Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 23 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN, dont le siège est 10 place Gutenberg à Strasbourg (67000) ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 23 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 6 février 2003 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg n'a annulé que partiellement la décision du 15 février 2001 par laquelle le préfet de la région d'Alsace a rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé contre la décision de ce dernier, en date du 25 octobre 2000, mettant à sa charge le versement d'une somme de 1 165 288 F (177 647,01 euros) sur le fondement des dispositions de l'article L. 119-1-1 du code du travail, d'autre part, à l'annulation de la décision du 15 février 2001 en tant qu'elle a maintenu à sa charge le versement des sommes de 396 699 F (60 476,37 euros) et 350 161 F (53 381,70 euros), enfin, à ce que soit ordonnée une expertise afin de vérifier qu'elle a bien redistribué l'intégralité des sommes collectées au titre des années 1997 et 1998 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
Vu le décret n° 72-283 du 12 avril 1972 ;
Vu le décret n° 97-222 du 12 mars 1997
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Boudier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 15 février 2001, le préfet de la région d'Alsace a rejeté le recours gracieux formé par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN contre la décision du 20 octobre 2000 par laquelle il avait, par application de l'article L. 119-1-1 du code du travail, mis à sa charge le versement au Trésor public d'une somme totale de 1 165 288 F (177 647,01 euros) correspondant, d'une part, à la différence entre les montants de taxe d'apprentissage collectés et ceux reversés, telle que constatée lors du contrôle de son activité de collecte de la taxe au titre des années 1997, 1998 et 1999 diligenté par la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'Alsace et, d'autre part, au montant des produits financiers obtenus par le placement d'une partie des sommes ainsi collectées et conservées au-delà du 30 avril de chacune des années en cause ; que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN demande l'annulation de l'arrêt du 23 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 6 février 2003 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg n'a annulé que partiellement la décision du 15 février 2001 du préfet de la région d'Alsace et a maintenu à sa charge le versement d'une somme de 746 860 F ;
Considérant qu'aux termes de l'article 224 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit est inscrit au budget de l'Etat pour y recevoir l'affectation prévue par la loi (...) ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 226 bis du même code dans sa rédaction alors applicable : En application du premier alinéa de l'article L. 118-2 du code du travail, les concours apportés aux centres de formation d'apprentis ou aux sections d'apprentissage par les redevables de la taxe d'apprentissage donnent lieu à exonération de plein droit de cette taxe dans la limite de la fraction indiquée à l'article 227. / En application du deuxième alinéa de l'article L. 118-2 du code du travail, lorsqu'elles emploient un apprenti, les personnes ou entreprises redevables de la taxe d'apprentissage sont tenues d'apporter soit directement, le cas échéant par le biais de leurs établissements, soit par l'intermédiaire d'un des organismes collecteurs mentionnés à l'article L. 119-1-1 de ce code, au centre de formation ou à la section d'apprentissage où est inscrit cet apprenti, un concours financier qui s'impute sur la fraction de la taxe d'apprentissage définie au premier alinéa de l'article 227 du code général des impôts (...) ; qu'aux termes de l'article L. 119-1-1 du code du travail dans sa rédaction, alors applicable, issue de l'article 5 de la loi du 6 mai 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage et rendue applicable le 14 mars 1997 dans les départements d'Alsace-Moselle en vertu de l'article 1er du décret du 13 mars 1997 : Les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage sont soumis au contrôle financier de l'Etat en ce qui concerne l'utilisation des ressources qu'ils collectent à ce titre. Sans préjudice des attributions des corps d'inspection compétents en matière d'apprentissage, ce contrôle est exercé par les inspecteurs et contrôleurs de la formation professionnelle mentionnés à l'article L. 991-3. / Les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage sont tenus de présenter aux agents de contrôle mentionnés à l'alinéa ci-dessus les documents et pièces établissant l'origine des fonds reçus et la réalité des dépenses exposées ainsi que la conformité de leur utilisation aux dispositions législatives ou réglementaires régissant leur activité. A défaut, ces dépenses sont regardées comme non justifiées. (...) / Les sommes indûment utilisées ou conservées et celles correspondant à des dépenses non justifiées donnent lieu à un versement d'égal montant au Trésor public. (...) ; qu'aux termes du 2 de l'article 7 du décret du 12 avril 1972 relatif à la taxe d'apprentissage, alors en vigueur : Les organismes collecteurs sont soumis au contrôle financier de l'Etat en ce qui concerne l'utilisation des ressources qu'ils collectent au titre de la taxe d'apprentissage. Sans préjudice des vérifications qui peuvent être effectuées à la demande du préfet territorialement compétent, ils sont tenus de fournir, au plus tard le 30 avril de chaque année, aux comités départementaux de la formation professionnelle de la promotion sociale et de l'emploi intéressés, un état détaillé comportant la liste des bénéficiaires avec indication de leur adresse et de leur raison sociale et en outre l'indication du barème de répartition appliquée (...) ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que si un organisme collecteur et répartiteur de la taxe d'apprentissage était, au cours des années en cause, dans l'obligation de présenter aux agents de contrôle de l'Etat les documents et pièces établissant l'origine des fonds reçus et la réalité des dépenses exposées au titre de la collecte et de la répartition de la taxe d'apprentissage, il n'était pas, alors, tenu d'effectuer ce versement dans un délai prescrit ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si, au titre des exercices 1997 et 1998, s'étaient constitués dans ses écritures des écarts entre les sommes collectées au titre de la taxe d'apprentissage et les sommes reversées aux organismes bénéficiaires, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN a justifié de leur régularisation ultérieure intervenue au plus tard au 31 décembre 2000 ; qu'il suit de là qu'en estimant qu'alors même que les dispositions législatives et réglementaires alors applicables ne précisaient pas le délai dans lequel devait intervenir le reversement des sommes collectées et que les sommes en cause avaient été reversées au plus tard le 31 décembre 2000 à des organismes bénéficiaires de la taxe d'apprentissage, ces sommes devaient être regardées comme ayant été indûment conservées par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN au sens des dispositions de l'article L. 119-1-1 du code du travail, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que, lorsque des dispositions législatives prévoient qu'une taxe peut-être collectée et répartie pour le compte de l'Etat par un organisme habilité mais n'indiquent pas dans quel délai ce reversement aux organismes bénéficiaires doit être effectué, l'organisme collecteur doit s'acquitter de son obligation de reversement dans des délais raisonnables ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions alors applicables de l'article L. 119-1-1 du code du travail ne prévoyaient pas de délai pour le reversement des sommes conservées au titre de la collecte de la taxe d'apprentissage ; qu'il ressort de l'instruction qu'à la date du 25 octobre 2000, l'essentiel des fonds collectés par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN et leur totalité au plus tard le 31 décembre 2000 avaient fait l'objet de reversements à des organismes bénéficiaires de la taxe d'apprentissage ; que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a que partiellement annulé la décision du 15 février 2001 du préfet de la région d'Alsace et a maintenu à sa charge un versement d'une somme de 746 860F ; que ce jugement doit, en conséquence, être annulé dans cette mesure, ainsi que la décision du préfet de la région d'Alsace du 15 février 2001 ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'ya pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 23 novembre 2006 est annulé.
Article 2 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2003 est annulé, ainsi que la décision du 15 février 2001 du préfet de la région d'Alsace.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la CHAMBRE D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE STRASBOURG ET DU BAS-RHIN, au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.