Vu le pourvoi, enregistré le 13 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, de la MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; la MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 4 août 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Mamoudzou, statuant en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution, d'une part, de la décision du directeur de la police nationale contenue dans le télex en date du 24 juin 2008 décidant la mutation de M. Sébastien A de la direction de la police aux frontières de Mayotte à Rungis et, d'autre part, le courrier en date du 14 mai 2008 par lequel le préfet de Mayotte a refusé à M. A de prolonger son séjour à Mayotte ;
2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de suspension présentée par M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
Vu le décret n° 96-1027 du 26 novembre 1996 ;
Vu le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Vernier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;
Considérant que le juge des référés du tribunal administratif de Mamoudzou a suspendu l'exécution des décisions de la MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, d'une part, du 14 mai 2008 refusant à M. A la prolongation de son affectation à Mayotte et, d'autre part, du 24 juin 2008 prononçant sa mutation de la direction de la police aux frontières de Mayotte à celle de Rungis ;
Considérant que, pour regarder comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées, le moyen tiré de ce que l'engagement pris par le ministre envers les instances syndicales ne pouvait faire obstacle au droit de M. A à solliciter la prolongation de son affectation à Mayotte, le juge des référés s'est fondé sur les dispositions des articles 1 et 2 du décret du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats à Mayotte pour en déduire que l'affectation des fonctionnaires actifs des services de police nationale dans la collectivité de Mayotte n'est soumise à aucune limitation de durée ; que cependant, la durée maximale de séjour des personnels actifs de police nationale appelés à servir outre-mer, et notamment dans la collectivité de Mayotte, est fixée non par les dispositions du décret du 26 novembre 1996 mais par celles de l'article 28 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de police nationale ; que, par suite, le juge des référés a commis une erreur de droit en se fondant sur les seules dispositions du décret du 26 novembre 1996 pour en déduire qu'aucune limitation n'était imposée à la durée de l'affectation des fonctionnaires actifs des services de police nationale en service à Mayotte ; que la ministre de l'intérieur est recevable à invoquer ce moyen, né de l'ordonnance attaquée et qui n'est pas inopérant ; qu'il résulte de ce qui précède que la MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Mamoudzou du 4 août 2008 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande en référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant, d'une part, que l'article 28 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale dispose que, la durée maximale de séjour des personnels actifs de la police nationale appelés à servir outre-mer est fixée par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur, du ministre du budget et du ministre des départements et territoires d'outre mer et qu'une prolongation d'un an de la durée ainsi fixée, qui ne saurait constituer un droit pour les intéressés, peut être accordée à leur demande ; qu'en vertu de l'arrêté du 9 mai 1995 pris pour l'application de l'article 28 du décret, la durée de séjour des personnels actifs de la police nationale à Mayotte est fixée à deux ans ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 14 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : « Les fonctionnaires promus au grade de brigadier de police demeurent affectés, pendant une durée minimale de trois ans, dans la région et, en Ile-de-France, dans la zone de compétence de la commission administrative paritaire où ils sont nommés lors de leur promotion » ;
Considérant que M. A a été affecté à Mayotte en qualité de gardien de la paix pour une durée de 2 ans par un arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 6 juin 2006 ; que, par une décision du 7 mai 2008, le ministre a prononcé la promotion de M. A au grade de brigadier de police en le maintenant dans son emploi à Mayotte ; qu'il a ensuite rejeté par une décision du 14 mai 2008 la demande de l'intéressé formée le 7 mars 2008 pour la prolongation de son affectation à Mayotte ;
Considérant que les décisions du ministre dont M. A demande la suspension ont pour effet de le muter, à compter du 15 août 2008, de la collectivité de Mayotte à Rungis ; qu'eu égard aux droits qu'a pu créer la décision du ministre en date du 7 mai 2008 prononçant la promotion de M. A au grade de brigadier de police en le maintenant dans son emploi à Mayotte, le retour en métropole à l'issue du délai de deux ans fixé par la décision du 6 juin 2006 mutant M. A à Mayotte n'était plus normalement prévisible à compter de cette promotion ; que, dans ces conditions, au vu des conséquences matérielles et personnelles que comportent l'exécution des décisions contestées, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;
Considérant que le moyen tiré de l'illégalité du motif de refus opposé par les décisions attaquées à la demande de prolongation de M. A, lesquelles se fondent sur « l'engagement pris, entre le ministre et les instances syndicales de conditionner sa promotion au grade de brigadier de police au titre de l'année 2008 à son retour en métropole avant la fin de l'année 2008 », est de nature en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ;
Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de M. A de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'exécution des décisions de la MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, d'une part, du 14 mai 2008 refusant à M. A la prolongation de son affectation à Mayotte et, d'autre part, du 24 juin 2008 prononçant sa mutation de la direction de la police des frontières de Mayotte à Rungis, est suspendue.
Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à M. Sébastien A.