Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 mars 2010, présentée par la CHAMBRE NATIONALE DES AVOUES, dont le siège est situé 3, avenue de l'Opéra à Paris (75001), M. François , Mme , Mme Elisabeth , Mme et M. Jean-Pierre , élisant domicile au Cabinet Adamas avocats associés dont le siège est situé ... ; la CHAMBRE NATIONALE DES AVOUES et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat , sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 décembre 2009 du ministre de la justice et des libertés relatif à la communication par voie électronique dans les procédures sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, en tant, d'une part, que les avoués près les cours d'appel sont exclus du dispositif qu'il organise et, d'autre part, en tant qu'il donne l'exclusivité de cette communication électronique aux instruments et plate-forme de transmission des données mises au point par le Conseil national des barreaux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que la condition d'urgence est remplie ; qu'en effet, les avoués vont perdre du fait de la décision en cause une part significative du marché de l'appel ; que, dans la perspective de la prochaine suppression de la profession d'avoué, il importe que ces derniers soient à armes égales avec les avocats, ce qui ne sera pas le cas dans les procédures sans représentation obligatoire puisque les avocats auront seuls l'avantage de la communication par voie électronique ; qu'il y a ainsi urgence à ne pas laisser créer une situation anticoncurrentielle ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en premier lieu, le texte est discriminatoire à l'égard des avoués qui ont, comme les avocats, vocation à représenter et assister les parties devant les cours d'appel pour les procédures sans représentation obligatoire et méconnaît les règles de concurrence que l'administration doit respecter ; qu'en effet, ce texte confère un avantage compétitif aux avocats ; qu'à supposer même que la loi prévoyant la fusion des professions d'avocat et d'avoué entre en vigueur le 1er janvier 2011, les avoués se verraient privés de la possibilité de communication par voie électronique pendant plus d'un an ; que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ou à tout le moins d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, les avoués ont une expérience ancienne en la matière dès lors qu'ils ont signé le 6 décembre 2000 une convention cadre avec le ministère de la justice, convention renouvelée à plusieurs reprises et en dernier lieu prorogée jusqu'au 31 décembre 2010 et qui a contribué au développement du système de consultation et d'échanges électronique ; que les avocats n'ont développé cette communication électronique que beaucoup plus tard ; qu'ainsi c'est un système moins avancé et moins performant qui a été choisi ;
Vu l'arrêté du 14 décembre 2009 dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision contestée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2010, présenté par le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'urgence n'est pas caractérisée puisqu'en premier lieu, les requérants ont attendu plus de deux mois avant d'introduire leur requête aux fins de suspension ; qu'en deuxième lieu, aucun préjudice n'est porté aux requérants dans la mesure où rien ne les empêche de continuer de représenter et conseiller les parties dans les procédures sans représentation obligatoire, qu'il leur est possible de s'associer à l'expérimentation et que cette expérimentation est limitée à sept cours d'appel ; qu'en troisième lieu, le juge doit prendre en compte l'éventuelle menace à un intérêt public et qu'en l'espèce, la suspension de l'arrêté contesté compromettrait l'expérimentation visant à s'assurer de la fiabilité des solutions techniques en matière de communication électronique avant l'extension de ces procédures à toutes les cours d'appel ; qu'enfin, le juge du fond, saisi du recours en annulation, peut juger l'affaire dans de brefs délais ; qu'il n'existe aucun doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu'en effet, d'une part, elle n'est entachée d'aucune erreur, même manifeste, d'appréciation, dès lors qu'il est légitime de choisir la plate-forme familière des avocats au vu de leur grand nombre ; qu'en outre, cette plate-forme est plus performante que celle des avoués ; qu'il est préférable que la plate-forme utilisée par les cours d'appel soit la même que celle utilisée par les tribunaux de grande instance ; que le partenariat avec les avoués ne sera pas interrompu et que ceux-ci pourront participer à l'expérimentation ; qu'enfin, les allégations des requérants relatives à leur contribution au développement de la communication électronique et à l'incapacité de la plate-forme retenue à être opérationnelle rapidement sont inexactes ; que, d'autre part, l'arrêté contesté ne méconnaît pas les règles de concurrence et n'est pas discriminatoire ; qu'en effet, il ne prive pas les avoués de la possibilité de former une déclaration d'appel et ne confère aucun avantage compétitif aux avocats ; qu'en pratique, seule une minorité d'avocats sera concernée ; que, dès l'entrée en vigueur de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, les avoués qui seront sur simple demande inscrits au barreau, auront accès à la communication électronique ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 25 mars 2010, présenté par la CHAMBRE NATIONALE DES AVOUES et autres, qui reprennent les conclusions de leur précédent mémoire et les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que, contrairement à ce que soutient le ministre, les avoués ne peuvent actuellement s'associer à l'expérimentation ; que l'arrêté ne mentionne pas qu'il s'agit d'une expérimentation ; que la menace à un intérêt public n'est pas établie ; que les avoués ont attendu le résultat de leurs démarches pour déposer leur requête ; que, contrairement aux allégations du ministre, le système propre aux avoués n'est pas moins performant que celui des avocats ; que les avoués ne seront pas préparés au nouveau système alors que les avocats le seront ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 26 mars 2010 à 15 heures 30 cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de la CHAMBRE NATIONALE DES AVOUES et autres ;
