Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 16 juillet 2010, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES EXPLOITANT LES ACTIVITES PHYSIQUES RECREATIVES DES LOISIRS MARCHANDS (SNELM) dont le siège est 4, rue de Jarente à Paris (75004) ; le SNELM demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 7 avril 2010 du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique portant extension de l'avenant n° 37 bis du 6 novembre 2009 à la convention collective nationale du sport ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que l'urgence est caractérisée dans la mesure où l'arrêté contesté emporte pour les entreprises qu'il représente de graves répercussions économiques et sociales; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué ; qu'en effet, il n'a pas été associé à la négociation et à la conclusion de l'avenant étendu, en méconnaissance de l'article L. 2261-19 du code du travail ; que la Commission nationale de la négociation collective n'a pas rendu un avis motivé sur le projet d'arrêté ; que cette commission aurait dû être consultée une seconde fois, dès lors que deux oppositions à l'extension de l'avenant s'étaient manifestées ; que les activités économiques concernées par cet avenant sont déjà comprises dans le champ professionnel de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, étendue par arrêté du 25 juillet 1994 ; que le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation en procédant à l'extension litigieuse;
Vu l'arrêté dont la suspension est demandée ;
Vu la copie de la requête en annulation présentée par le SNELM ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 août 2010, présenté par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie, le préjudice invoqué restant totalement hypothétique ; que le SNELM a été associé à la négociation de l'avenant étendu ; que la Commission nationale de la négociation collective n'avait pas à être consultée conformément à l'article L. 2261-19 du code du travail dès lors qu'une des organisations d'employeurs ou de salariés représentatives avait demandé le lancement de la procédure d'extension ; qu'une seconde consultation de la Commission nationale de la négociation collective n'avait pas à être envisagée dès lors que deux organisations d'employeurs de niveau confédéral n'ont pas formé d'opposition écrite et motivée ; qu'il n'y a aucun recoupement des champs conventionnels, les activités en cause ayant été exclues, par arrêté du même jour, du champ de la convention dont elles faisaient précédemment partie ; que l'arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu les pièces du dossier dont il résulte que la requête a été communiquée à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération française de l'encadrement-CGC, à la Confédération générale du travail-Force ouvrière, à la Commission nationale des experts en automobile, au Fonds national d'action sanitaire et sociale, à l'Union nationale des syndicats autonomes, au Conseil national du mouvement sportif, à la Confédération française des travailleurs chrétiens, à la Confédération générale du travail et à la Confédération nationale des éducateurs sportifs et salariés du sport, qui n'ont pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le SNELM et, d'autre part, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ainsi que la Confédération française démocratique du travail, la Confédération française de l'encadrement-CGC, la Confédération générale du travail-Force ouvrière, la Commission nationale des experts en automobile, le Fonds national d'action sanitaire et sociale, l'Union nationale des syndicats autonomes, le Conseil national du mouvement sportif, la Confédération française des travailleurs chrétiens, la Confédération générale du travail et la Confédération nationale des éducateurs sportifs et salariés du sport ;
Vu le procès-verbal de l'audience du 17 août 2010 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me A, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SNELM ;
- Les représentants du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
Et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au 19 août 2010 au soir ;
Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 17 et 18 août 2010, présentés par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique qui précise que l'avenant n° 37 bis du 6 novembre 2009 a été négocié exclusivement au cours de la séance du 6 novembre 2009 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 18 août 2010 présenté par le SNELM qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre que la signature d'une convention collective doit intervenir en commission paritaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que faute d'avoir assorti l'arrêté d'extension de dispositions transitoires, le ministre a méconnu le principe de sécurité juridique et entaché sa décision d'incompétence négative, l'arrêté contesté ayant pour effet d'obliger les entreprises concernées à fournir à leurs salariés une formation leur permettant d'acquérir les qualifications exigées par la convention nationale du sport ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 août 2010, présenté par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique qui soutient que l'obligation de qualification professionnelle invoquée par le syndicat requérant résulte en réalité des articles L. 212-1 et suivants du code du sport ; qu'ainsi les entreprises concernées étaient déjà soumises à cette obligation lorsqu'elles mettent en oeuvre des activités physiques ou sportives ; qu'en conséquence, aucun motif ne justifiait que le ministre édicte des dispositions transitoires ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 août 2010, présenté par le SNELM qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre que le ministre s'est contredit à l'audience en indiquant que le but poursuivi par l'acte attaqué était de rattacher les activités de loisirs au domaine sportif ; que tant que les adhérents du SNELM relevaient de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, ils pouvaient contester l'application du code du sport ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que le SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES EXPLOITANT LES ACTIVITES PHYSIQUES RECREATIVES DES LOISIRS MARCHANDS (SNELM) demande la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 7 avril 2010 par lequel le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a étendu un avenant du 6 novembre 2009 modifiant le champ d'application de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 