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23/07/2010 | FRANCE | N°321138

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 23 juillet 2010, 321138


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 septembre et 12 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'OFFICE NATIONAL DES FORETS, dont le siège est 2, avenue de Saint-Mandé à Paris cedex 12 (75570), représenté par son directeur général ; l'OFFICE NATIONAL DES FORETS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 16 décembre 2007 du directeur de l'agence de Haute Côte d'Or de l'OFFICE NATIONAL DES FORETS refusan

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 septembre et 12 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'OFFICE NATIONAL DES FORETS, dont le siège est 2, avenue de Saint-Mandé à Paris cedex 12 (75570), représenté par son directeur général ; l'OFFICE NATIONAL DES FORETS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 16 décembre 2007 du directeur de l'agence de Haute Côte d'Or de l'OFFICE NATIONAL DES FORETS refusant de communiquer à M. François B la lettre du 28 mars 2007 adressée à l'OFFICE NATIONAL DES FORETS, en tant seulement que cette décision a refusé de communiquer les extraits de cette lettre afférents aux faits qui étaient reprochés à M. Jurien de la Gravière ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. Jurien de la Gravière ;

3°) de mettre à la charge de M. B la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code forestier ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de l'OFFICE NATIONAL DES FORETS et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B,

- les conclusions de Mme Delphine Hédary, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de l'OFFICE NATIONAL DES FORÊTS et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B ;

Considérant que l'OFFICE NATIONAL DES FORETS est le bailleur de droits de chasse sur le massif forestier de Châtillon-sur-Seine, en Côte-d'Or, attribués, d'une part, à Mme C pour la chasse à courre au sanglier, et, d'autre part, à M. B pour la chasse à courre au cerf ; qu'aux termes d'un courrier adressé par l'OFFICE NATIONAL DES FORETS à M. B, une lettre du 28 mars 2007 de M. C avait dénoncé à l'office la trop grande vitesse pratiquée par les véhicules de M. B sur les routes forestières empruntées ; que ce dernier a demandé à l'OFFICE NATIONAL DES FORETS la communication de la lettre que M. C avait adressée à l'office le 28 mars 2007 ; que, par un jugement du 7 juillet 2008, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 16 décembre 2007 de l'OFFICE NATIONAL DES FORETS, prise conformément à l'avis rendu le 27 septembre 2007 par la commission d'accès aux documents administratifs, refusant de communiquer cette lettre à M. B, en tant seulement que ce refus de communication porte sur les extraits de la lettre de M. C relatifs aux faits qui étaient reprochés à M. B ; que l'OFFICE NATIONAL DES FORETS se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : Sont considérés comme documents administratifs (...) les documents élaborés ou détenus par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées de la gestion d'un service public, dans le cadre de leur mission de service public ; qu'en vertu de l'article 2 de la même loi : Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ; qu'aux termes de l'article 6 de cette loi : (...) II. - Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / (...) - faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. / (...) III. - Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application du présent article mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. (...) ;

