La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2010 | FRANCE | N°309734

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 21 mai 2010, 309734


Vu l'ordonnance du 25 septembre 2007, enregistrée le 28 septembre suivant au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête sommaire présentée à cette cour par la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT, dont le siège est Vallée de Titioro BP 20795 à Papeete (98713) ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 22 août 2007, présentée par la S

OCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT ;

Vu le mémoir...

Vu l'ordonnance du 25 septembre 2007, enregistrée le 28 septembre suivant au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête sommaire présentée à cette cour par la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT, dont le siège est Vallée de Titioro BP 20795 à Papeete (98713) ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 22 août 2007, présentée par la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 18 octobre 2007, et transmis au Conseil d'Etat ;

Vu le mémoire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 mars 2008, présenté pour la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT ;

la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 juillet 2007 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française, appréciant la légalité de l'article 25.1 a) du cahier des charges de la concession du service territorial d'assainissement collectif des eaux usées sur le territoire de la commune de la Punaauia, fixant le tarif de la redevance d'assainissement pour les usagers domestiques, a déclaré que ces dispositions étaient entachées d'illégalité ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Compagnie hôtelière du Pacifique devant le tribunal administratif de la Polynésie française ;

3°) de mettre à la charge de la société Compagnie hôtelière du Pacifique la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blondel, avocat de la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Compagnie hôtelière du Pacifique,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blondel, avocat de la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Compagnie hôtelière du Pacifique ;

Considérant que, saisi d'un litige opposant la société Compagnie hôtelière du Pacifique à la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT, sous-concessionnaire du service public de l'assainissement des eaux usées de la commune de Punaauia, relatif au règlement des redevances d'assainissement au titre des années 2003 et 2004, le tribunal mixte de commerce de Papeete a, par un jugement du 23 octobre 206, sursis à statuer sur ce litige jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la légalité de l'article 25. 1 a) du cahier des charges de la concession du service territorial d'assainissement collectif des eaux usées sur le territoire de la commune de la Punaauia, fixant le tarif de la redevance applicable aux usagers domestiques ; que la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT relève appel du jugement du 17 juillet 2007 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a déclaré que ces dispositions tarifaires étaient illégales ;

Considérant que les dispositions tarifaires litigieuses figurant à l'article 25. 1 a) du cahier des charges de la concession du service territorial d'assainissement collectif des eaux usées sur le territoire de la commune de la Punaauia prévoient qu'en contrepartie des charges qui lui incombent, le concessionnaire du service d'assainissement collectif des eaux usées sur le territoire de la commune de Punaauia est habilité à percevoir, auprès des usagers domestiques, des redevances d'assainissement de 40 francs CFP par mètre cube d'eau pour les particuliers et de 120 francs CFP par mètre cube d'eau pour les autres usagers domestiques, parmi lesquels figurent, notamment, les hôtels ;

Considérant que les redevances litigieuses ont le caractère de redevances pour service rendu ;

Considérant, en premier lieu, qu'une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation d'un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service ; que, si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie ; qu'il s'ensuit que le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire ; que, dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence ;

Considérant que, si la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT fait valoir que le tarif plus élevé appliqué aux usagers domestiques autres que les particuliers tiendrait compte de la valeur économique que revêtirait, pour les hôtels, la prestation d'assainissement qu'elle fournit, du fait notamment du caractère essentiel pour le tourisme de la qualité des eaux et de l'environnement, il n'est en tout état de cause pas établi que les avantages ainsi invoqués bénéficient à l'ensemble des usagers domestiques autres que les particuliers ;

Considérant, en deuxième lieu, que la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure ; qu'elle suppose, dans l'un comme l'autre cas, que la différence de tarifs ainsi instituée ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des circonstances ou des objectifs qui la motivent ;

Considérant qu'en l'espèce, la différence tarifaire litigieuse n'est pas la conséquence nécessaire d'une loi ;

Considérant que la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT justifie la différence des tarifs applicables aux usagers domestiques particuliers et aux autres usagers domestiques par le fait que les eaux rejetées par les hôtels présenteraient un degré de pollution plus élevé et que le volume des rejets des hôtels, très supérieur à celui des rejets des particuliers, aurait exigé des investissements spécifiques importants ;

Considérant que s'il est loisible à l'autorité compétente d'instituer un tarif dégressif ou progressif, en fonction notamment de tranches de consommation, et si une telle progressivité peut aussi résulter de l'institution d'une partie fixe tenant compte des caractéristiques des coûts fixes du service, les différences de situation invoquées en l'espèce, à supposer même qu'elles soient établies, ne sauraient justifier la différence de tarifs instituée entre les particuliers et l'ensemble des autres usagers domestiques, qui, en tout état de cause, ne regroupe pas seulement les hôtels; qu'il n'est par ailleurs pas établi que les rejets de ces derniers seraient plus pollués que ceux des particuliers ; que par suite, la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT n'invoque aucune différence de situation de nature à justifier les différents tarifs prévus par l'article 25. 1 a) du cahier des charges de la concession du service territorial d'assainissement collectif des eaux usées sur le territoire de la commune de la Punaauia ;

Considérant enfin que si la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT fait valoir que la différence tarifaire instituée par le cahier des charges litigieux permettrait la mise en place progressive d'un réseau d'assainissement afin, notamment, de protéger l'environnement, sans faire supporter aux particuliers un tarif excessif et reposerait ainsi sur des motifs d'intérêt général, de tels motifs ne sauraient en tout état de cause justifier ni que tous les particuliers bénéficient du tarif réduit , ni que tous les autres usagers domestiques soient soumis au tarif le plus élevé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les dispositions de l'article 25. 1 a) du cahier des charges de la concession du service territorial d'assainissement collectif des eaux usées sur le territoire de la commune de la Punaauia méconnaissent le principe d'égalité ; que par suite, la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de la Polynésie française a déclaré qu'elles étaient illégales ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Compagnie hôtelière du Pacifique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière société, le versement à la société Compagnie hôtelière du Pacifique de la somme de 3 000 euros au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'appel de la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT est rejeté.

Article 2 : La SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT versera à la société Compagnie hôtelière du Pacifique la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE POLYNESIENNE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT et à la société Compagnie hôtelière du Pacifique.

Une copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, au président de la Polynésie française et à la société d'économie mixte assainissement des eaux de Tahiti.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 309734
Date de la décision : 21/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mai. 2010, n° 309734
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ménéménis
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : BLONDEL ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:309734.20100521
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award