Vu 1°), sous le n° 320088, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 août 2008 et 10 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 8 août 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société à responsabilité limitée Vortex, annulé la procédure de passation du marché relatif au transport des élèves et étudiants handicapés dans le secteur " Cannes Grasse " ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Vortex ;
3°) de mettre la somme de 6 000 euros à la charge de la société Vortex en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 320544, la requête, enregistrée le 10 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES, représentée par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES demande au Conseil d'Etat de surseoir à l'exécution de l'ordonnance du 8 août 2008 du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Nice ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Vortex,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat du DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Vortex ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...) / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. (...) / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours (...) " ; qu'en application de ces dispositions, il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que par avis paru au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 2 mai 2008, et au Journal officiel de l'Union européenne le 3 mai 2008, le DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES a fait appel à la concurrence en vue de la passation d'un marché de prestation de transport d'élèves et d'étudiants handicapés entre leurs domiciles et les établissements d'enseignement pour le secteur " Cannes-Grasse " ; que la société Vortex a été informée par courrier daté du 15 juillet 2008 que sa candidature était irrecevable ; que sur référé précontractuel introduit par cette société, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a annulé la procédure par une ordonnance du 8 août 2008 ; que le DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
Sur les conclusions aux fins de non-lieu :
Considérant que par une décision du 23 mars 2009, le DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES a déclaré sans suite la procédure d'appel d'offres lancée le 15 octobre 2008 en vue de la passation d'un marché de transport d'élèves et d'étudiants handicapés ; que cette procédure est distincte de celle ayant donné lieu à l'ordonnance attaquée ; qu'il suit de là que la société Vortex n'est pas fondée à soutenir que le pourvoi aurait perdu son objet ; que ses conclusions aux fins de non-lieu doivent dès lors être rejetées ;
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
Considérant que pour annuler la procédure litigieuse, le juge des référés a relevé que l'information portée aux rubriques II.1.3. et II.1.4. de l'avis d'appel d'offres selon laquelle l'avis impliquait un accord cadre conclu avec un seul opérateur était contradictoire avec celle figurant à l'article 1.2. du cahier des clauses administratives particulière, faisant apparaître le contrat comme un marché à bons de commandes ; qu'en statuant ainsi, alors que les marchés à bons de commandes doivent être regardés comme des accords-cadres au sens du droit communautaire, le juge a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; qu'au surplus, en annulant la procédure pour ce motif, sans rechercher si le manquement qu'il a cru pouvoir relever avait lésé la société Vortex ou était susceptible de la léser eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, le juge a commis une autre erreur de droit, sans que la société Vortex puisse utilement soulever l'irrecevabilité de ce moyen né de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant que la société Vortex soutient en premier lieu que le DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES aurait fourni aux candidats potentiels des informations contradictoires en présentant le marché simultanément comme un accord-cadre et comme un marché à bons de commandes ; qu'ainsi qu'il a été dit, les marchés à bons de commande doivent être regardés comme des accords-cadres au sens du droit communautaire ; qu'il suit de là que le moyen doit être écarté ;
Considérant que la société soutient en deuxième lieu, d'une part que les documents de consultation ne font pas apparaître la date prévisionnelle de notification du marché, d'autre part que l'avis n'est pas suffisamment clair en indiquant au titre de la date de début des prestations " rentrée scolaire 2008-2009 " ; que la société n'établit pas, cependant, en quoi ces manquements allégués de la personne publique à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, l'auraient lésée ou auraient été susceptibles de la léser eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent ; qu'il y a lieu dès lors d'écarter ces moyens ;
Considérant que la société Vortex soutient en troisième lieu que le département aurait méconnu les dispositions de l'article 80 du code des marchés publics aux termes duquel " pour les marchés et accords-cadres passés selon une des procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur avise, dès qu'il a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, tous les autres candidats du rejet de leurs candidatures ou de leurs offres, en indiquant les motifs de ce rejet " ; qu'il résulte de l'instruction que le pouvoir adjudicateur a en l'espèce informé la société que son offre avait été écartée au motif que sa candidature était irrecevable ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle information, à supposer même qu'elle ne puisse être regardée comme suffisante au regard des exigences de l'article 80 du code des marchés publics précité, n'ait pas permis en l'espèce à la société requérante, quels que soient par ailleurs ses droits au regard de l'article 83 du code des marchés publics, de contester utilement la décision de rejet qui lui était opposée ;
Considérant que la société Vortex soutient en quatrième lieu que le DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES aurait méconnu le principe de transparence faute de répondre à ses questions sur la méthode de notation et de hiérarchisation des offres au regard des sous-critères ; qu'ainsi qu'il a été dit, la candidature de la société Vortex a été rejetée comme irrecevable ; que par conséquent, un défaut d'information de la société sur la méthode de notation et de hiérarchisation des offres, à le supposer établi, n'était pas, eu égard au stade de la procédure auquel il se rapporte, susceptible de la léser ; qu'il suit de là que le moyen doit être écarté ;
Considérant que la société soutient enfin que l'enveloppe contenant son offre aurait été ouverte nonobstant le rejet de sa candidature, en méconnaissance des dispositions de l'article 58 du code des marchés publics ; que la société n'apporte cependant aucun élément permettant de créer, en tout état de cause, une présomption sérieuse à cet égard ; qu'en outre, eu égard au stade de la procédure auquel il se rapporte, ce manquement, à le supposer établi, n'était pas susceptible de léser la société Vortex ; qu'il suit de là que le moyen doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande introduite par la société Vortex devant le juge des référés précontractuels ;
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de l'ordonnance du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Nice :
Considérant que l'intervention d'une décision d'annulation de l'ordonnance attaquée rend sans objet la requête aux fins de sursis à exécution de l'ordonnance ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que la somme de 5 000 euros demandée par la société Vortex soit mise à la charge du DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Vortex une somme de 5 000 euros qui sera versée au DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 8 août 2008 du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : La demande en référé précontractuel de la société Vortex devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice, ses conclusions aux fins de non-lieu et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES.
Article 4 : La société Vortex versera au DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DES ALPES MARITIMES et à la société à responsabilité limitée Vortex.