Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 et 30 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION STOPEOLE, dont le siège est Route de Longueil à Le Bourg Dun (76740), M. Denis G, demeurant ..., M. Jacques L, demeurant ..., M. ou Mme André P, demeurant ..., M. Jean-François Q, demeurant ..., M. ou mme Philippe O, demeurant ..., M. Eric H, demeurant ..., M. Romain B, demeurant ..., M. Philippe D, demeurant ..., M. Eric C, demeurant ..., M. Christian K, demeurant ..., M. Olivier M, demeurant ..., Mme Nathalie N, demeurant ..., M. Michel F, demeurant ..., M. Marc A, demeurant ..., M. Joseph E, demeurant ..., M. Charles I, demeurant ..., M. Fabien J, demeurant ... ; l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 1er octobre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a rejeté leurs demandes tendant à la suspension de l'exécution de cinq arrêtés du 18 décembre 2006 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a délivré respectivement, un permis de construire relatif à l'édification des éoliennes n° 6 et 7 au profit de la société Bourg Dun Energies, un permis de construire relatif à l'édification de l'éolienne n° 4 au profit de la société Energies des Longs Champs, un permis de construire relatif à l'édification de l'éolienne n° 3 au profit de la société Energies des Longs Champs, un permis de construire relatif à l'édification d'un poste électrique de livraison au profit de la société Bourg Dun Energies, enfin un permis de construire relatif à l'édification de l'éolienne n° 5 au profit de la société Bourg Dun Energies et, d'autre part, les a condamnés à verser à la société Bourg Dun Energies et à la société Energies des Longs Champs une somme de 1000 euros à chacune, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;
2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de faire droit à leurs demandes de suspension ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 2 mars 2008 présentée pour l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 4 mars 2008 présentée pour la société Energies des longs champs et la société Bourg Dun Energies ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Guihal, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blondel, avocat de l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Energies des longs champs et de la société Bourg Dun Energies,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blondel, avocat de l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Energies des longs champs et de la société Bourg Dun Energies,
Considérant que par une ordonnance unique en date du 1er octobre 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté les demandes de suspension de l'exécution de cinq arrêtés du 18 décembre 2006 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a délivré, d'une part à la société Bourg Dun Energies, trois permis de construire trois éoliennes et un poste électrique de livraison et, d'autre part à la société Energies des Longs Champs, deux permis de construire deux éoliennes, sur le territoire de la commune du Bourg Dun; que l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres se pourvoient en cassation contre cette ordonnance ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'association requérante a soulevé un moyen tiré de la violation par les décisions litigieuses des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que l'ordonnance attaquée ne comporte ni dans ses visas ni dans ses motifs l'analyse de ce moyen ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulée ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par l'ASSOCIATION STOPEOLE devant le tribunal administratif de Rouen ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que les demandes tendant à la suspension des permis de construire autorisant sur le territoire de la commune du Bourg Dun la construction respectivement de l'éolienne n° 3, de l'éolienne n° 4, de l'éolienne n° 5, des éoliennes n° 6 et 7, et enfin, de la construction d'un poste électrique destiné au parc éolien, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres, à l'appui de leur demande de suspension, font valoir, au titre des moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des arrêts litigieux, que les permis de construire délivrés l'ont été à partir de demandes déposées en mai 2004, distinctes de celles déposées en janvier 2006, qui ont fait l'objet d'une enquête publique ordonnée par un arrêté du 13 mars 2006, qui n'est d'ailleurs pas visée par les permis litigieux ; que les demandes de permis déposées en janvier 2006 n'ont pas le caractère de simples documents modificatifs mais constituent des demandes nouvelles au regard de celles déposées en mai 2004 ; que le préfet a dénaturé les conclusions du commissaire-enquêteur en les qualifiant de favorables ; que l'avis de la direction régionale des affaires archéologiques concerne les demandes de permis de construire déposées en 2004 et non celles déposées en 2006 ; que l'avis favorable de la direction générale de l'aviation civile est manifestement insuffisant ; que l'avis favorable du ministre de la défense, d'une part, est entaché d'erreur de fait et, d'autre part, de par son contenu même, interdisait au préfet de délivrer les permis de construire litigieux ; que l'avis favorable de la direction régionale et départementale de l'agriculture et de la forêt, antérieur aux nouvelles demandes de permis formulées en janvier 2006 et à l'arrêté du 13 mars 2006 ordonnant une enquête publique doit être réputé inexistant ; qu'il en va de même s'agissant de l'avis favorable du service départemental de l'architecture et du patrimoine dès lors qu'il est daté du 27 juillet 2005 ; que ce dernier avis est entaché d'erreur de fait concernant l'existence d'un monument inscrit sur la liste supplémentaire des monuments historiques et d'un site paysager classé ; que l'avis de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et l'environnement, également antérieur aux demandes de permis de construire de janvier 2006, amalgame des demandes de permis de construire distinctes et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'impact de la construction du parc éolien litigieux sur le paysage et l'environnement, dont la nature industrielle modifie la nature des espaces environnants, traditionnellement à vocation agricole ; qu'il a omis de se prononcer sur la réalisation du poste électrique ; que les avis favorables donnés par le maire du Bourg Dun doivent être réputés inexistants dès lors que d'autres communes ont émis un avis défavorable et que 50% de la population est opposée au projet ; que l'arrêté attaqué omet de viser l'avis motivé du sous-préfet de Dieppe ; que l'enquête publique n'a pas été menée avec la transparence requise ; que l'étude d'impact est insuffisante et stéréotypée, ignorant en particulier l'impact du projet sur la faune ; que les arrêtés attaqués méconnaissent les dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-21 du code de l'urbanisme eu égard aux dangers que le projet fait peser sur les personnes et à la dénaturation des paysages qu'il entraîne ; qu'ils violent enfin les dispositions de l'article L. 553-3 du code de l'environnement en tant qu'il ne font pas état de l'existence d'une caution bancaire destinée à garantir le démantèlement des installations en fin de vie ;
Considérant qu'en l'état de l'instruction, aucun des moyens invoqués par l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des arrêtés attaqués ; que, par suite, les conclusions de la requérante tendant à la suspension de ces décisions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Energies des Longs Champs et de la société Bourg Dun Energies et de mettre à la charge de l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres une somme de 1 000 euros au bénéfice de chacune de ces sociétés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Energies des Longs Champs et de la société Bourg Dun Energies qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que réclament au même titre l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 1er octobre 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est annulée.
Article 2 : Les demandes de suspension présentées par l'ASSOCIATION STOPEOLE et autres devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen sont rejetées.
Article 3 : L'ASSOCIATION STOPEOLE et autres verseront une somme de 1 000 euros à la société Energies des Longs Champs et une somme de 1 000 euros à la société Bourg Dun Energies.
Article 4: La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION STOPEOLE, premier requérant dénommé, à la Société Energies des Longs Champs, à la Société Bourg Dun Energies et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Les autres requérants seront informés de la présente décision par Me Blondel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.