Vu le pourvoi, enregistré le 28 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le DEPARTEMENT DU VAR, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DU VAR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 11 juillet 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Vortex, annulé la procédure de passation du marché réseau départemental des transports publics - transport des élèves et étudiants handicapés et lui a enjoint de reprendre la procédure ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Vortex ;
3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la société Vortex au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du DÉPARTEMENT DU VAR et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Vortex,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat du DÉPARTEMENT DU VAR et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Vortex ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...). / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours (...) ; qu'en application de ces dispositions, il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que par avis publié au Journal officiel de l'Union européenne et au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 2 février 2008, le DEPARTEMENT DU VAR a fait appel à la concurrence en vue de la passation d'un marché relatif à des prestations de desserte d'établissements d'enseignement au bénéfice d'élèves et d'étudiants handicapés ; que l'avis distinguait 19 lots constitués par secteurs géographiques ; que pour chaque trajet, un type de véhicule était indiqué ; que le bordereau de prix faisait toutefois apparaître chaque fois plusieurs types de véhicules ; que l'article 7.1.1.2. du règlement de la consultation indiquait à cet effet que les entreprises pouvaient soit remplir l'ensemble du bordereau des prix, soit, si elles ne disposaient pas de l'ensemble des véhicules, le prix pour le seul véhicule spécifié correspondant aux prestations indiquées dans l'état prévisionnel de service ; qu'aux termes de l'article 9 de ce règlement : en cas d'égalité de prix sur un même lot, le pouvoir adjudicateur se réserve la possibilité de comparer les offres des candidats sur la base d'un nouveau cadre estimatif intégrant l'ensemble des prix mentionnés dans le bordereau des prix unitaires ;
Considérant que la société Vortex avait présenté des offres pour l'ensemble des lots du marché en remplissant le bordereau s'agissant du seul véhicule indiqué par le pouvoir adjudicateur pour chaque lot ; que ce dernier lui a cependant demandé si le prix indiqué était également valable pour l'utilisation d'autres véhicules ; que la société a apporté des éléments de réponse qui avaient pour effet, pour quatorze des dix-sept lots concernés, d'ajouter à l'offre de nouveaux prix ; que le DEPARTEMENT DU VAR a alors informé la société Vortex du rejet de ses offres, au motif qu'elles n'étaient pas les plus avantageuses pour les lots 1, 15 et 16, et qu'elles étaient irrégulières pour les autres ;
Considérant que, sur référé précontractuel introduit par la société Vortex en application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a annulé la procédure litigieuse par une ordonnance du 11 juillet 2008 ; que le DEPARTEMENT DU VAR se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'après avoir relevé que les offres initialement présentées par la société Vortex devaient être regardées comme régulières et que la collectivité ne pouvait faire en sorte qu'au terme de sa demande de précision, un candidat soit conduit à présenter une offre irrégulière, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a jugé que le DEPARTEMENT DU VAR ne pouvait rejeter les offres de la société Vortex pour irrégularité sans lui demander si, après demande de précisions, elle n'entendait pas les maintenir et qu'en s'abstenant de le faire, cette collectivité avait méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'en statuant ainsi, alors que le pouvoir adjudicateur n'est jamais tenu d'inviter un candidat à régulariser son offre, quand bien même il serait allégué que l'irrégularité de l'offre résulterait d'une demande de précision formulée par le pouvoir adjudicateur, le juge des référés a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler l'ordonnance attaquée ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande en référé ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'article 7.1.1.2. du règlement de la consultation que le candidat pouvait, à son choix , soit renseigner l'ensemble du bordereau des prix portant sur l'intégralité de la gamme des véhicules de transport, soit, s'il ne disposait pas de l'ensemble des véhicules référencés, les prix des prestations indiquées dans l'état prévisionnel des services ; que devait être retenue, en application de l'article 9 de ce règlement, l'offre du candidat moins-disant ; que toutefois, alors qu'un candidat pouvait donc régulièrement proposer pour chaque lot une offre de transports sans disposer de toute la gamme des véhicules référencés, le même article 9 prévoyait qu'en cas d'équivalence du montant des offres, le pouvoir adjudicateur les départagerait en prenant en compte chaque prix unitaire du bordereau des prix , laissant ainsi supposer que ce départage se ferait sur la base des prix proposés pour la gamme complète des véhicules référencés ; que ces incertitudes voire contradictions affectant les critères de sélection des offres ont constitué un manquement, par le pouvoir adjudicateur, à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, lequel était susceptible, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, de léser la société VORTEX ; qu'il suit de là que la procédure doit être annulée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par le DEPARTEMENT DU VAR au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la société Vortex qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge du département une somme de 3 000 euros qui sera versée à la société Vortex ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 11 juillet 2008 du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : La procédure engagée par le DEPARTEMENT DU VAR pour l'achat de prestations de transports d'élèves et d'étudiants handicapés est annulée.
Article 3 : Le DEPARTEMENT DU VAR versera à la société Vortex une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par cette société et non compris dans les dépens.
Article 4 : Les conclusions présentées par le DEPARTEMENT DU VAR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DU VAR et à la société Vortex.