pour y intégrer les entreprises de droit privé à but lucratif qui exercent des activités à titre principal récréatives ou de loisirs sportifs ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail : Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, répondant aux conditions particulières déterminées par la sous-section 2, peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective ; qu'aux termes de l'article L. 2261-24 du même code : La procédure d'extension d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel est engagée à la demande d'une des organisations d'employeurs ou de salariés représentatives mentionnées à l'article L. 2261-19 ou à l'initiative du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective. / Saisi de cette demande, le ministre chargé du travail engage sans délai la procédure d'extension ; qu'aux termes de l'article L. 2261-19 du même code : Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus en commission paritaire. / Cette commission est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré ; qu'aux termes de l'article L. 2261-27 du même code : Quand l'avis motivé favorable de la Commission nationale de la négociation collective a été émis sans opposition écrite et motivée soit de deux organisations d'employeurs, soit de deux organisations de salariés représentées à cette commission, le ministre chargé du travail peut étendre par arrêté une convention ou un accord ou leurs avenants ou annexes (...) / En cas d'opposition dans les conditions prévues au premier alinéa, le ministre chargé du travail peut consulter à nouveau la commission sur la base d'un rapport précisant la portée des dispositions en cause ainsi que les conséquences d'une éventuelle extension. / Le ministre chargé du travail peut décider l'extension, au vu du nouvel avis émis par la commission. Cette décision est motivée ;
Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris dans des conditions méconnaissant les dispositions précitées de l'article L. 2261-19, dès lors que le syndicat requérant, dont il n'est pas soutenu qu'il ne serait pas représentatif dans le champ considéré, n'aurait pas participé à la négociation et à la conclusion de l'avenant étendu, n'est pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté, dès lors qu'il est constant qu'il a été convié et que ses représentants ont participé à la réunion du 6 novembre 2009 au cours de laquelle il a été décidé d'ouvrir l'avenant à la signature des parties et qu'aucune autre réunion de la commission paritaire, à laquelle le syndicat n'aurait pas été convié, n'a été organisée ; qu'il en est de même du moyen tiré de ce que la Commission nationale de la négociation collective n'aurait pas été consultée, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est réunie et a rendu un avis en date du 4 mars 2010 ; qu'il en est de même du moyen tiré de ce que son avis serait insuffisamment motivé ; que si le syndicat requérant fait valoir que cette commission aurait dû être consultée une seconde fois, dès lors que deux oppositions se seraient manifestées, il est constant que les deux oppositions auxquelles il fait référence sont la sienne et celle d'une autre organisation, alors que ni lui-même, ni cette autre organisation ne sont membres de la Commission nationale de la négociation collective, et qu'une seule opposition s'est manifestée au sein de cette commission ;
Considérant que le ministre chargé du travail, saisi d'une demande d'extension, doit notamment rechercher si le champ d'application professionnel pour lequel l'extension est envisagée n'est pas compris dans le champ professionnel d'une autre convention ou accord collectif précédemment étendu ; que, lorsqu'il apparaît que les champs d'application professionnels définis par les textes en cause se recoupent, il lui appartient, préalablement à l'extension projetée, soit d'exclure du champ de l'extension envisagée les activités économiques déjà couvertes par la convention ou l'accord collectif précédemment étendu, soit d'abroger l'arrêté d'extension de cette convention ou de cet accord collectif, en tant qu'il s'applique à ces activités ; que le syndicat requérant fait valoir que les activités économiques concernées par l'avenant à la convention nationale du sport étendu par l'arrêté contesté seraient déjà comprises dans le champ professionnel de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, étendue par arrêté du 25 juillet 1994 ; que ce moyen n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, dès lors que, par un arrêté du même jour, a été étendu un avenant à la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels ayant notamment pour objet d'exclure de son champ d'application les activités économiques ici en cause ;
Considérant que n'est pas davantage de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux méconnaîtrait le principe de sécurité juridique et serait entaché d'incompétence négative, faute pour le ministre d'avoir différé son entrée en vigueur, dès lors que l'application aux entreprises de droit privé à but lucratif qui exercent des activités à titre principal récréatives ou de loisirs sportifs des stipulations de la convention nationale du sport les obligerait, sans délai, à fournir à leurs salariés une formation leur permettant d'obtenir de nouvelles qualifications en matière sportive; qu'en effet, ainsi que le fait valoir le ministre, sans être sérieusement contredit, l'obligation de qualification des personnes enseignant, animant ou encadrant une activité physique ou sportive contre rémunération résulte de l'article L. 212-1 du code du sport ; qu'il en est enfin de même du moyen tiré de ce qu'en procédant à l'extension contestée, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que les conclusions à fins de suspension du SNELM ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête du SNELM est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES EXPLOITANT LES ACTIVITES PHYSIQUES RECREATIVES DES LOISIRS MARCHANDS (SNELM), à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération française de l'encadrement-CGC, à la Confédération générale du travail-Force ouvrière, à la Commission nationale des experts en automobile, au Fonds national d'action sanitaire et sociale, à l'Union nationale des syndicats autonomes, au Conseil national du mouvement sportif, à la Confédération française des travailleurs chrétiens, à la Confédération générale du travail et à la Confédération nationale des éducateurs sportifs et salariés du sport, au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.