Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juin et 16 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre Q, demeurant ... ; M. Q demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Bavay (Nord) ;
2°) d'annuler ces opérations électorales ;
3°) de mettre à la charge de M. Alain W et ses colistiers, le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Blazy, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Q et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. W et autres,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Q et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. W et autres ;
Considérant que M. Q fait appel du jugement du 15 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Bavay (Nord) et qui ont conduit à l'élection dès le premier tour de 21 candidats de la liste Pour Bavay avec vous dirigée par M. W et de six candidats de la liste Mieux gérer Bavay dirigée par M. X ;
Sur les griefs tirés de l'inéligibilité de certains candidats :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du douzième alinéa de l'article L. 231 du code électoral : Les agents salariés communaux ne peuvent être élus au conseil municipal de la commune qui les emploie ; que, d'une part, M. Q conteste l'éligibilité de Mme B, à raison de sa fonction de président de la coopérative de l'école et de l'Harmonie de Bavay, de M. Y à raison de sa fonction de président de l'association Ave Bagacum, de Mme K, à raison de sa fonction de président de l'association l'Ecole de danse de Bavay, de Mme V, à raison de sa fonction de président de l'association Travaux manuels au féminin, de Mme S, à raison de sa qualité d'épouse de M. Z, président de l'association Aquarelle Aqualine et de Mme M, à raison de ses responsabilités au sein de l'Harmonie de Bavay ; qu'il résulte cependant de l'instruction que ces associations, bien qu'elles bénéficient de la part de la commune de subventions et de la mise à disposition gratuite de locaux, n'ont pas, compte tenu de leur objet et de leur mode de fonctionnement, la nature de services de la commune ; que, par suite, les candidats dont s'agit, ne sont pas des agents salariés de la commune et ne tombent pas, du fait de leurs responsabilités dans ces associations, sous le coup de l'inégibilité édictée par les dispositions précitées de l'article L. 231 ; que, d'autre part, si M. Q conteste l'éligibilité de MM. E et AA à raison de leur emploi salarié au musée situé sur le territoire de la commune, il résulte de l'instruction que celui-ci est un établissement du département ; que, par suite, le grief tiré de ce que ces candidats ne pouvaient sans méconnaître les dispositions de l'article L. 231 être inscrits sur la liste menée par M. W ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 231 du code électoral : Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : (...) 6° (...) les entrepreneurs de services municipaux ; que M. Q soutient que deux candidats sur la liste de M. W seraient inéligibles à raison de leur implication dans les associations Les remparts et les randonneurs pédestres du Bavaisis qui seraient intervenues pour des travaux de réfection incombant à la commune ; que cependant, il résulte de l'instruction que ces candidats n'ont perçu aucune rétribution directe ou indirecte pour exercer leurs fonctions dans ces associations qui, au demeurant, n'ont prêté à la commune qu'un concours ponctuel ; qu'ils ne peuvent donc être regardés comme ayant été, à ce titre, entrepreneurs de services municipaux au sens des dispositions précitées ;
Sur le grief tiré de manoeuvres dans la constitution de la liste dirigée par M. W :
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que certaines candidates inscrites sur cette liste exerceraient des responsabilités dans des associations implantées sur le territoire de la commune et bénéficiant d'aides de cette dernière, ne révèle l'existence d'aucune manoeuvre du maire dans la constitution de cette liste ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. Q n'établit pas que la lettre qui lui a été adressée le 5 février 2008 par le maire sortant et candidat à sa réélection, l'ait, à elle seule, empêché de constituer une liste en vue des élections contestées ; qu'il n'établit pas qu'elle ait été rendue publique et dès lors ait été de nature à constituer une pression pour dissuader des habitants de Bavay de se porter candidats sur la liste qu'il souhaitait constituer en vue des élections contestées ;
Sur le grief relatif aux abus de la propagande électorale :
Considérant, en premier lieu, que si M. Q invoque la distribution d'un tract dans la nuit du 8 au 9 mars 2008, il n'apporte aucun élément de nature à prouver la réalité de cette distribution ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. Q soutient que la liste de M. W a utilisé pour sa campagne les moyens de la commune, et notamment le site Internet de celle-ci, le seul document qu'il produit n'est pas de nature à établir la réalité de cette allégation ;
Considérant, en dernier lieu, que le grief tiré de ce que, compte tenu de la candidature de M. W aux élections cantonales et municipales, la propagande qu'il a effectuée dans le cadre de la campagne relative aux élections cantonales aurait été de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin municipal, n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur le déroulement des opérations électorales :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 43 du code électoral : Les bureaux de vote sont présidés par les maires, adjoints et conseillers municipaux dans l'ordre du tableau. A leur défaut, les présidents sont désignés par le maire parmi les électeurs de la commune. (...) ; qu'aux termes de l'article R. 44 du même code : Les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : / - Chaque candidat ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; / - Des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l'ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. (...) ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. Q n'établit pas que M. W, qui présidait un bureau de vote comme l'y obligeaient les dispositions de l'article R. 43 du code électoral précité, ait exercé des pressions sur les électeurs ;
Considérant, en second lieu, que M. Q n'établit pas que la circonstance que la liste menée par M. X n'ait pas désigné dans tous les bureaux des assesseurs, comme elle en avait la simple faculté en application des disposions précitées de l'article R. 44 du code électoral, ait été de nature à vicier la régularité des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 dans la commune de Bavay ;
Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que M. Q n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 15 mai 2008, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Bavay (Nord) ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. W et des vingt autres membres élus de sa liste, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. Q au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. Q le versement à M. W et aux vingt autres membres élus de sa liste d'une somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. Q est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. W et des autres membres élus de sa liste tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre Q et à M. Alain W.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.