Vu le mémoire, enregistré le 24 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Samir A, demeurant ..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de la décision du 24 juin 2010 de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés publiques garantis par la Constitution des articles L. 145-6 et L. 145-7 du code de la sécurité sociale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L. 145-6 et L. 145-7 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Talabardon, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A et de Me Foussard, avocat du médecin-conseil chef de service de l'échelon local de Rennes, de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A et à Me Foussard, avocat du médecin-conseil chef de service de l'échelon local de Rennes, de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés,
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changements de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que le requérant soutient que les dispositions des articles L. 145-6 et L. 145-7 du code de la sécurité sociale, qui fixent la composition respectivement de la section des assurances sociales du conseil régional et de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, seraient contraires à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et aux principes d'indépendance et d'impartialité des juges, en ce qu'elles prévoient parmi les membres de ces juridictions la présence d'au moins un praticien-conseil nommé par l'autorité compétente de l'Etat, dès lors que cet assesseur est un agent de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, établissement public placé sous le contrôle de l'Etat, en position d'activité et soumis à l'autorité hiérarchique de son directeur général, relevant en outre de l'organisme exerçant un pouvoir de contrôle sur la caisse intéressée au litige et appartenant au même corps que l'autorité ayant mené l'instruction et éventuellement décidé des poursuites ;
Considérant, d'une part, que le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, impose que toute personne appelée à siéger dans une juridiction se prononce en toute indépendance et sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit et, d'autre part, que le principe d'impartialité des juridictions s'oppose à ce que soit conféré à une même autorité le pouvoir de poursuivre et celui de juger ; que, s'agissant de la présence, parmi les assesseurs des sections des assurances sociales des conseils régional et national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, de praticiens-conseils, agents de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, le respect de ces principes doit s'apprécier eu égard aux garanties qui s'attachent aux conditions de désignation de ces assesseurs et aux modalités d'exercice de leurs fonctions, en vue de les soustraire à toute subordination hiérarchique ; qu'en l'occurrence, les praticiens-conseils appartiennent à un corps autonome, proche d'un corps d'inspection, dont les conditions de nomination et d'avancement des membres garantissent leur indépendance à l'égard des caisses de sécurité sociale, avec lesquelles ils n'entretiennent aucun lien de subordination ; qu'en ne fixant pas la durée de leur mandat, le législateur n'a pas prévu qu'il puisse y être mis fin par voie d'autorité ; qu'enfin, la circonstance qu'ils appartiennent au même corps que les praticiens-conseils qui, au sein des services de contrôle médical, engagent les poursuites devant les sections des assurances sociales, ne permet de douter, compte-tenu des garanties attachées à leur statut, notamment par l'article L. 123-2-1 du code de la sécurité sociale, ni de leur indépendance, ni de leur impartialité ;
Considérant, en outre, que les règles générales de procédure s'opposent à ce qu'un membre d'une juridiction administrative puisse participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur ou prise par une personne avec laquelle il se trouverait dans un lien de subordination et à ce que l'auteur d'une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ; qu'en l'espèce, la faculté de récusation est, d'ailleurs, ouverte aux intéressés ;
Considérant, par suite, que, alors même que les caisses de sécurité sociale et les médecins conseils ont la faculté de saisir la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional et, en appel, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, les dispositions critiquées ne portent pas par elles-mêmes atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que la question soulevée n'est pas nouvelle ; qu'elle ne présente pas davantage un caractère sérieux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité, au regard de la nature des dispositions contestées, de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qu'il n'y a pas lieu de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Samir A, au médecin-conseil chef du service de l'échelon local de Rennes, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, au conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et à la ministre de la santé et des sports.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.