Vu le recours, enregistré le 27 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1007871 du 9 décembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision du 30 septembre 2010 du préfet du Bas-Rhin ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant le pays de destination, jusqu'à ce que l'autorité administrative se soit assurée que M. A n'est pas susceptible de développer une légionellose, a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à celui-ci une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'examen de son état de santé et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille ;
il soutient qu'en suspendant l'exécution de la décision du préfet du Bas-Rhin de reconduire M. A à la frontière et fixant le Maroc comme pays de destination, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, au motif du risque éventuel encouru par celui-ci dans le cas où il aurait contracté la légionellose, alors que ces dispositions ne peuvent être mises en oeuvre que lorsqu'il a été porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, laquelle ne peut être caractérisée que par un risque réel, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit ; qu'en jugeant que la gravité du risque de contamination et la circonstance que le préfet des Bouches-du-Rhône n'établissait pas que M. A pourrait bénéficier au Maroc d'un diagnostic et d'un traitement appropriés justifiaient la suspension de l'arrêté préfectoral, le juge des référés a dénaturé les faits et pièces du dossier ; qu'en se bornant à retenir, pour estimer la gravité du risque encouru, des considérations générales sur l'absence de diagnostic de certaines formes de légionellose l'indisponibilité d'un médicament, le juge des référés a inexactement qualifié les faits ; qu'en enjoignant au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'examen de son état de santé, ce qui a eu pour effet d'abroger l'arrêté de reconduite à la frontière et l'obligation de quitter le territoire français, alors qu'il a suspendu cet arrêté seulement jusqu'à ce que l'autorité administrative se soit assurée qu'il n'était pas susceptible de développer une légionellose, le juge des référés a commis une erreur de droit ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2010, présenté par M. A, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il n'est pas contesté que la condition d'urgence est satisfaite ; que le risque encouru était réel et caractérisait l'atteinte grave et manifestement illégale portée à la liberté fondamentale que constitue le droit à la vie garanti par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. A n'a pas été informé par le préfet du risque encouru pour sa santé, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1110-1, L. 1321-4 et R. 1321-30 du code de la santé publique, ce qui caractérise encore l'atteinte grave et manifestement illégale portée à son droit à la vie ; qu'il n'est pas établi que le diagnostic puisse être fait au Maroc pour toutes les formes de légionellose et selon toutes les techniques disponibles, notamment celles de la biologie moléculaire ; qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le médecin inspecteur de la santé publique a rendu un avis fondé sur des informations erronées et sans avoir été destinataire d'un rapport médical établi dans les formes prévues ; qu'il n'est pas établi que M. A puisse bénéficier d'une prise en charge financière adéquate des soins au Maroc ; que les documents de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et d'autres publications médicales font état de la nécessité de pouvoir recourir, dans le traitement contre les formes sévères de légionellose, à la rifampicine, antibiotique qui n'est pas disponible au Maroc, ce que le médecin inspecteur de santé publique n'a pas contesté ; que la suspension de l'exécution de la décision attaquée impliquait qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'examen de sa situation de santé, dès lors que l'administration ne peut mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire si un changement dans les circonstances de droit ou de fait fait obstacle à la mesure d'éloignement, la remise en liberté de M. A n'étant pas la conséquence de l'injonction de délivrer une autorisation provisoire de séjour mais celle de la suspension de la mesure d'éloignement qui prive de fondement la rétention administrative, en vertu des dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et, d'autre part, M. A ;
Vu le procès-verbal de l'audience du 30 décembre 2010 à 15 heures, au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Garreau, avocat du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;
- Me Matuchansky, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ;
Considérant qu'entre notamment dans le champ des prévisions de cet article le droit au respect de sa liberté personnelle ; que cette liberté implique en particulier qu'un ressortissant étranger atteint d'une pathologie grave ne puisse être renvoyé dans un pays dans lequel il se trouverait exposé à un risque réel pour sa vie du fait de l'impossibilité pour lui d'y bénéficier de la prise en charge médicale des soins nécessités par son état ;
