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20/05/2009 | FRANCE | N°317098

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 20 mai 2009, 317098


Vu le pourvoi, enregistré le 12 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DÉFENSE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 26 mai 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a, d'une part, suspendu l'exécution de sa décision du 6 décembre 2007 rejetant la candidature de M. Lyacinne A aux fonctions de sous-officier de gendarmerie et lui a, d'autre part, enjoint d'admettre M. A dans

une école de sous-officier de gendarmerie avant l'expiration du ...

Vu le pourvoi, enregistré le 12 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DÉFENSE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 26 mai 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a, d'une part, suspendu l'exécution de sa décision du 6 décembre 2007 rejetant la candidature de M. Lyacinne A aux fonctions de sous-officier de gendarmerie et lui a, d'autre part, enjoint d'admettre M. A dans une école de sous-officier de gendarmerie avant l'expiration du délai de validité de des épreuves de sélection réussies par l'intéressé ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par M. A à l'encontre de sa décision du 6 décembre 2007 rejetant la candidature de M. A aux fonctions de sous-officier de gendarmerie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alban de Nervaux, Auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier que M. A, gendarme adjoint volontaire, s'est présenté aux épreuves de sélection à l'entrée en école de sous-officiers de la gendarmerie nationale ; qu'il a satisfait aux épreuves de connaissance générale ainsi qu'à l'épreuve physique et à l'enquête de moralité ; qu'ainsi que le prévoit l'instruction ministérielle du 24 mai 2002, M. A a ensuite passé un entretien avec un psychologue ; que sur le fondement d'un avis défavorable du psychologue, le MINISTRE DE LA DEFENSE a rejeté sa candidature par une décision du 6 décembre 2007 et a, par conséquent, refusé de l'admettre dans une école de sous-officiers en dépit de sa réussite aux épreuves d'admission ; que saisi par M. A, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, par une ordonnance du 26 mai 2008, suspendu ce refus et enjoint au ministre d'admettre M. A dans une école de sous-officiers de la gendarmerie nationale avant l'expiration du délai de validité des épreuves ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance attaquée en tant que le juge des référés a fait droit à la demande de suspension formée par M. A :

Considérant, d'une part, que, pour estimer qu'une situation d'urgence était constituée, le juge des référés a relevé, sans dénaturer les pièces du dossier, que la décision rejetant la candidature de M. A aux fonctions de sous-officier de gendarmerie a pour effet de faire obstacle à ce que M. A soit intégré dans une école de sous-officiers aux fins d'y poursuivre sa formation, alors qu'il a passé avec succès les épreuves d'admission et que lesrésultats de celle-ci ont une durée de validité limitée ;

Considérant, d'autre part, que le juge des référés a pu relever, sans commettre d'erreur de droit, que dès lors que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'a pas communiqué au requérant le rapport d'entretien entre ce dernier et un psychologue, sur lequel il s'est fondé pour prendre sa décision, ni produit ce rapport, dont le requérant a autorisé la communication, devant le juge , le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation est susceptible de faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle fait droit à la demande de suspension formée par M. A ; que ses conclusions dirigées contre l'ordonnance doivent, dans cette mesure, être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance attaquée en tant que le juge des référés a enjoint au ministre d'admettre M. A dans une école de sous-officiers de la gendarmerie nationale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. ; qu'aux termes de l'article L. 911-1 de ce code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que si, dans le cas où les conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative sont remplies, le juge des référés peut suspendre l'exécution d'une décision administrative, même de rejet, et assortir cette suspension d'une injonction, s'il est saisi de conclusions en ce sens, ou de l'indication des obligations qui en découleront pour l'administration, les mesures qu'il prescrit ainsi doivent présenter un caractère provisoire ; qu'il suit de là que le juge des référés ne peut, sans excéder sa compétence, ni prononcer l'annulation d'une décision administrative, ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant une telle décision ;

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a enjoint au ministre de la défense d'admettre M. A dans une école de sous-officiers de la gendarmerie nationale ; que le juge n'ayant pas donné à son injonction un caractère provisoire dans l'attente de l'intervention du jugement au fond, il a ainsi méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de justice administrative et par conséquent commis une erreur de droit ; que dès lors l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 26 mai 2008 doit être annulée en tant qu'elle enjoint au MINISTRE DE LA DEFENSE d'admettre M. A dans une école de sous-officiers de la gendarmerie ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant qu'eu égard à ses motifs, la suspension prononcée par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de la décision du ministre de la défense du 6 décembre 2007 refusant d'admettre M. A dans une école de sous-officiers de gendarmerie, implique nécessairement, en l'état de l'instruction, que l'intéressé soit admis provisoirement dans cette école, dans l'attente de l'intervention de la décision du juge sur le fond du litige, afin de préserver, à titre conservatoire, les droits qu'il tient de sa réussite aux épreuves d'admission dont les résultats ont une durée de validité limitée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au MINISTRE DE LA DEFENSE de prononcer à titre provisoire et conservatoire cette admission ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du 26 mai 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au MINISTRE DE LA DEFENSE d'admettre M. A dans une école de sous-officiers de gendarmerie dans l'attente de l'intervention du jugement du tribunal administratif de Montpellier sur son recours pour excès de pouvoir formé contre la décision du 6 décembre 2007.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Lyacine A et au MINISTRE DE LA DÉFENSE.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 317098
Date de la décision : 20/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-035-02-04 PROCÉDURE. PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART. L. 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. - POUVOIRS DU JUGE - INCLUSION - PRONONCÉ D'UNE INJONCTION - CONDITION - MESURE DEVANT PRÉSENTER UN CARACTÈRE PROVISOIRE [RJ1] - EXISTENCE - INJONCTION D'ADMETTRE LE REQUÉRANT DANS UNE ÉCOLE DE SERVICE PUBLIC À TITRE PROVISOIRE, JUSQU'À L'INTERVENTION DU JUGEMENT AU FOND [RJ2].

54-035-02-04 Si, dans le cas où les conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA) sont remplies, le juge des référés peut suspendre l'exécution d'une décision administrative, même de rejet, et assortir cette suspension d'une injonction, s'il est saisi de conclusions en ce sens, ou de l'indication des obligations qui en découleront pour l'administration, les mesures qu'il prescrit ainsi doivent, conformément à l'article L. 511-1 du CJA, présenter un caractère provisoire. Il suit de là que le juge des référés ne peut, sans excéder sa compétence, ni prononcer l'annulation d'une décision administrative, ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant une telle décision. Juge des référés ayant suspendu une décision ministérielle refusant l'admission dans une école de la gendarmerie nationale. En enjoignant au ministre d'admettre l'intéressé dans une telle école sans donner à son injonction un caractère provisoire, le juge des référés méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du CJA. Il y a lieu, en revanche, au titre du règlement de l'affaire, d'enjoindre au ministre de prononcer cette admission à titre provisoire, dans l'attente de l'intervention du jugement au fond.


Références :

[RJ1]

Cf. 13 février 2006, Commune de Fontenay-le-Comte, n° 285184, T. p. 1015 ;

9 juillet 2001, Min. c/ Le Berre, n° 232818, T. p. 1121.

Rappr. JRCE, 24 janvier 2001, Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis, n° 229501, p. 37., ,

[RJ2]

Cf., pour une injonction de délivrer une autorisation provisoire d'installation à un chirurgien-dentiste, Section, 28 février 2001, Philippart et Lesage, n°s 230112-230520, p. 111.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 2009, n° 317098
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Alban de Nervaux
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:317098.20090520
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