Vu la requête, enregistrée le 12 août 2009, au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par Mme Roushon A, élisant domicile ..., et M. Aman B, demeurant ... ; Mme A et M. B demandent au juge des référés du Conseil d'État :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 21 mai 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 26 novembre 2007 du consul adjoint de France à Dacca (Bangladesh) refusant la délivrance d'un visa long séjour à Mme A en qualité de conjointe de refugié statutaire ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration et du développement solidaire de délivrer à Mme A le visa sollicité dans un délai de 8 jours suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent qu'il y a urgence dès lors qu'ils sont séparés depuis plus de six ans ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet celle-ci est insuffisamment motivée dès lors, d'une part, qu'elle méconnaît les dispositions des articles L. 211-2 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, que sa formulation est laconique et stéréotypée ; qu'elle a été rendue au terme d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors, d'une part, que l'acte de mariage présenté par Mme A est authentique et, d'autre part, que la sincérité des liens conjugaux entre les requérants ne peut être contestée ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée à leur droit à mener une vie privée et familiale normale ; qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ainsi que les articles 8 et 13 de la directive 2003/861/CE du 22 septembre 2003 qui consacrent une protection du droit à mener une vie familiale normale des réfugiés ;
Vu la copie du recours présenté le 17 janvier 2008 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu la copie de la requête en annulation présentée par Mme Roushon A et M. Anam B ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2009, présenté par le ministre de l'immigration de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction dès lors qu'elles excèdent les compétences du juge des référés ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que les actes produits sont apocryphes ; que l'insuffisance de motivation de la décision contestée ne saurait être soulevée dès lors que, d'une part, l'autorité consulaire avait suffisamment motivé ladite décision et que, d'autre part, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France intervenue le 21 mai 2009 s'est substituée à la décision des autorités consulaires à Dacca ; que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que ni le lien matrimonial entre M. et Mme B, ni l'identité de Mme A ne sont établis, les actes produits étant le résultat d'une manipulation frauduleuse ; que le moyen tiré de la non conformité de la décision contestée avec la directive communautaire n° 2003/86/CE doit également être écarté dès lors que ladite directive a été intégralement transposée dans le droit national ; que Mme A ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 314-11, huitième alinéa, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les requérants ne sauraient se prévaloir ni des dispositions de la convention de Genève du 28 juillet 1951, ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme dès lors que les actes d'état civil n'ont pas permis d'établir l'existence entre eux d'un lien matrimonial et de relations affectives régulières ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 septembre 2009, présenté par M. B et Mme A, qui reprennent les conclusions de leur requête et les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que l'avocat chargé par l'ambassade de l'authentification des actes produits dans le cadre de la procédure de demande de visas n'a pas compétence pour ce faire et ne justifie pas des diligences prétendument accomplies ; qu'il s'ensuit qu'aucun élément sérieux ne permet de remettre en cause le lien familial des requérants ; qu'il appartient en outre à l'administration d'apporter la preuve de ses allégations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2003/861/CE du 22 septembre 2003 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Roushon A et M. Anam B et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 25 septembre 2009 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Boucard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;
- M. Anam B, le requérant ;
- la représentante des requérants ;
- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que M. B s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision en date du 6 décembre 2004 ; qu'il a demandé à bénéficier de la procédure des familles rejoignantes pour son épouse, ses deux enfants étant décédés accidentellement ; que le visa sollicité par Mme A a été refusé par l'autorité consulaire au motif que les documents d'état-civil produits à l'appui de cette demande étaient dépourvus de caractère authentique et que ni l'identité de Mme A ni ses liens avec M. B n'étaient établis ; que toutefois, le moyen tiré par les requérants de ce que la contestation par les autorités consulaires françaises au Bangladesh de l'authenticité des documents d'état civil qu'ils ont produits reposerait sur la simple affirmation dépourvue de tout élément de preuve d'un cabinet d'avocats mandaté par l'ambassade paraît, en l'état de l'instruction, compte tenu des autres documents figurant au dossier et en particulier du passeport de Mme A et du certificat de mariage tenant lieu d'acte d'état civil établi par l'OFPRA en faveur de M. B, propre à faire douter de la légalité du refus de visa contesté ; qu'eu égard au délai écoulé depuis l'entrée en France de M. B, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ; que par suite, Mme A et M. B sont fondés à demander la suspension de l'exécution de la décision contestée ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, rejetant le recours de Mme A et de M. B est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de long séjour présentée par Mme A dans les trente jours suivant la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A et à M. B la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Roushon A, à M. Aman B et au ministre de l'immigration de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.