Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 décembre 2008 et 31 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ALIS, dont le siège est Le Haut Croth à Bourg-Achard (27310) ; la SOCIETE ALIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 16 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, ordonné une expertise afin d'apprécier et de chiffrer les préjudices subis par les consorts A du fait d'opérations de remembrement et de la proximité de l'autoroute A 28 de leur propriété et a, d'autre part, rejeté son appel incident tendant à l'annulation du jugement du 6 novembre 2007 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il l'a condamnée à verser aux consorts A la somme de 30 000 euros en réparation de ces préjudices ;
2°) de mettre à la charge des consorts A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Delion, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SOCIETE ALIS et de Me Foussard, avocat de M. Jacques A et autres,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SOCIETE ALIS et à Me Foussard, avocat de M. Jacques A et autres,
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les consorts A sont propriétaires en indivision d'un ensemble immobilier dit La Chapelle Montgenouil , situé sur le territoire des communes de Gacé et de Coulmer (Orne), comprenant notamment une maison de caractère et deux petits pavillons datant du XVIIème siècle, un ancien presbytère, une parcelle boisée et une exploitation agricole dotée d'un corps de ferme et de terres d'une superficie d'environ quarante hectares ; que, par un jugement du 6 novembre 2007, le tribunal administratif de Caen a condamné la SOCIETE AUTOROUTE DE LIAISON SEINE SARTHE (ALIS) à leur verser une somme de 30 000 euros en réparation de la perte de valeur vénale subie par leurs terres et bâtiments d'exploitation à la suite des opérations de remembrement menées dans ces communes pour permettre la construction de l'autoroute A 28 ; que, saisie en appel de ce jugement par les consorts A qui demandaient à être indemnisés de la perte de valeur vénale de l'ensemble de leur propriété, la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 16 octobre 2008, a ordonné une expertise contradictoire afin de chiffrer leurs préjudices ; que la SOCIETE ALIS se pourvoit en cassation contre cet arrêt par lequel la cour administrative d'appel a par ailleurs rejeté son appel incident tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif en tant qu'il l'a condamnée à leur verser une indemnité de 30 000 euros ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que, dans les motifs de son arrêt, la cour administrative d'appel a estimé qu'il y avait lieu d'ordonner une expertise à l'effet d'évaluer la perte de valeur vénale affectant l'ensemble de la propriété des consorts A, ferme et terres agricoles comprises, mais en revanche de rejeter l'appel incident de la SOCIETE ALIS ; que, de même, dans le dispositif de son arrêt, après avoir, par l'article 2, confié à un expert la mission de chiffrer les préjudices subis par les consorts A, notamment la perte de valeur vénale de leurs immeubles bâtis et non bâtis du fait des opérations de remembrement et de la proximité de l'autoroute A 28, la cour a, par l'article 6, rejeté l'appel incident de la SOCIETE ALIS et donc confirmé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a condamné cette société à leur verser une somme de 30 000 euros correspondant à la perte de valeur vénale de leurs terres et bâtiments d'exploitation en raison du morcellement des parcelles et de leur séparation de part et d'autre de l'autoroute ; qu'ainsi, en chargeant un expert d'évaluer un préjudice incluant cette même perte de valeur vénale résultant des opérations de remembrement, déjà chiffrée et indemnisée par le jugement du tribunal administratif, la cour a entaché son arrêt de contradiction de motifs, ainsi que de contradiction entre les articles 2 et 6 du dispositif ; qu'il en résulte que la SOCIETE ALIS est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SOCIETE ALIS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE ALIS, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les consorts A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 16 octobre 2008 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SOCIETE ALIS et par les consorts A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ALIS, à M. Jacques A, à M. Jean-Louis A, à M. Antoine A, à M. François-Charles A, à Mme Marie-France A, à Mlle Elise A et à Mlle Adélaïde A.