- les représentants du ministre de la justice et des libertés ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au 30 mars 2010 à 18 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 29 mars 2010, présenté par le ministre de la justice et des libertés, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire ; il soutient en outre que l'arrêté n'interdit pas aux avoués de bénéficier du dispositif et qu'en toute hypothèse, les avoués ont vocation à devenir avocats dès que la loi supprimant la profession d'avoué sera votée ; qu'aucune difficulté d'ordre technique n'exclut les avoués du dispositif ; qu'en effet, un numéro provisoire leur permettant de se connecter au système pourra leur être attribué sur leur demande, comme cela a été le cas pour un avoué ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 30 mars 2010, présenté par la CHAMBRE NATIONALE DES AVOUES et autres, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ; ils soutiennent en outre que l'avoué cité comme exemple par l'administration dément avoir accès à la plate-forme et s'être vu remettre un numéro provisoire, ce qui établit qu'il n'est pas possible aux avoués de participer à l'expérimentation en cause ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 30 mars 2010 à 17h07, présenté par le ministre de la justice et des libertés, qui reprend les conclusions de ses précédents mémoires ; il prend acte en outre que l'exemple cité ne correspond pas à la réalité ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;
Considérant que l'arrêté dont la suspension est demandée fixe, dans les procédures sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, les garanties des envois et remises des déclarations d'appel, des actes de constitution et des pièces qui leur sont associées lorsqu'ils sont effectués par voie électronique entre avocats et entre un avocat et la juridiction ;
Considérant que, pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de cet arrêté, les requérants soutiennent que la circonstance que la communication électronique soit réservée aux avocats confère à ces derniers un avantage compétitif et place les avoués dans une situation défavorable ; qu'ils vont ainsi perdre une part significative du marché de l'appel ;
Considérant, en premier lieu, que si l'arrêté contesté ne mentionne pas son caractère expérimental, il ressort de son objet même que son exécution est liée notamment à l'équipement des greffes ; qu'à l'heure actuelle, seuls les greffes de sept cours d'appel sont équipés ; qu'ainsi, à la date de la présente ordonnance, l'arrêté ne peut recevoir qu'une application limitée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que l'arrêté ne privera pas les avoués de la possibilité qui est la leur d'intervenir dans les procédures sans représentation obligatoire, possibilité dont les débats lors de l'audience ont confirmé qu'elle n'est actuellement que peu utilisée ; qu'à supposer même que l'absence d'utilisation de la communication électronique puisse avoir des conséquences négatives sur le volume d'activité des avoués dans les procédures sans représentation obligatoire, ni la réalité, ni l'ampleur de ces conséquences ne résulte des pièces du dossier, ni des débats lors de l'audience ;
Considérant, en troisième lieu, que si les avoués entendent soutenir que le fait d'être privés de la communication électronique dans les procédures sans représentation obligatoire les empêcherait de s'adapter au nouveau système qui a vocation à concerner à l'avenir l'ensemble des procédures, à savoir également les procédures avec représentation obligatoire, et créerait ainsi une situation discriminatoire par rapport aux avocats, il ressort des éléments d'information fournis lors de l'audience que, dans les procédures avec représentation obligatoire, les avoués ont déjà la possibilité d'utiliser un système de communication électronique qui leur permet de se familiariser avec cette forme de technique ;
Considérant enfin que l'intérêt public de mener à bien la réforme de la représentation en appel justifie la poursuite de l'application de l'arrêté dès lors que le bilan de cette application servira à élaborer les dispositions concernant la communication électronique dans les procédures devant les cours d'appel avec représentation obligatoire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; que, par suite, les conclusions à fin de suspension et, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la CHAMBRE NATIONALE DES AVOUES, M. François , Mme , Mme Elisabeth , Mme et M. Jean-Pierre ne peuvent être accueillies ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la CHAMBRE NATIONALE DES AVOUES et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la CHAMBRE NATIONALE DES AVOUES, M. François , Mme , Mme Elisabeth , Mme et M. Jean-Pierre et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.