Vu le recours du MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE, enregistré le 27 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 16 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé, à la demande des consorts A, le jugement du 7 mai 2003 du tribunal administratif de Melun et a condamné l'Etat à verser à ces derniers la somme de 550.000 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts à compter du 17 septembre 1999, capitalisés à la date du 29 juillet 2003, en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de l'arrêté préfectoral du 21 novembre 1986, ainsi que la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel des consorts A.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu le décret n° 77-1295 du 25 novembre 1977 ;
Vu l'arrêté du 17 avril 1981 fixant la liste des espèces d'oiseaux protégées sur l'ensemble du territoire national ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Guihal, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat des consorts A,
- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour la protection d'un site de nidification de hérons cendrés, espèce protégée sur l'ensemble du territoire national par un arrêté interministériel du 17 avril 1981, le préfet de Seine-et-Marne, par un arrêté du 21 novembre 1986, a, sur une parcelle de 38 ha appartenant aux consorts A, d'une part, interdit tous travaux susceptibles de modifier l'état des lieux, en particulier, toute extraction de matériaux, d'autre part, soumis à autorisation les activités forestières, enfin réglementé l'exercice du droit de chasse ;
Considérant que les propriétaires ont demandé à l'administration réparation des préjudices qu'ils imputaient à cette décision ; qu'ils ont fait valoir, d'une part, qu'ils avaient conclu une convention pour l'exploitation d'une carrière de sable avec une entreprise qui s'est vu refuser l'autorisation d'ouverture pour un motif tiré des dispositions de l'arrêté de protection de biotope, d'autre part, qu'ils n'avaient pu trouver acquéreur de leur bois aux conditions auxquelles l'autorisation de coupe était subordonnée, enfin que la prolifération des lapins dégradait les plantations ; que les consorts A ont exercé, contre le refus d'indemnisation qui leur a été opposé par l'administration, un recours qui a été rejeté en première instance ; que par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a condamné l'Etat à les indemniser des conséquences dommageables résultant de l'interdiction d'ouverture d'une carrière et des restrictions d'exploitation de la peupleraie ; qu'elle a rejeté le surplus de leurs conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice causé par les restrictions à l'exercice du droit de chasse ainsi qu'à la compensation de la taxe foncière ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il résulte des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat que le silence d'une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en oeuvre ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer ; qu'ainsi, en l'absence même de dispositions de la loi du 10 juillet 1976 le prévoyant expressément, les sujétions imposées par un arrêté de protection de biotope peuvent donner lieu à indemnisation lorsque, excédant les aléas que comporte toute activité économique, le dommage qui en résulte revêt un caractère grave et spécial, et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés ;
Considérant que la cour administrative d'appel qui s'est bornée, pour allouer les dommages-intérêts demandés par les consorts A, à énoncer, d'une part, que les requérants avaient conclu une convention d'exploitation d'une sablière avec une entreprise dont la demande d'autorisation a été rejetée en considération de l'édiction de l'arrêté de protection de biotope, d'autre part, que l'autorisation d'exploitation forestière délivrée en 1987 était assortie de conditions qui n'avaient pas permis de trouver un acquéreur avant qu'elle ne devienne caduque et que les demandes ultérieures avaient été rejetées, n'a pas mis le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le caractère grave et spécial du dommage ; qu'ainsi son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il ne résulte de l'instruction ni que l'interdiction d'extraction de matériaux sur un fonds actuellement à usage agricole et sylvicole cause aux requérants un dommage certain au regard des aléas inhérents à l'ouverture d'une carrière, ni que les difficultés d'exploitation de la peupleraie et la prolifération des lapins résultent directement des conditions imposées par l'arrêté de protection de biotope ; qu'enfin, l'assujettissement de la propriété à la taxe foncière sur les propriétés non bâties est sans rapport avec son classement dans le périmètre de cet arrêté ; que, par suite, les consorts A ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun du 7 mai 2003, lequel n'est pas entaché d'irrégularité ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse aux consorts A la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 mai 2006 est annulé.
Article 2 : L'appel des consorts A contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 7 mai 2003 est rejeté.
Article 3 : Les conclusions des consorts A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et aux consorts A.