Considérant, en premier lieu, que si le juge administratif a la faculté d'ordonner avant dire droit la production devant lui, par les administrations compétentes, des documents dont le refus de communication constitue l'objet même du litige, sans que la partie à laquelle ce refus a été opposé n'ait le droit d'en prendre connaissance au cours de l'instance, il ne commet d'irrégularité en s'abstenant de le faire que si l'état de l'instruction ne lui permet pas de déterminer, au regard des contestations des parties, le caractère légalement communicable ou non de ces documents ou d'apprécier les modalités de cette communication ; qu'en estimant, au vu des pièces du dossier qui lui étaient soumises et qu'il a souverainement appréciées, qu'il ne lui était pas nécessaire d'ordonner la communication avant dire droit de la lettre litigieuse, le tribunal administratif de Dijon, qui n'était pas tenu de motiver l'usage qu'il faisait de ses pouvoirs d'instruction, n'a donc pas méconnu son office ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B avait soulevé un moyen tiré de ce que les II et III de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 ne faisaient pas obstacle à la communication demandée ; qu'en restreignant celle-ci aux seules mentions concernant le demandeur après occultation du nom de l'auteur de la lettre litigieuse, sur le fondement de ces dispositions, le tribunal administratif de Dijon n'a donc pas soulevé d'office un moyen en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 121-2 du code forestier: L'Office national des forêts (...) assure la gestion et l'équipement des forêts et terrains qui lui sont confiés en application de l'article L. 121-2. (...) / Il a, sur ces forêts et terrains, tous pouvoirs techniques et financiers d'administration, notamment en matière d'exploitation des droits de chasse et de pêche. (...) ; que la lettre dont la communication est demandée est relative, non à une activité de gestion privée du domaine forestier ou de bailleur de droits de chasse, mais à une activité de protection, conservation et surveillance de la forêt qui relève de la mission de service public de l'OFFICE NATIONAL DES FORETS telle que définie par ces dispositions ; que les règles de compétence régissant le contentieux des actes pris pour l'exécution de ce service public sont sans incidence sur le caractère administratif des documents au sens et pour l'application de la loi du 17 juillet 1978 ; que le tribunal administratif de Dijon n'a dès lors pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la lettre litigieuse constitue un document administratif, détenu par l'OFFICE NATIONAL DES FORETS, que celui-ci est tenu de communiquer même s'ils n'en est pas l'auteur ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de l'OFFICE NATIONAL DES FORETS doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFFICE NATIONAL DES FORETS le versement à M. B de la somme qu'il demande en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'OFFICE NATIONAL DES FORETS est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'OFFICE NATIONAL DES FORETS et à M. François B.

Copie en sera adressée pour information au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 321138
Date de la décision : 23/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS AU TITRE DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978 - CONTENTIEUX - FACULTÉ POUR LE JUGE D'ORDONNER LA PRODUCTION DES DOCUMENTS FAISANT L'OBJET DU LITIGE - SANS COMMUNICATION À L'AUTRE PARTIE [RJ1] - NON USAGE DE CETTE FACULTÉ - IRRÉGULARITÉ - CONDITIONS.

26-06-01-04 Si le juge administratif a la faculté d'ordonner avant dire droit la production devant lui, par les administrations compétentes, des documents dont le refus de communication constitue l'objet même du litige, sans que la partie à laquelle ce refus a été opposé ait le droit d'en prendre connaissance au cours de l'instance, il ne commet d'irrégularité en s'abstenant de le faire que si l'état de l'instruction ne lui permet pas de déterminer, au regard des contestations des parties, le caractère légalement communicable de ces documents ou d'apprécier les modalités de cette communication.

PROCÉDURE - INSTRUCTION - POUVOIRS GÉNÉRAUX D'INSTRUCTION DU JUGE - PRODUCTION ORDONNÉE - LITIGES NÉS DU REFUS DE COMMUNICATION DE DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - FACULTÉ POUR LE JUGE D'ORDONNER LA PRODUCTION DES DOCUMENTS SANS COMMUNICATION À L'AUTRE PARTIE [RJ1] - NON USAGE DE CETTE FACULTÉ - IRRÉGULARITÉ - CONDITIONS.

54-04-01-03 Si le juge administratif a la faculté d'ordonner avant dire droit la production devant lui, par les administrations compétentes, des documents dont le refus de communication constitue l'objet même du litige, sans que la partie à laquelle ce refus a été opposé ait le droit d'en prendre connaissance au cours de l'instance, il ne commet d'irrégularité en s'abstenant de le faire que si l'état de l'instruction ne lui permet pas de déterminer, au regard des contestations des parties, le caractère légalement communicable de ces documents ou d'apprécier les modalités de cette communication.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 23 décembre 1988, Banque de France c/ Huberschwiller, n° 95310, p. 688 ;

14 mars 2003, Kerangueven, n° 231661, T. p. 787.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2010, n° 321138
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: Mme Burguburu Julie
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:321138.20100723
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