Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés le 24 décembre 2008 et 8 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS, dont le siège est 291 boulevard Raspail à Paris (75014) ; la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 10 décembre 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application de l'article L. 551-2 du code de justice administrative, lui a enjoint, si elle entend attribuer les marchés litigieux, de reprendre intégralement la procédure de passation lancée le 4 avril 2008 en vue de l'attribution de marchés de services ayant pour objet des prestations de sûreté aéroportuaire pour ses plateformes de Paris Charles-de-Gaulle et Paris-Orly, en se conformant aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et aux principes régissant la publicité et la mise en concurrence ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Brink's ;
3°) de mettre à la charge de la société Brink's le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 ;
Vu l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;
Vu le décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005, ensemble le cahier des charges de la société Aéroports de Paris et les statuts de la société annexés au décret ;
Vu le décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la société Brink's security services,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS et à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la société Brink's security services ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité ou de mise en concurrence auxquelles sont soumis les marchés mentionnés au 2° de l'article 33 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. Le juge ne peut statuer, avant la conclusion du contrat, que dans les conditions définies ci-après./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement. / Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations. Il détermine les délais dans lesquels l'auteur du manquement doit s'exécuter. Il peut aussi prononcer une astreinte provisoire courant à l'expiration des délais impartis. Il peut toutefois prendre en considération les conséquences probables de cette dernière mesure pour tous les intérêts susceptibles d'être atteints, notamment l'intérêt public, et décider de ne pas l'accorder lorsque ses conséquences négatives pourraient dépasser ses avantages. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours (...) ; qu'en application de ces dispositions, il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi sur le fondement de l'article L. 551-2 du code de justice administrative, que la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS, par un avis de publicité envoyé le 4 avril 2008 en vue de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne, a engagé une procédure de passation d'un marché relatif à des prestations d'inspection et de filtrage des passagers, des personnels et des bagages pour les sites aéroportuaires d'Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle ; que la société Brink's, dont une partie des offres a été rejetée, a saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris d'une demande fondée sur l'article L. 551-2 précité ; que ce magistrat a dans un premier temps, par une ordonnance du 24 novembre 2008, enjoint à la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS de surseoir à la signature du marché envisagé ; que le marché a cependant été signé par l'exploitant le 25 novembre 2008, en méconnaissance de l'injonction du juge des référés de surseoir à la signature du marché ; que par l'ordonnance attaquée du 10 décembre 2008, le juge des référés précontractuels a enjoint à la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS, si elle entendait attribuer les marchés litigieux, de reprendre intégralement la procédure de passation ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 6 juin 2005 susvisée relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, prise notamment pour la transposition des directives du 21 décembre 1989 relative aux recours et du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux : les entités adjudicatrices soumises à la présente ordonnance sont : (...) 2° les entreprises publiques qui exercent une des activités d'opérateur de réseaux énumérées à l'article 26. / Est une entreprise publique au sens de la présente ordonnance tout organisme doté de la personnalité juridique qui exerce des activités de production ou de commercialisation de biens ou de services marchands et sur lequel un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance exercent, directement ou indirectement, une influence dominante en raison de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent ; qu'aux termes de l'article 26 de la même ordonnance : sont soumises aux dispositions du présent chapitre les activités d'opérateur de réseaux suivantes lorsqu'elles sont exercées par une entité adjudicatrice : (...) 4° les achats destinés à l'organisation ou à la mise à la disposition des transporteurs des aéroports, des ports maritimes ou des ports fluviaux ; qu'aux termes de l'article 7 des statuts de la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS annexés au décret du 20 juillet 2005 susvisé Les modifications du capital ne peuvent avoir pour effet de faire perdre à l'Etat la majorité du capital social ; qu'il résulte de ces dispositions que la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS constitue une entité adjudicatrice au sens de l'article 4 de l'ordonnance ;
