Vu la requête et le mémoire rectificatif, enregistrés les 8 mars 2010 et 23 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Serkan A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 11 septembre 2009 du consul général de France à Ankara (Turquie), lui refusant un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français et, à tout le moins, de réexaminer sa demande de visa dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que l'urgence est caractérisée compte tenu de la durée de la séparation rendant impossible une vie matrimoniale normale ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; qu'elle est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation puisque les intentions matrimoniales sont sincères et que la menace à l'ordre public n'est pas caractérisée ; que la décision méconnaît, en outre, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantissant le droit à une vie familiale normale ;
Vu la copie du recours présenté le 12 octobre 2009 par M. A à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. A ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le juge des référés ne peut enjoindre à l'administration de délivrer le visa sollicité ; que la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu du caractère frauduleux du mariage ; qu'elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'absence de sincérité du mariage ; que la condition d'urgence n'est pas remplie puisque l'objet du mariage a été détourné ;
Vu le nouveau mémoire enregistré le 17 avril 2010, présenté par M. A qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience du 29 avril 2010 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- Mme A, épouse du requérant ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A de nationalité turque, entré en France en 2002, a présenté à plusieurs reprises des demandes d'asile qui ont été rejetées ; qu'il a épousé le 1er décembre 2007 Mme Maryse B, de nationalité française ; que, par arrêté du 13 mars 2008, le préfet du Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que par jugement du 30 juin 2008 , le tribunal administratif de Nîmes a rejeté son recours contre cette décision ; que de retour en Turquie, M. A a sollicité un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française ; que par décision du 11 septembre 2009, les autorités consulaires de France à Ankara ont refusé la délivrance de ce visa au motif que le mariage a été contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie d'un recours par M. A, a implicitement confirmé ce refus ;
Considérant que pour contester la sincérité des intentions matrimoniales de M. A , l'administration se prévaut de la chronologie des événements qui attesterait de la volonté de M. A de se maintenir en France par tout moyen , de la différence d'âge entre les époux et de la courte durée des appels téléphoniques qu'ils ont passés ; que , cependant, ni la circonstance que M. A a séjourné irrégulièrement en France et que ses demandes d'asile ont été rejetées , ni la différence d'âge entre les époux ne suffisent à mettre en doute la sincérité des intentions matrimoniales de M. A ; qu'en revanche , à l'appui de sa requête, sont produits de nombreux et réguliers relevés d'appels téléphoniques qui attestent des communications fréquentes entre les époux, nonobstant la circonstance que certains de ces appels soient de très courte durée ; que M. A produit par ailleurs des photos du mariage, de nombreuses attestations de famille et d'amis attestant de la vie commune des époux avant même la célébration du mariage ; que Mme B a séjourné en Turquie pendant trois mois à la fin de l'année 2009 ; qu'elle était présente à l'audience et a confirmé les allégations de M. A ; qu'ainsi, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que l'administration aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le mariage aurait été contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'en raison de la durée de la séparation imposée aux époux A, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A, est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision lui refusant le visa sollicité ; qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de la demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A, et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de la décision refusant un visa de long séjour à M. A est suspendue.
Article 2: Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, au regard de ses motifs, la demande de visa de M. A.
Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Serkan A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.