Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 27 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Tedjinia Teddy A, demeurant ... ; Mlle A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 mai 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 décembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'office public d'habitation à loyer modéré (OPHLM) de la ville d'Avignon à réparer l'aggravation des préjudices résultant de l'agression dont elle a été victime le 21 février 1987 ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille, de condamner l'OPHLM de la ville d'Avignon à indemniser, sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 7 %, son préjudice par une indemnité de 22 667,35 euros et, au besoin, de désigner un expert aux fins de préciser l'aggravation de son état ;
3°) de mettre à la charge de l'OPHLM de la ville d'Avignon la somme de 2 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Talabardon, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mlle A et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de l'OPHLM de la ville d'Avignon,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mlle A et à la SCP Peignot, Garreau, avocat de l'OPHLM de la ville d'Avignon ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mlle A, agent administratif de l'office public d'habitation à loyer modéré (OPHLM) de la ville d'Avignon, a été victime d'une agression dans l'exercice de ses fonctions le 21 avril 1987 ; que l'OPHLM de la ville d'Avignon lui a spontanément versé les sommes qui lui avaient été allouées au titre de l'action civile par un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 8 avril 1993 ; que l'intéressée, estimant que cette indemnisation n'avait pas couvert l'ensemble de ses préjudices, a demandé au juge administratif la condamnation de l'OPHLM de la ville d'Avignon à lui verser des indemnités supplémentaires ; que Mlle A demande l'annulation de l'arrêt du 20 mai 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 décembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales ; qu'aux termes du troisième alinéa de cet article : La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté et qu'aux termes du cinquième alinéa du même article : La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé ... ;
Considérant que, si la protection instituée par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 comprend, le cas échéant, la réparation des préjudices subis par un agent victime d'attaques dans le cadre de ses fonctions, elle n'entraîne pas la substitution de la collectivité publique dont il dépend, pour le paiement des dommages et intérêts accordés par une décision de justice, aux auteurs de ces faits lorsqu'ils sont insolvables ou se soustraient à l'exécution de cette décision de justice, alors même que l'administration serait subrogée dans les droits de son agent ; qu'en revanche, il appartient à l'Etat, saisi d'une demande en ce sens, d'assurer une juste réparation du préjudice subi du fait des attaques dirigées contre son agent ;
Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêt de la cour administrative d'appel que pour écarter les conclusions tendant à la réévaluation des préjudices subis par Mlle A, la cour s'est fondée sur l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel de Nîmes dans son arrêt du 8 avril 1993 ; que, toutefois, cet arrêt statuait sur l'action civile de Mlle A contre les auteurs de l'agression dont elle avait été victime ; que cet arrêt n'était revêtu que de l'autorité relative de la chose jugée et qu'en l'absence d'identités d'objet et de parties la cour ne pouvait s'estimer liée par l'évaluation de l'incapacité permanente partielle et du préjudice d'agrément fixés par le juge répressif statuant sur l'action civile ; qu'en s'abstenant d'exercer son pouvoir souverain d'appréciation des faits, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, Mlle A est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que, par un premier jugement avant dire droit en date du 1er juillet 2003, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'OPHLM de la ville d'Avignon à réparer les préjudices subis par Mlle A, non indemnisés par la cour d'appel de Nîmes du 8 avril 1993, et, après expertise, par un second jugement du 21 décembre 2004 frappé d'appel par Mlle A, a rejeté les conclusions de l'intéressée ;
Considérant que, si Mlle A demande l'indemnisation de l'aggravation de son préjudice en faisant notamment valoir que le taux de son incapacité permanente partielle serait passé de 4% à 7%, il résulte de l'instruction, et notamment de l'ensemble des expertises diligentées, que, ni son invalidité permanente partielle, ni son préjudice esthétique ne se sont aggravés depuis leur estimation par un premier jugement du tribunal administratif de Marseille, en date du 25 janvier 1996, devenu définitif ; que le préjudice d'agrément, résultant d'une prétendue impossibilité de jouer au volley-ball en raison des conséquences éventuelles d'une nouvelle blessure au nez, n'est pas établi ; qu'en revanche, il sera fait une juste appréciation des souffrances supplémentaires endurées par Mlle A à l'occasion d'une nouvelle intervention chirurgicale subie le 15 février 1996, dont le taux a été évalué à 0,5 sur une échelle de 7, à la somme de 400 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que Mlle A n'est fondée à demander la condamnation de l'OPHLM de la ville d'Avignon qu'à lui verser cette somme de 400 euros, ainsi qu'à prendre en charge les frais d'expertise, et la réformation, dans cette limite, du jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'OPHLM de la ville d'Avignon la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mlle A et non compris dans les dépens devant le Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Marseille et le tribunal administratif de Marseille ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de Mlle A le versement d'une somme au titre des frais de même nature exposés par l'OPHLM de la ville d'Avignon devant le juge du fond ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 mai 2008 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'OPHLM de la ville d'Avignon versera à Mlle A la somme de 400 euros et prendra en charge les frais d'expertise devant le tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 décembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'OPHLM de la ville d'Avignon versera à Mlle A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mlle A et les conclusions de l'OPHLM de la ville d'Avignon tendant à l'application, devant le juge du fond, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mlle Tedjinia Teddy A et à l'OPHLM de la ville d'Avignon.