Considérant que les entités adjudicatrices ainsi définies, dont fait partie la SOCIETE AEROPORT DE PARIS, sont soumises à des règles de passation de leurs contrats en application des articles 10 et suivants de l'ordonnance du 6 juin 2005 ; qu'aux termes de l'article 33 de cette ordonnance, applicable aux entités adjudicatrices pour leurs besoins relatifs aux activités d'opérateurs de réseau en vue de l'organisation ou de la mise à disposition des transporteurs des aéroports en vertu des dispositions combinées des articles 25 et 26 : En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence (...) 2° Lorsque ces marchés sont des contrats administratifs, l'article L. 551-2 du code de justice administrative est applicable ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'aviation civile : La police des aérodromes et des installations aéronautiques (...) est assurée, sous réserve des pouvoirs de l'autorité militaire (...) par le préfet qui exerce à cet effet dans leur emprise, les pouvoirs impartis au maire par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. ; qu'aux termes de l'article L. 251-2 : (...) un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes mentionnés au premier alinéa et exécute, sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, les mission de police administrative qui lui incombent./ Ce cahier des charges définit également les modalités : (...) - du contrôle par l'Etat des contrats par lesquels Aéroports de Paris délègue à des tiers l'exécution de certaines des missions mentionnés au troisième alinéa ; qu'aux termes de l'article L. 282-8 : En vue d'assurer préventivement la sûreté des vols, tant en régime intérieur qu'international, d'une part les officiers de police judiciaire ainsi que, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du code de procédure pénale et, d'autre part, les agents des douanes, peuvent procéder à la fouille et à la visite par tous moyens appropriés des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules pénétrant ou se trouvant dans les zones non librement accessibles au public des aérodromes et de leurs dépendances, ou sortant de celles-ci. / Sont également habilités à procéder à ces fouilles et visites, sous le contrôle des officiers de police judiciaire ou des agents des douanes, les agents de nationalité française ou ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne désignés par les entreprises de transport aérien, les exploitants d'aérodromes ou les entreprises qui leur sont liées par contrat. Ces agents doivent être préalablement agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République. Ils ne procèdent à la fouille des bagages à main qu'avec le consentement de leur propriétaire et à des palpations de sécurité qu'avec le consentement de la personne. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être faite par une personne du même sexe que la personne qui en fait l'objet. ; qu'enfin aux termes de l'article R. 213-1-1 Les exploitants des aérodromes (...) sont tenus : - de mettre en oeuvre un service d'inspection filtrage des passagers et des bagages de cabine (...) - de mettre en oeuvre un service d'inspection filtrage des bagages de soute ; (...) - de mettre en oeuvre un service d'inspection filtrage des personnes, biens, produits et véhicules pénétrant dans la zone réservée (...) ; qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions que la mission d'inspection et de filtrage des passagers, des personnels et des bagages exécutée par les cocontractants des exploitants d'aéroports, est réalisée pour le compte de l'Etat et sous son autorité dans le cadre de son activité de police administrative des aérodromes et des installations portuaires ; qu'il en résulte que les contrats par lesquels les exploitants d'aérodromes confient à des sociétés, dans le cadre fixé par le législateur, l'exécution des missions de police relevant de l'article L. 213-2 du code de l'aviation civile sont des contrats de droit public et que le contentieux relatif aux manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence constatés lors de leur passation relève, en vertu des dispositions précitées de l'ordonnance du 6 juin 2005, du juge des référés du tribunal administratif saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-2 ; qu'ainsi la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif de Paris n'était pas compétent pour se prononcer sur la demande de la société Brink's ;
Sur le non-lieu :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le contrat litigieux a été signé le 25 novembre 2008, nonobstant la notification à la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS, le 24 novembre 2008, d'une ordonnance du même jour lui enjoignant de surseoir à la signature du contrat ; qu'il résulte des termes de l'article L. 551-2 précité que si la signature du contrat en méconnaissance de l'injonction de suspension l'entache d'une irrégularité susceptible d'être invoquée par un candidat évincé, devant le juge du contrat, elle prive cependant de son office le juge des référés précontractuels ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a plus lieu de statuer sur le pourvoi de la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Brink's la somme de 3 000 euros demandée par la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette société une somme de 3 000 euros qui sera versée à la société Brink's au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur le pourvoi de la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS.
Article 2 : La SOCIETE AEROPORTS DE PARIS versera à la société Brink's Security Services une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AEROPORTS DE PARIS et à la société Brink's security services.