Considérant que pour suspendre l'exécution de la décision du 30 septembre 2010 du préfet du Bas-Rhin ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant le Maroc comme pays de destination, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a jugé que la mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire français avant le terme du délai d'incubation était, compte tenu de la gravité du risque encouru, contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans rechercher s'il était porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que, par suite, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance qu'il attaque, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution de la décision du préfet du Bas-Rhin pour ce motif ;
Considérant qu'il appartient au juge des référés du Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, de nationalité marocaine, a fait l'objet d'un arrêté du préfet du Bas-Rhin, en date du 10 décembre 2010, ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le Maroc comme pays de destination ; qu'à la suite de son interpellation par les services de police, il a, en vertu d'un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 25 novembre 2010, été conduit et maintenu dans les locaux du centre de rétention administrative du Canet, pendant une durée de 48 heures à compter de cette même date ; qu'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille, en date du 27 novembre, a prolongé cette mesure de rétention pour une durée de quinze jours, soit jusqu'au 12 décembre ; que le 1er décembre, un contrôle a établi l'existence d'une concentration anormalement élevée de la bactérie responsable de la légionellose dans une partie des locaux du centre de rétention, dont celle dans laquelle M. A était retenu ; que le 2 décembre, M. A a été déplacé dans une autre partie du centre de rétention, dont un nouveau contrôle, effectué le 6 décembre, aurait établi qu'elle présentait également une concentration anormalement élevée de cette bactérie ; que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, par une ordonnance en date du 9 décembre 2010, dont le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration relève appel, a ordonné la suspension de la décision du préfet du Bas-Rhin en date du 30 décembre 2010 et enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un examen de son état de santé permettant de s'assurer qu'il n'était pas susceptible de développer la légionellose ; qu'en exécution de cette ordonnance, M. A a quitté le centre de rétention le 10 décembre 2010 ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la légionellose est une maladie infectieuse dont la période d'incubation est normalement comprise entre deux et dix jours, durée qui peut être dépassée, selon une publication de l'Organisation mondiale de la santé ; que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) recommande contre cette maladie un traitement utilisant un antibiotique et, en cas de forme sévère, plusieurs antibiotiques ; que la même agence indique que la rifampicine ne peut être utilisée en monothérapie mais peut l'être dans l'association de deux antibiotiques ;
Considérant que, dans un courrier en date du 9 décembre 2010, le médecin inspecteur de la santé publique a estimé, d'une part, que le risque de contamination de M. A était faible mais ne pouvait être exclu et, d'autre part, que le niveau des soins au Maroc était parmi l'un des plus élevé d'Afrique et, en particulier, que tous les traitements nécessaires contre les pneumopathies par légionellose étaient disponibles dans ce pays ; que, toutefois, le compte rendu d'une enquête épidémiologique publiée dans une revue scientifique indique que certaines formes de légionellose ne pourraient être diagnostiquées au Maroc et des documents de l'AFSSAPS relèvent que la rifampicine ne serait pas disponible au Maroc ; que, cependant, les interrogations rapportées sur la capacité des établissements de soins au Maroc à diagnostiquer toutes les formes de légionellose et l'indisponibilité éventuelle dans ce pays de l'un des antibiotiques pouvant être utilisés, dans les seuls cas où une forme sévère de pneumopathie par légionellose rend nécessaire une bithérapie, ne suffisent pas à établir, au vu de l'ensemble des éléments disponibles, que M. A ne pourrait, s'il était atteint de cette maladie, bénéficier au Maroc de la prise en charge médicale nécessitée par son état et que l'administration porterait ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;
Considérant, en second lieu, que M. A soutient que l'administration, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour s'assurer de son état de santé et en ne l'informant pas des risques sanitaires auxquels il était exposé, a méconnu notamment les dispositions des articles L. 1110-1, L. 1321-4 et R. 1321-30 du code de la santé publique et que l'avis du médecin inspecteur de la santé publique a été rendu dans des conditions méconnaissant les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, la méconnaissance de ces dispositions n'est, en tout état de cause, pas davantage de nature à porter une atteinte grave et illégale à la liberté personnelle de M. A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que LE MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance qu'il attaque, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de la décision du préfet du Bas-Rhin ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant le Maroc comme pays de destination et a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; que, par suite, cette ordonnance doit être annulée et les conclusions de M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille doivent être rejetées ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille en date du 9 décembre 2010 est annulée.
Article 2 : La requête présentée par M. A devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à M. A.