article 48.2 de la directive ; qu'en tout état de cause, dès lors qu'il n'est pas établi ni même soutenu que les candidatures d'entreprises ne présentant pas des garanties techniques suffisantes auraient été admises, la société requérante ne peut se prévaloir, à l'appui de sa requête, du manquement ainsi allégué, qui n'est pas susceptible de l'avoir lésée et ne risque pas de la léser ;
Considérant, en troisième lieu, que la société Decaux fait valoir que l'indication, au sein de la rubrique option des avis d'appel public à la concurrence, de l'existence d'une option pour chaque lot portant la durée du marché à 15 ans (180 mois) au lieu des 12 ans prévus pouvait laisser penser que la prolongation de la durée du marché à 15 ans devait se faire dans le cadre d'un avenant éventuel au marché initial d'une durée de 12 ans, ce qui a été de nature à affecter la présentation des offres des entreprises candidates ; que toutefois, il était également précisé, au sein de la même rubrique que cette prolongation se ferait dès la notification du marché ; qu'il était en outre rappelé, dans la rubrique autre information que les options seraient exécutoires dès la notification du marché ; que doit donc être écarté, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que les indications ainsi portées dans la rubrique option auraient été source d'une confusion constitutive d'une atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles étaient soumise la procédure ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il était loisible à la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et à la CARENE de permettre aux entreprises candidates d'offrir un nombre de mobiliers urbains supérieur au nombre minimum de mobiliers exigé dans le cahier des clauses techniques particulières du marché, sans être tenues de fixer un nombre maximum ; que doit ainsi être écarté le moyen tiré de ce qu'en se bornant à fixer, dans le cahier des clauses techniques particulières du marché, le nombre minimum de mobiliers urbains exigés, la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et la CARENE n'ont pas déterminé suffisamment l'étendue de leurs besoins et ont ainsi méconnu leurs obligations de publicité et de mise en concurrence ;
Considérant enfin que les indications précitées s'agissant du critère d'attribution relatif à l'esthétique des mobiliers urbains étaient suffisantes pour ne pas conférer en l'espèce au pouvoir adjudicateur une liberté de choix discrétionnaire ; que doit ainsi être écarté le moyen tiré de ce qu'en recourant à un tel critère, la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et la CARENE n'ont pas garanti le respect de l'égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la société Decaux devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la procédure de passation du marché litigieux doit être rejetée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu en revanche, au titre des mêmes dispositions, de mettre à la charge de cette société une somme totale de 6 000 euros à verser à la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et à la CARENE et une somme de 5 000 euros à verser à la SOCIETE ABRI SERVICES ;
D E C I D E :
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Article 1 : L'ordonnance du 22 octobre 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Decaux devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société Decaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La société Decaux versera une somme totale de 6 000 euros à la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE et à la CARENE et une somme de 5 000 euros à la SOCIETE ABRI SERVICES au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Decaux, la COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE, la COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DE LA RÉGION NAZAIRIENNE ET DE L'ESTUAIRE et la SOCIETE ABRI SERVICES.